Défoncer des portes ouvertes

2006 textes seuls

François Legault, le critique péquiste en matière de finances, propose que le Québec augmente sa TVQ de 7,5 à 8,5 % pour récupérer le champ fiscal que le gouvernement fédéral laissera vacant lorsque le premier ministre Stephen Harper remplira sa promesse de baisser la TPS de 1 %.
L'ex-ministre aurait même, selon Radio-Canada, rallié à son idée de nombreuses personnalités, l'incontournable Lucien Bouchard, Bernard Landry, les recteurs de l'Université de Montréal et de l'UQAM, Diane Bellemarre du CPQ, mon collègue André Pratte, ce qui suggère une sorte de mouvement occulte sur la question.
Tout cela est bien beau, à une nuance près. L'idée que le Québec augmente sa TVQ pour récupérer la baisse de la TPS fédérale n'est pas une idée de M. Legault.
C'est en fait un vieux dossier. Depuis longtemps, bien des spécialistes estiment qu'une baisse des impôts fédéraux, en libérant un champ fiscal pour les provinces, est une excellente façon de corriger le déséquilibre fiscal. La proposition principale de la commission Séguin était qu'Ottawa cède aux provinces la totalité des revenus de la TPS pour remplacer l'ensemble des transferts fédéraux. Le Conseil canadien des chefs d'entreprise a récemment repris cette idée.
Ce qu'on appelle le déséquilibre fiscal c'est le fait que le gouvernement fédéral dispose d'importants revenus, supérieurs à ses besoins réels, tandis que les provinces ont du mal à s'acquitter de leurs missions. Il y a diverses façons de corriger cela, par des transferts en argent, le plus souvent au terme d'âpres négociations, par des transferts de points d'impôt. Mais la façon la plus simple, c'est qu'Ottawa libère un champ fiscal et le laisse aux provinces, selon leurs besoins.
La promesse électorale de Stephen Harper de baisser rapidement la TPS d'un point, et de la baisser d'un autre point d'ici la fin d'un mandat, a réactivé ce dossier de façon beaucoup plus concrète. J'ai moi-même évoqué l'idée, pendant la campagne, que cette baisse de la TPS puisse être récupérée par le Québec, sans pour autant prétendre à l'originalité. L'idée était déjà dans l'air. Mon collègue André Pratte, en février, a reproché au ministre québécois des Finances, Michel Audet, d'avoir catégoriquement écarté cette hypothèse.
Ce qu'a fait M. Legault, c'est de s'attribuer la paternité d'une solution qui semblait déjà souhaitable pour bien du monde. Et il est assez évident, que, dans sa croisade, il a rencontré des gens qui en étaient déjà arrivés à la même conclusion.
Le principal problème de cette approche, c'est son coût politique. La province qui augmente ses taxes pour récupérer les revenus fédéraux devra supporter l'odieux de sa ponction fiscale. Cela ne serait pas le cas, par exemple, si le transfert du produit de la TPS se faisait de façon formelle, dans le cadre d'une entente fiscale entre Ottawa et les provinces.
Si Québec augmentait de lui-même sa TVQ à 8,5 %, on imagine aisément la levée de boucliers contre les libéraux que l'on accuserait d'augmenter le fardeau fiscal et de priver les citoyens du cadeau offert par M. Harper. On devine également que les premiers à aller au front contre le gouvernement seraient les membres de l'opposition péquiste. Et c'est la peur de cette crise qui a amené le ministre des Finances Michel Audet à ne pas retenir cette piste pourtant prometteuse.
La contribution de M. Legault au débat public, sans doute involontaire, c'est de donner au gouvernement la caution morale qui lui manquait, ce qui pourrait rendre la chose politiquement possible.
Quant à l'autre idée de M. Legault, celle de dédier ces revenus additionnels à deux missions bien précises, un montant annuel qu'il évalue à 1,3 milliard à diviser entre la réduction de la dette et à l'éducation, on n'en voit pas l'utilité, même si on ne peut qu'admirer la passion de l'ex-ministre pour l'éducation.
Mais il n'en reste pas moins que ces efforts de M. Legault ont quelque chose d'un peu bizarre. Il y a peut-être une explication. Les deux baisses de la TPS promises par les conservateurs, si elles sont récupérées par Québec, mèneraient à un déplacement de ressources de plus de deux milliards d'Ottawa à Québec. Cela éliminerait à toutes fins pratiques le déséquilibre fiscal. Et cela priverait du même coup M. Legault et son parti de son principal argument pour dénoncer le régime fédéral.
Avec sa proposition, M. Legault fait en quelque sorte de l'échec avant. Il garde l'initiative dans un dossier qui risquait de lui échapper, aidé en cela par le fait que le ministre Audet a écarté trop catégoriquement cette approche. Et si, un jour, Québec décide d'augmenter la TVQ, François Legault pourra dire que c'est grâce à lui.


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