Des baisses d’impôts historiques

Jeudi, les critiques s’accordaient à dire qu’une réduction d’impôt de 950 millions est insoutenable.

Budget MJF - baisses d'impôts



Stéphanie Grammond - Chose promise, chose due. Tel qu’annoncé en campagne électorale, le gouvernement Charest utilise l’argent frais du fédéral pour réduire les impôts des particuliers de 700 millions additionnels, à partir de 2008.



La ministre des Finances, Monique Jérôme-Forget, suit les pas de son prédécesseur Michel Audet, qui avait accordé une réduction d’impôt de 250 millions dans son budget préélectoral en février. En combinant les deux budgets, les économies atteignent 950 millions.
De mémoire de fiscaliste, les Québécois n’ont jamais eu droit à une baisse d’impôt annuelle d’une telle ampleur. En 1998, Bernard Landry, alors ministre des Finances, avait allégé les impôts de 850 millions. Mais en même temps, il avait relevé la taxe de vente de 1%.
Cette fois, les 3,8 millions de contribuables du Québec auront droit à une grande bouffée d’air. Ce sont les plus à l’aise qui toucheront les baisses les plus importantes. Pour un célibataire, l’économie maximale sera de 969 $. Pour une famille de deux enfants qui compte sur deux revenus, l’économie maximale s’élèvera à 1939 $.
Au lieu de réduire le pourcentage d’impôt, les libéraux ont plutôt choisi de rehausser de 25% les trois paliers d’imposition. Concrètement, cela signifie que le taux d’imposition le plus faible (16%) s’appliquera jusqu’à 37 500 $, au lieu de 29 875 $ avant le budget. Le taux d’imposition intermédiaire (20%), s’appliquera jusqu’à 75 000 $ de revenu, au lieu de 59 765 $ avant le budget. Et ce n’est que sur les revenus excédents 75 000 $ que les contribuables seront imposés au taux le plus élevé (24%).
«Au cours des dernières années, nous avons principalement donné aux familles. Nous pensons, aujourd’hui, qu’il est temps d’aider tous ceux qui travaillent», a expliqué Mme Jérôme-Forget.
Mais pour ne pas se faire reprocher d’avoir concocté un budget pour les riches, elle a pris soin de relever de 275 $ le montant personnel de base, qui s’établira à 10 215 $ à partir de 2008. Il s’agit du seuil de revenus en dessous duquel les contribuables ne paient pas du tout d’impôt. M. Audet avait préféré ne pas y toucher, pour ne pas gonfler davantage la proportion de Québécois qui ne paient aucun impôt.
Les économies d’impôt prévues pour 2008 seront encore plus juteuses quand on les additionne à celles du dernier budget fédéral.
Prenons une famille dont l’un des conjoints gagne 70 000 $ et l’autre reste à la maison pour s’occuper des enfants. Cette famille paiera 784 $ de moins au provincial, et 727 $ de moins au fédéral. Au total, cette famille aura 1511 $ de plus dans ses poches, en 2008, selon les calculs des fiscalistes de la firme Ernst & Young.
Des réductions irréalistes
Les baisses d’impôt font probablement déjà saliver tous les contribuables. Mais rien n’est encore acquis. Jeudi, les critiques s’accordaient à dire qu’une réduction d’impôt de 950 millions est insoutenable.
Selon Luc Godbout, professeur de fiscalité à l’Université de Sherbrooke, le Québec n’a pas les moyens de s’offrir ces baisses. «La fiscalité, ce n’est pas seulement une question de solidarité entre les riches et les pauvres, aujourd’hui. C’est aussi une question de solidarité intergénérationnelle. Si on veut être équitable envers les générations futures, il faut commencer tout de suite à se créer un bas de laine, au lieu d’accorder des baisses d’impôt», dit-il.
Les deux partis d’opposition ont tenu le même discours. «Pas très brillant de faire un party aujourd’hui et de refiler la facture aux prochaines générations», a dit Gilles Taillon, critique de l’Action démocratique du Québec en matière de Finances. L’ADQ votera contre le budget.
M. Taillon souligne que l’équilibre budgétaire a été atteint artificiellement grâce à la vente d’actifs du gouvernement et à des revenus ponctuels provenant de l’impôt payé par les femmes à la suite du règlement de l’équité salariale qui avait été financé par la dette.
«Ce qu’on ne nous dit pas, c’est comment on comblera le trou de 1,1 milliard par la suite», a renchéri François Legault, critique du Parti québécois en matière de Finances. À son avis, les réductions d’impôt reposent sur un «tour de passe-passe». Il considère qu’elles sont injustifiées, puisque la dette continue d’augmenter.
«C’est un budget irresponsable, plein de contradictions. Si on veut relancer l’économie, il faut investir dans l’éducation. Ça devrait passer avant les baisses d’impôt», dit-il.
Le Parti québécois a convenu de discuter en caucus, avant de déterminer s’il votera ou non en faveur du budget. Les baisses d’impôt sont donc entre ses mains.


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