Benoit Charette

Démission du caucus du Parti Québécois

Pacte électoral - gauche et souverainiste

--- En date de : Jeu, 23.6.11, Benoit Charette a écrit :
De : Benoit Charette
_ Objet : Démission du caucus du Parti Québécois
_ À : ycsocio@yahoo.ca
_ Date: jeudi 23 juin 2011 01 h 28

M. Claudé,
Hier, après une longue réflexion, j'ai annoncé mon retrait du caucus du Parti Québécois et la fin de mon association avec cette formation politique pour laquelle j'ai milité au cours des 17 dernières années. Vous trouverez plus bas, l'allocution que j'ai prononcée au moment d'en faire l'annonce. Vous pouvez réagir à cette décision à travers mon blogue, ou encore en m'écrivant un courriel à l'adresse suivante : bcharette@assnat.qc.ca. Tous vos commentaires sont les bienvenus et seront considérés. Merci!

Benoit Charette
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Après 17 années d’engagement soutenu et sincère au sein du Parti Québécois, d’abord comme simple militant, puis comme membre d’exécutifs local et régional, ensuite comme président de circonscription, et ultimement comme député depuis la dernière élection, j’annonce aujourd’hui que je cesse mon association avec le Parti Québécois et que je me retire conséquemment du caucus de l’opposition officielle. Cette décision est effective dès à présent.
Bien que cette annonce survienne alors que le Parti Québécois vit un épisode de turbulence, elle n’est en rien attribuable aux événements des dernières semaines. Elle est plutôt le fruit d’une longue réflexion.
Chez les militants et les députés du Parti Québécois, on retrouve des individus pour qui gouverner la province de Québec n’est d’aucune façon souhaitable et envisageable. Leur implication et leur mobilisation, et c’est très louable, se résume à faire du Québec un pays.
Bien que je sois aussi souverainiste que ces derniers, et je ne laisserai personne affirmer le contraire, mon engagement politique ne se résume pas et ne s’est jamais limité à travailler à la cause souverainiste. Les défis qui confrontent le Québec au quotidien sont colossaux. Travailler à y répondre est pour moi un défi particulièrement stimulant.
Aussi, un parti politique aspirant à prendre le pouvoir, ne peut faire la sourde oreille relativement aux préoccupations et aux priorités de la population. Il doit au contraire demeurer sensible à sa réalité. Le Parti Québécois a adopté un programme de gouvernement en avril dernier. Plusieurs éléments de ce programme semblent répondre aux préoccupations d’une majorité de Québécois et de Québécoises. Cependant, il n’est d’aucune façon en phase avec la population lorsqu’il refuse de lever l’hypothèque référendaire pour un premier mandat à tout le moins.
De cette manière, il compromet non seulement son élection, mais il met également en péril des initiatives novatrices qui profiteraient à l’ensemble de la population. J’irais jusqu’à dire qu’il compromet le projet souverainiste qu’il porte.
La décision de quatre de mes collègues de quitter le caucus du Parti Québécois m’a passablement embêté, car je ne souhaitais d’aucune façon être associé à leur démarche. Je ne partage pas en effet les principales conclusions auxquelles ils sont arrivés. Je le dis en toute franchise bien que j’aie encore aujourd’hui le plus grand des respects pour ces personnes. Mis à part les questions d’éthique et cette volonté de faire de la politique autrement dont on pourra toujours discuter à un autre moment, ces démissions semblent plutôt liées à la place que réserve le Parti Québécois à la souveraineté, aux efforts consentis pour la réaliser, à la personnalité de Pauline Marois et aux chances de cette dernière de remporter les prochaines élections avec un entourage contre lequel on semble avoir de nombreuses doléances. Humblement, je pense qu’ils ont fait les mauvais constats et posé le mauvais diagnostic.
Imputer les déboires actuels et le manque d’enthousiasme à l’endroit du Parti Québécois à Pauline Marois relève d’une mauvaise analyse selon moi. Voilà plus de 15 ans que l’électorat québécois a commencé à prendre ses distances du parti formant présentement l’opposition officielle. En effet, depuis l’élection de 1994, le Parti Québécois génère toujours moins d’appuis élection après élection. Si l’on considère l’élection de 2008, la dernière en date, cela représente plus de 600 000 votes de moins par rapport à l’élection de 1994, alors que le nombre d’électeurs inscrits pour la même période a lui augmenté de plus de 840 000 personnes.
Le manque d’enthousiasme que l’on constate aujourd’hui n’est pas le fruit de la conjoncture. Pauline Marois n’y est pour rien. Elle est au contraire celle à qui l’on doit la remontée du Parti Québécois aux dernières élections. Elle est la seule chef depuis 1994 à avoir permis au Parti Québécois d’engranger plus de votes qu’à l’élection précédente et du coup, de sauver le parti dont plusieurs avaient évoqué la fin après la déconfiture de 2007.
Il est vrai que depuis la dernière élection, le Parti Québécois performe plutôt bien dans les sondages. Je ne parviens pas cependant à me convaincre que cet appui est le fruit d’une sincère adhésion au programme du Parti Québécois et à son projet souverainiste. Je crois plutôt que cet appui résulte davantage d’une profonde lassitude à l’égard du gouvernement libéral, et que l’alternative naturelle devient le Parti Québécois. Simple principe d’alternance.
Certains diront que l’appui à la souveraineté s’est maintenu de façon constante à plus de 40% depuis le dernier référendum. Mais la question à poser est plutôt quel est le pourcentage de la population pour qui la réalisation de la souveraineté est une priorité. Je serais pour ma part surpris que ce pourcentage excède véritablement les 20%. Lorsque j’entends des collègues et d’ex-collègues dire qu’il faut accélérer le pas vers le référendum, je ne peux que penser qu’ils compromettent le projet même de souveraineté. Un troisième échec référendaire serait fatal à la cause souverainiste, et le peuple québécois ne semble manifestement pas prêt et désireux à vivre ce troisième référendum.
Un changement de direction au Parti Québécois ne modifierait strictement rien à cette réalité. Un nouveau chef serait confronté à ce même manque d’appétit de l’électorat constaté depuis plusieurs années pour la question nationale. Un parti peut en toute légitimité porter un projet, mais ne peut d’aucune façon être désincarné des priorités de la population s’il aspire à prendre le pouvoir.
Fort de ces constats, je suis arrivé à la conclusion il y a plusieurs mois que le Parti Québécois devrait s’engager à ne pas tenir de référendum lors d’un premier mandat sous sa gouverne afin de ne pas compromettre ses chances de remporter les prochaines élections, et ainsi lui permettre de mousser son option fondamentale avec les outils et les moyens dont dispose tout gouvernement. J’ai sondé plusieurs collègues depuis, en ai discuté à travers différentes instances du parti, en caucus, auprès de la direction du parti. Ces différents coups de sonde m’ont permis de réaliser que l’ADN même du parti l’empêche de s’engager formellement à ne pas tenir de référendum lors d’un mandat déterminé. On m’a systématiquement répondu que jamais le parti n’avait pris pareil engagement depuis sa fondation. J’en conviens, mais je crois que le parti ne peut pas poser meilleur geste afin de démontrer à la population qu’il est à son écoute. C’est mon incapacité à réformer le parti sur cette base qui m’amène aujourd’hui à le quitter, sans amertume aucune. Lorsqu’un individu ne se sent plus à l’aise dans un groupe, c’est à lui de le quitter.
Qu’on me comprenne bien, je suis et demeure souverainiste. Je suis également convaincu que deux seules options légitimes s’offrent aux Québécois et aux Québécoises : le fédéralisme renouvelé et la souveraineté. Le statu quo n’est pas une option, quoi qu’en dise Jean Charest.
Les deux principaux partis politiques représentés à l’Assemblée nationale ont failli au cours des trois dernières décennies à faire triompher leur option respective. Ce constat est indéniable. Devant cet échec, et ne se sentant pas à même de clore la question dans l’immédiat, la population québécoise, j’en suis maintenant convaincu, demande manifestement une trêve, et je souscris dorénavant pleinement à cette idée.
Cette trêve est d’autant plus souhaitable que le Québec est confronté à des défis d’une importance capitale pour son avenir. L’idée de rassembler des individus sur une base différente que celle de la question nationale me plait particulièrement.
Ceci m’amène à aborder de front la question de la Coalition pour l’avenir du Québec et de François Legault. Il est évident que la coalition qu’il a fondée aux côtés de Charles Sirois est aujourd’hui bien réelle, et qu’elle suscite beaucoup d’intérêt chez plusieurs. J’ai d’ailleurs levé, au cours de la dernière année et demie, plusieurs drapeaux auprès des dirigeants de ma formation politique afin de prévenir mes collègues de la naissance de cette nouvelle force politique. Je me suis par la suite rendu compte que je me battais contre des idées qui sont les miennes à bien des égards.
Bien que je juge aujourd’hui souhaitable la présence d’un joueur sur l’échiquier politique désireux de penser la politique différemment, ma réflexion ne m’amène pas pour autant à joindre les rangs de cette coalition. Plusieurs ont manifesté le souhait de voir la Coalition se transformer en parti politique. Je n’en suis personnellement pas là.
Si je songe à mon avenir politique depuis plusieurs mois maintenant, et si j’ai sérieusement envisagé de démissionner de mon poste de député en mars dernier, j’ai aujourd’hui convenu de poursuivre, pour le moment à tout le moins, le mandat que m’ont confié les électeurs et les électrices de la circonscription de Deux-Montagnes. Cette motivation nouvelle, je l’ai trouvée auprès de mes concitoyennes et concitoyens, toujours plus nombreux à m’encourager à explorer cette voie qui permettrait de fédérer les forces vives du Québec sur une nouvelle base.
En terminant, l’annonce de mon retrait du caucus du Parti Québécois est le fruit d’une longue réflexion. Dire que cette réflexion fut facile serait mentir. Elle a été ponctuée de nombreuses nuits blanches. On ne renonce pas à 17 ans d’implication politique sans peine. En quittant le Parti Québécois, je quitte une chef pour qui j’ai le plus grand respect et une affection sincère, des collègues d’un dévouement peu commun et de nombreux militants d’un engagement qui fut longtemps ma principale source d’inspiration. J’ai cependant réalisé que c’est le respect inouï que je voue à tous ces individus qui maintenait mon adhésion au Parti Québécois, bien plus que la démarche vers la souveraineté que ce dernier propose. Si je fais cette annonce aujourd’hui, c’est que le caucus du Parti Québécois se réunira demain, et je souhaitais mettre carte sur table. Par respect pour les membres de ce caucus, je n’aurais pas été capable de m’y présenter alors que ma décision est bien prise.







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