Dépendances et indépendances

Chronique de Louis Lapointe

On choisit tous nos dépendances.

On peut le faire individuellement ou collectivement.

Alors que la religion est une affaire individuelle, les choix politiques relèvent du collectif.

Ainsi, les Québécois ont choisi à deux reprises de demeurer dans le Canada.

Nous étions alors libres de choisir individuellement notre destin collectif.

Si chacun a pu s’exprimer librement, notre décision s’est manifestée collectivement.

La majorité a imposé son choix.

Voilà pourquoi je vis encore au Canada, alors que j’aurais préféré habiter un Québec indépendant.

Nous savons tous que les libertés, individuelles ou collectives, comportent des limites raisonnables, il s’agit là d’une exigence de la vie en société.

Vivre en démocratie impose l’obligation de respecter certaines règles bien que cela puisse parfois brimer nos libertés individuelles.

Qu’en est-il de ces personnes qui souhaitent manifester individuellement dans des fonctions publiques leur appartenance à une religion par des signes ostentatoires ?

Pouvons-nous collectivement limiter leur choix individuel ?

Décider que ces personnes ne pourront plus dorénavant manifester publiquement leur appartenance à une religion dans une fonction publique?

Cela brime-t-il leur liberté de religion ?

Si tel est le cas, le Québec peut-il limiter le port de signes ostentatoires dans la fonction publique ?

Peut-il le faire au nom de la neutralité de l’État ?

Ce choix de la neutralité est-il un choix qui peut s’exprimer démocratiquement comme celui de l’indépendance d’un État ?

Si des citoyens libres peuvent démocratiquement choisir de vivre dans un état indépendant, le présent débat nous enseignera probablement que seul un état souverain peut choisir la neutralité pour ses institutions.

La liberté est au citoyen ce que la souveraineté est à un état.

Si nous sommes libres de choisir nos indépendances, nous sommes également libres de choisir nos dépendances.

***

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Louis Lapointe534 articles

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L'auteur a été avocat, chroniqueur, directeur de l'École du Barreau, cadre universitaire, administrateur d'un établissement du réseau de la santé et des services sociaux et administrateur de fondation.





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2 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    18 septembre 2013

    Le sujet peut ratisser plus large que les croyances religieuses.
    Le tabac est issu de pratiques chamaniques. Une dépendance qui découle d'un rituel de communion avec l'esprit de la plante. Interdit bien sûr dans les bureaux, mais nos fonctionnaires vont prier Manitou devant les entrées d'édifice.
    Le sexe peut être une dépendance. Que dire du fonctionnaire qui affiche trop une orientation via des codes vestimentaires tel le bandana? Un client saura le soudoyer.
    Poutine a réglé en partie le cas en Russie.
    La dépendance au jeu. Fini les pools de loterie.
    La dépendance au Hockey. N'êtes-vous pas écœuré de vos collègues qui viennent travailler avec un chandail du Canadien. Ou une casquette ? Le Hockey, c'est une religion qui a une forte ferveur. Et que de temps perdu par nos fonctionnaires à discuter des bonnes et mauvaises performance de l'équipe.
    Je vous laisse imaginer les autres dépendances qui deviennent ostentatoires avec leur signes et rituels.

  • Archives de Vigile Répondre

    16 septembre 2013

    «Si des citoyens libres peuvent démocratiquement choisir de vivre dans un état indépendant, le présent débat nous enseignera probablement que seul un état souverain peut choisir la neutralité pour ses institutions».
    «Nous enseignera», écrivez-vous. Les Québécois ont précisément besoin d'un enseignement «pratique» sur ces questions d'indépendance. Les militants de longue date et les juristes savent trop bien les limites dans lesquelles sont enfermées les aspirations du Québec. Ils réclament bien sûr une consultation populaire en vue de sortir du cadre constitutionnel canadien. Il n'en va toutefois pas de même pour le gros de la population. Beaucoup de nos compatriotes sont prisonniers de l'idéologie libérale anglo-américaine : ils ont intériorisé des valeurs qui sont bien loin d'être québécoises. Ils sont prisonniers du confort et de l'indifférence, de la culture américaine, de l'idée que la langue anglaise est indispensable pour vivre, etc. Il faut que le peuple apprenne que les questions constitutionnelles ne sont pas une «perte de temps», un amusement qui détourne des «vraies affaires» qui, comme tout le monde le sait, sont les affaires. Le peuple doit apprendre que ce qu'il souhaite démocratiquement va être bafoué par la Supreme Court of Canada au nom d'une Constitution d'un pays qui lui est de plus en plus étranger. Souhaitons seulement qu'il apprenne vite parce que le temps presse.