Connaissez-vous Richard Ottaway? Moi non plus, je ne le connaissais pas. Du moins, pas jusqu'à lundi dernier, jour où ce député conservateur a surpris tout le monde en s'abstenant de voter sur une résolution du Parlement britannique demandant à Londres de reconnaître la Palestine.
La résolution a été adoptée par 274 voix contre 12. À court terme, ce vote ne changera pas grand-chose. Et le gouvernement britannique a déjà annoncé que sa politique face à Israël restera la même.
Mais symboliquement, ce vote en dit beaucoup sur l'exaspération de la classe politique britannique concernant Israël. Exaspération alimentée à la fois par la dernière guerre contre la bande de Gaza, mais aussi par l'annonce subséquente d'un nouveau boom de colonisation juive en Cisjordanie.
«Le coup de gueule de Richard Ottaway montre que si le mur qui sépare Israël des territoires palestiniens est bien étanche, les barrières qui séparent ces courants d'opinion, elles, sont en train de craquer.»
Âgé de 69 ans, Richard Ottaway est un vétéran de l'armée qui avait voté pour la guerre contre l'Irak, en 2003. Un politicien proche de l'État hébreu, marié à une femme dont la famille a joué un rôle crucial dans la réalisation du rêve sioniste.
Bref, ce n'est pas le genre d'homme que l'on imagine agitant une pancarte à une manif propalestinienne, le keffieh noué autour du cou. En temps normal, cet homme-là aurait joint sa voix à celle des 12 députés qui ont voté non. Mais lundi dernier, il était bien trop en colère pour ça.
Dans un discours marqué par la déception et l'amertume, il a raconté comment, pendant des années, il a plaidé en faveur d'une solution négociée au conflit israélo-palestinien. Comment il n'a pas cessé d'en discuter avec ministres et leaders politiques en Israël.
«Je croyais qu'ils m'écoutaient, mais aujourd'hui, quand je reviens sur ces 20 années, je me rends compte qu'Israël s'est progressivement détaché de l'opinion publique internationale», a lancé le député Ottaway pendant le débat à Westminster.
Il a aussi dit ceci: «L'annexion de 400 hectares de la Cisjordanie il y a tout juste quelques mois m'a mis en colère plus que tout autre évènement durant toute ma carrière politique, principalement parce que ça me fait paraître comme un imbécile, ce qui me met en rogne.»
Puis: «Je ne suis pas sûr que la Palestine soit prête à devenir un État [...] Mais ma colère est telle que je ne vais pas m'opposer à la résolution.»
Et enfin: «Je dois dire au gouvernement israélien que s'ils sont en train de perdre des gens comme moi, ils vont perdre beaucoup de gens.»
Cette dernière phrase est lourde de sens. Dans ce conflit désespérant, les positions sont bien campées depuis des lustres. Et elles sont aussi, généralement, très prévisibles. La droite et la gauche israélienne. Les modérés et les radicaux palestiniens. Les «pro» et les «contre» chacun de ces camps dans l'opinion internationale.
Le coup de gueule de Richard Ottaway montre que si le mur qui sépare Israël des territoires palestiniens est bien étanche, les barrières qui séparent ces courants d'opinion, elles, sont en train de craquer.
Même le ministre britannique responsable du Moyen-Orient, Tobias Ellwood, qui a voté contre la résolution sur l'État palestinien, n'a pas manqué l'occasion de dénoncer la colonisation de la Cisjordanie.
Pendant ce temps, tous les membres du cabinet fantôme travailliste ont voté oui à la reconnaissance de l'État palestinien. Si jamais ils devaient prendre le pouvoir, il y a des chances que leur gouvernement aille jusqu'au bout des intentions exprimées lundi.
Il y a deux semaines, le premier ministre de la Suède, Stefan Löfven, a lui aussi annoncé son intention de reconnaître la Palestine.
Le cas échéant, la Suède et la Grande-Bretagne ne seraient pas seules dans leur camp. Au fil des ans, 134 pays ont fait ce geste. Mais il s'agit surtout de pays africains ou du Moyen-Orient, ainsi que de plusieurs pays de l'ex-bloc soviétique.
Si leurs intentions se concrétisent, la Grande-Bretagne et la Suède deviendraient les premiers pays occidentaux de l'Union européenne à ouvrir la porte à la reconnaissance de la Palestine. Tant que cet État n'a ni passeport ni frontières reconnues, ce geste reste hautement symbolique. Mais il accentue la pression sur Israël.
Ces brèches montrent qu'avec sa politique de faucon, le gouvernement de Benyamin Nétanyahou est en train de perdre la guerre de l'opinion publique. Selon le mouvement israélien Paix maintenant, les 400 hectares annexés cet été représentent la plus importante appropriation territoriale depuis les années 80! Ça relève carrément d'une politique de provocation. Politique qui est en train d'aliéner à Israël ses meilleurs amis. Comme Richard Ottaway.
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
Aucun commentaire trouvé