De Saint-Léonard à Hérouxville

La question linguistique québécoise est de retour

IDÉES - la polis

«Entre mes quatre murs de glace

Je mets mon temps et mon espace

À préparer le feu la place

Pour les humains de l’horizon

Et les humains sont de ma race.»
Mon pays, Gilles Vigneault
***
Qui se souvient de Saint-Léonard ? Cette ancienne municipalité devenue
depuis un simple arrondissement de la ville de Montréal a laissé son nom à
l’un des plus tristes événements de l’histoire récente du Québec.
Saint-Léonard fut en effet le théâtre des seuls véritables affrontements
interethniques que le Québec moderne issu de la Révolution tranquille ait
connu. Au moment où la petite municipalité de Hérouxville a décidé de
manifester avec humour son insatisfaction à l'égard de l'immigration
musulmane (en se donnant un code de vie interdisant notamment la lapidation
des femmes) et où de nombreux témoignages aux audiences publiques de la
Commission Bouchard-Taylor manifestent des frictions grandissantes entre
Québécois dits de souche et certaines communautés immigrantes, il importe
de se rappeler cet épisode dramatique de l’histoire du Québec.
La question se pose en effet de savoir si le Québec n’est pas en quelque
sorte de retour à la case départ. La conjoncture actuelle ressemble
étrangement à cette époque où le nationalisme québécois aurait facilement
pu donner naissance à un mouvement de droite, ou même d’extrême droite,
identifiant l’immigration comme une de ses principales cibles. On sait que
tel ne fut pas le cas et que, malgré des frictions réelles, le nationalisme
québécois prit rapidement la forme d’un mouvement libéral de centre gauche
soucieux d’accueillir les nouveaux venus mieux que dans la majorité des
pays du monde. Mais ce genre de choix n’est jamais définitif et si les
propos entendus à la Commission Bouchard-Taylor démontrent une chose, c’est
que la question de l’attitude à adopter à l’égard de l’immigration est de
nouveau posée au mouvement nationaliste québécois.
Mais pour comprendre combien ce débat est actuel, il faut d’abord remonter
dans l’histoire.
Des émeutes ethniques

Le 3 septembre 1969, une émeute éclate à Saint-Léonard. Elle oppose des
Italo-Québécois qui revendiquent une éducation en anglais pour leurs
enfants à des membres du mouvement pour l'intégration scolaire (MIS), un
groupe de parents francophones et de militants nationalistes qui réclament
l'intégration des enfants d'immigrants au système d'éducation francophone.
À cette époque, en effet, les immigrants qui s’installaient au Québec
avaient le choix de la langue d’enseignement de leurs enfants. Avec pour
résultats qu’ils choisissaient l’anglais dans leur immense majorité.
On a peine à imaginer que ce conflit prendra alors une tournure
véritablement violente. À la suite d'une décision de la commission scolaire
d'imposer des cours de français aux enfants d'immigrants allophones, les
membres de la communauté italienne de Saint-Léonard refusent d'envoyer
leurs enfants à l’école. Une première bagarre éclate lors d'une réunion du
MIS à la Commission scolaire Jérôme-Le Royer. Elle fait quatre blessés,
dont le président du mouvement, Raymond Lemieux. Une semaine plus tard, une
nouvelle altercation se déroule dans les rues de Saint-Léonard. Elle fera
elle aussi plusieurs blessés. Le MIS (qui deviendra la Ligue pour
l’intégration scolaire) s’est fait interdire le droit de manifester à
Saint-Léonard. Mais son leader, Raymond Lemieux, invite ses membres à
braver l'interdiction. Ils seront 1 000 à se présenter sur le terrain du
centre commercial Le Boulevard. La nouvelle échauffourée fait 18 blessés et
d'importants dégâts matériels. La Loi de l'émeute est proclamée et plus de
500 policiers casqués, dont 300 de la Sûreté du Québec, interviennent pour
séparer les belligérants à coups de matraques et de gaz lacrymogènes.
Peu de temps après, l'Assemblée nationale parfaitement inconsciente des
inquiétudes ressenties par la population francophone met littéralement le
feu aux poudres en adoptant la Loi 63, reconnaissant aux parents le libre
choix de la langue d'enseignement de leurs enfants. L’événement provoquera
des manifestations parmi les plus imposantes que le Québec ait connues.
Après bien des péripéties, ces événements mèneront à l’adoption de lois
plus conformes à la volonté populaire et restaurant une certaine paix
linguistique, comme la loi 22 faisant du français la langue officielle du
Québec, et la loi 101, obligeant les immigrants à intégrer l’école
française.
À l’image du débat actuel sur le kirpan à l’école ou le port du voile pour
aller voter, cette crise trouve sa source dans un «accommodement» à
l’égard d’une population immigrante jugé déraisonnable par la majorité
francophone. La commission scolaire locale estime alors nécessaire de
mettre fin à l'expérience des classes bilingues et de les remplacer par des
classes de français. L'importante minorité italienne, plus encline à
envoyer ses enfants dans des écoles bilingues, dénonce cette décision.
Comme aujourd’hui, les élites libérales et nationalistes — c’est en effet
l’Union nationale de Jean-Jacques Bertrand qui propose la loi 63 — n’ont
rien vu venir. Elles poussent même l’inconscience jusqu’à prendre parti,
contre la majorité francophone (elle-même minoritaire au Canada), pour la
minorité immigrante. La loi 63 aurait en effet consacré la minorisation
progressive des francophones dans leur propre province, puisque chacun sait
que les populations immigrantes choisissent tout naturellement pour leurs
enfants la langue majoritaire du Canada et de l’Amérique du nord.
On accuse souvent les Québécois de se méfier de l’immigration et de céder
ainsi à un «complexe de minoritaires». Ils ont pourtant des raisons d’être
prudents. Ne sont-ils pas les rejetons des anciens Canadiens, puis des
Canadiens français, déjà massivement minorisés en Amérique par
l’immigration massive qu’a connu le Canada avant comme après la
Confédération de 1867. Après avoir été les premiers à explorer l’Amérique
du nord des Appalaches aux Rocheuses, les descendants des premiers colons
français voient ce processus d’assimilation se poursuivre de plus belle au
sein même de ce qu’ils considéraient comme leur dernier rempart, la
province de Québec. Ce processus semble même encouragé par une partie de
leur élite nationaliste.
Le retour sur cette période de notre histoire permet de comprendre
comment la situation explosive du Québec d’alors contenait tous les
ingrédients nécessaires au développement d’un mouvement nationaliste de
droite et même d’extrême droite en réaction à l’immigration. Le Québec
possédait même toutes les caractéristiques pour y voir apparaître des
mouvements ouvertement xénophobes comme le Vlams Belang en Flandres et le
Front national en France.
On devrait même aujourd’hui s’étonner que le Québec d’alors n’ait pas
connu de véritables mouvements xénophobes. Le mérite en revient à René
Lévesque et au mouvement indépendantiste démocratique aussi représenté par
des organisations comme le RIN qui, au lieu de s’en prendre aux populations
immigrantes, les invitera au contraire à participer au mouvement national
québécois en plein essor, à apprendre le français et à intégrer une société
véritablement pluraliste. Le poète Gérald Godin devenu ministre de
l’Immigration du gouvernement de René Lévesque symbolisera plus que tout
autre cette ouverture à l’égard des populations immigrantes.
Au lieu d’assister à la naissance d’un mouvement nationaliste de droite
aux relents xénophobes, comme en connaissent la Flandre, les Pays-Bas, la
France, le Piedmont et tant d’autres pays, le Québec verra fleurir un
mouvement souverainiste atypique de centre gauche largement inclusif et
ouvert à l’immigration. C’est même le Parti québécois qui fera élire le
premier député noir de l’histoire du Québec. On ne connaît pas beaucoup de
mouvements nationalistes dans le monde dont le porte-voix culturel a
chanté, comme l’a fait Gilles Vigneault: «Entre mes quatre murs de glace/Je
mets mon temps et mon espace/À préparer le feu la place/Pour les humains de
l’horizon/Et les humains sont de ma race.»
40 ans plus tard
Comment en sommes-nous arrivé aujourd’hui à une situation où une partie
non négligeable du Québec francophone semble à nouveau se méfier de
l’immigration et y voir une menace pour sa survie?
Pour saisir ce qui se passe aujourd’hui, il faut comprendre le pacte
qu’ont proposé dans les années 70 les souverainistes aux Québécois et aux
populations immigrantes. Il s’agissait de redonner à la majorité
francophone l’assurance de sa survie et de son épanouissement dans une
société où elle accèderait enfin au statut de peuple majoritaire. En
contrepartie, cette population avait toutes les raisons de se montrer
magnanime et ouverte à l’immigration.
À terme, cette garantie s’inscrivait dans un mouvement qui promettait de
reconquérir linguistiquement la ville de Montréal et d’institutionnaliser
véritablement les droits de la minorité francophone en en faisant une
majorité dans un Québec en marche vers son indépendance, ou du moins vers
une très grande autonomie politique. D’ailleurs, les dirigeants du Parti
québécois ont tellement intégré cette donnée qu’ils ont sans cesse montré
l’exemple en agissant comme s’ils étaient déjà le gouvernement d’un pays
indépendant. Ainsi, les élites souverainistes se sont-elles mises à être
les principaux promoteurs au Québec d’un multi-ethnisme à la québécoise,
rebaptisé «interculturalisme» selon les mots mêmes de la Commission
Bouchard-Taylor? Le concept ne faisait que reprendre le discours
multiethnique canadien en l’adaptant un peu et en rappelant notamment
l’importance de la langue française.
Or, non seulement les promesses du mouvement souverainiste n’ont-elles pas
été tenues, mais les Québécois découvrent aujourd’hui que ce qu’ils
considéraient comme des protections inébranlables sont beaucoup plus
fragiles que prévu. On ne s’étonnera donc pas que le pacte noué dans les
années 70 ne tienne plus.
L’échec de la loi 101
D’abord, le mouvement souverainiste a perdu deux référendums en 1980 et
1995. Pour de très nombreux nationalistes, l’ouverture à l’immigration
avait un sens en autant que le Québec progresse, peut-être lentement mais
sûrement, vers l’indépendance. Or, cette lente progression a été
brutalement interrompue en 1995. Les promesses d’un troisième référendum
n’ont encore convaincu personne. Les souverainistes eux-mêmes sont donc
aujourd’hui tentés par d’autres solutions, comme l’autonomisme de droite
que proposent Mario Dumont et l’ADQ.
Ensuite, les Québécois découvrent que les barrières qu’ils avaient
érigées contre l’assimilation ne remplissent leur rôle qu’à moitié. Tout
particulièrement à Montréal. Trente ans après l’adoption de la loi 101, on
sait que cette loi est parvenue à donner un visage francophone au Québec.
On sait qu’elle a permis de retarder le rouleau compresseur canadien, mais
pas de l’arrêter. En effet, toutes les enquêtes montrent que, malgré la
loi, moins de 50% des nouveaux arrivants s’intègrent à terme dans la
majorité francophone. Cela signifie que, 40 ans après Saint-Léonard, plus
de la moitié des immigrants qui arrivent au Québec choisissent au bout d’un
certain nombre d’années de rejoindre la minorité anglophone du Québec. Les
souverainistes qui ont érigé la loi 101 en véritable symbole identitaire
hésitent toujours à reconnaître ce qu’il faudra bien un jour appeler
l’échec de la loi 101, du moins en ce qui concerne l’intégration de plus de
la moitié des immigrants québécois et la reconquête linguistique de
Montréal.
Un lecteur du Devoir racontait récemment comment se déroulaient les
festivités qu’organisent chaque année les habitants de la Petite Italie, le
quartier italien traditionnel de Montréal. Plutôt que de se dérouler en
français, ou même en italien, la langue dominante de ces festivités est
aujourd’hui encore l’anglais. Et cela en plein cœur de la seconde métropole
francophone du monde.
Certes, les nouveaux arrivants sortent généralement de l’école bilingue.
Mais, le français demeure pour la majorité d’entre eux une langue seconde
qu’ils utilisent dans l’espace public chaque fois qu’ils sont obligés de le
faire, mais dont ils hésitent encore à faire leur langue d’usage à la
maison, autrement dit leur langue maternelle. Faut-il rappeler que, lorsque
les Québécois ont bravé les préjugés du monde anglophone et la charte des
droits canadienne pour faire adopter la loi 101, ce n’était pas pour
parvenir intégrer 45% des immigrants, mais leur juste part, c’est-à-dire
près de 90%. Ce n’était pas non plus pour fabriquer une nouvelle population
organiquement bilingue capable de lui répondre poliment dans sa langue. On
dira qu’une partie de ces immigrants qui choisissent l’anglais choisissent
aussi souvent d’aller vivre dans une province anglophone. Ce faisant, ils
contribuent néanmoins à la minorisation des Québécois dans l’ensemble
canadien où ceux-ci ne représentent déjà plus que 23% de la population.
Récemment — autre signe d’insécurité identitaire —, c’est à l’unanimité que
l’assemblée nationale du Québec s’est opposée à la réduction de la
proportion de députés québécois siégeant à Ottawa. Une déclin dont le
Canada se soucie comme d’une guigne tant il semble inscrit dans l’histoire
du pays.
Le pacte symbolisé par la loi 101 impliquait que, d’un côté, les Québécois
francophones s’ouvrent largement aux nouveaux arrivants, mais que, de
l’autre, ceux-ci s’intègrent au bout d’une ou deux générations, en faisant
du français leur langue d’usage principale. Or, ce pacte n’a jamais été
tenu. Et la population francophone s’en rend dramatiquement compte
aujourd’hui. Les populations qui entourent l’île de Montréal, celles du
célèbre 4-5-0, découvrent souvent avec stupeur que sous l’effet de la
mondialisation et malgré la loi 101, leur métropole est de plus en plus
bilingue. Le processus en cours n’est pas celui ancien d’une anglicisation
des francophones, mais plutôt celui d’une bilinguisation rampante, pour ne
pas dire d’une «acadianisation», les Montréalais pratiquant de plus en plus
une sorte de bilinguisme organique à la manière des Catalans. D’ailleurs
une partie du mouvement nationaliste québécois n’a-t-elle pas déjà proposé
une forme de «catalanisation» de la vie politique québécoise.
Comme en 1969, les élites politiques nationalistes, soucieuses de ne pas
passer pour «ethniciste», ne semblent avoir rien vu venir. Comme l’Union
nationale de l’époque, avec sa loi 63, elles ont même contribué à accentuer
le sentiment d’insécurité et de perte des repères linguistiques et
culturels.
On se souviendra du tollé soulevé l’an dernier par la première version du
nouveau programme d’histoire du secondaire qui passait sous silence des
moments aussi marquants que la bataille des Plaines d’Abraham et les
insurrections des patriotes de 1837 et 1838. Certes, le programme a été
révisé, mais il en est resté un goût amer dans la population qui craint
dorénavant que les élites cosmopolites de Montréal ne passent par pertes et
profits des pans entiers de son identité québécoise et de son histoire
nationale.
Le nouveau programme d’éthique et de culture religieuse est de la même
eau. Depuis la Révolution tranquille, les Québécois comptent parmi les
peuples du monde qui fréquentent le moins les églises. Ils n’en continuent
pas moins à se dire majoritairement catholiques lorsqu’on leur pose la
question. Ils pratiquent une religion «soft» qui tient plus de l’identité
personnelle que de la manifestation publique. Par contre, au primaire, 80%
continuent à inscrire leurs enfants au cours de catéchèse plutôt qu’à
l’enseignement moral pourtant offert dans toutes les écoles publiques. À
l’heure des révolutions pédagogiques à répétition, ils optent souvent pour
ce cours parce qu’ils souhaitent simplement donner à leurs enfants un
enseignement conforme à celui qu’ils ont eux-mêmes reçu 30 ans plus tôt.
Mais voilà qu’un certain nombre de fonctionnaires se sont mis en tête, à la
suite d’un jugement de la Cour suprême, d’éliminer totalement la catéchèse
à l’école et de la remplacer par un programme laïc de type britannique
présentant sur un pied de relative égalité toutes les croyances, de
l’indouisme à l’animisme. Un pas que même un pays aussi laïc que la France
n’a jamais franchi puisque, les mercredis après-midi y restent libres afin
de permettre aux parents d’offrir à leurs enfants l’éducation religieuse de
leur choix. «L’aménagement de la religion de la majorité (chrétienne) à
l’école est donc en train de passer à la trappe. (…) Qu’on ne se surprenne
pas que cela cause des remous», écrivait fort justement notre ancien
collègue Jean-François Lisée, directeur du Centre d’études et de recherches
internationales de l’Université de Montréal (CÉRIUM).
Ajoutons à ce portrait des causes de l’insécurité linguistique et
culturelle le récent jugement de la Cour d’appel du Québec qui vient
d’invalider la Loi 104. Cette loi visait à colmater une brèche de la loi
101 utilisée par certains parents afin d’envoyer leurs enfants à l'école
anglaise. Avant l’adoption de la loi 104, en 2002, il suffisait en effet
qu’un enfant fréquente pendant un an une école anglaise privée
non-subventionnée pour devenir aussitôt admissible au réseau d'écoles
anglaises publiques. Si ce jugement devait être confirmée, il consacrerait
le droit de contourner la loi 101 pour tous les parents qui ont les moyens
de payer à leurs enfants une année à l’école privée non-subventionnée.
Rappelons-nous aussi que tout ce débat se déroule dans le contexte d’une
augmentation massive de l’immigration. Depuis 2002, le nombre de nouveaux
arrivants au Québec a augmenté de 40%, une progression fulgurante qui
ferait débat dans l’importe quel pays. Et plusieurs proposent de hausser à
nouveau ces quotas. On le constate, les symptômes ne manquent pas pour
aviver le sentiment d’insécurité linguistique et culturelle des Québécois.
Symptômes qui s’inscrivent enfin dans le ressac que crée à travers le monde
la progression de la mondialisation qui suscite de vives réactions jusque
dans des pays comme la Grande-Bretagne et la France, dont l’identité n’est
pourtant ni fragile ni menacée.
À la croisée des chemins
Près de 40 ans après les événements de Saint-Léonard, le Québec est à
nouveau à la croisée des chemins et ses élites semblent faire preuve de la
même inconscience. Soit, les forces politiques trouvent le moyen de renouer
un pacte avec la majorité francophone. Un pacte garantissant à cette
majorité qu’elle pourra un jour agir comme une véritable majorité dans un
Québec pluraliste et ouvert à une immigration qui s’intègre à elle, soit
nous assisterons à un repli identitaire facilement explicable et fort
compréhensible. Le mouvement nationaliste québécois suivra alors la voie
des mouvements semblables en Flandres ou au Piedmont. Privés de toute
perspective d’être un jour «maîtres chez eux», conscients de leur
minorisation progressive au Québec comme dans l’ensemble canadien, les
Québécois se barricaderont autant que possible. Cela pourra ouvrir la voie
à des mouvements xénophobes, ou plus simplement à une opposition massive et
radicale à l’immigration comme elle existe jusque dans les partis de gauche
en France et en Allemagne.
Le Québec aura alors raté une occasion unique de démontrer à la face du
monde que son nationalisme pouvait être ouvert à la diversité et
accueillant entre tous. Il n’est cependant pas complètement exclu que, dans
le cadre constitutionnel actuel, les nationalistes puissent trouver des
éléments de programme permettant de redonner confiance à la population dans
sa capacité d’intégrer un jour 80% de la population immigrante. Certains
suggéraient récemment d’examiner la possibilité d’imposer, comme en
Grande-Bretagne et en France, que 100% des futurs immigrants connaissent le
français. De nombreux militants nationalistes réclament aussi depuis
longtemps que l’obligation faite aux enfants d’immigrants de fréquenter
l’école française s’étende au niveau collégial (Cégeps). Il serait
probablement temps d’examiner sérieusement ces propositions qui ne
manqueront pas cependant d’aviver le conflit entre Québec et Ottawa.
Au lieu de lever le nez sur ce que certains nomment avec mépris
«l’arrière-goût» de plusieurs témoignages entendus à la commission
Bouchard-Taylor, au lieu de ridiculiser les Québécois des régions qui ne
communient pas au cosmopolitisme branché de l’élite montréalaise, la gauche
québécoise ferait mieux de trouver les moyens concrets de renouer un pacte
aujourd’hui bien mal-en-point.
***
Christian Rioux est le correspondant du Devoir à Paris. Il est membre
associé de la Chaire Raoul Dandurand en études internationales, La version
anglaise de ce texte a été publiée dans le dernier numéro de la revue
Inroads (no 22, hiver-printemps 2008).
crioux@ledevoir.com


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