De la bonne gouvernance souverainiste

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Difficile de capitaliser sur les bons coups

Pour une fois que le gouvernement Marois serait en mesure de présenter un exemple convaincant de bonne « gouvernance souverainiste », il doit impérativement s’en abstenir. Il paraîtrait odieux d’utiliser l’aide médicale à mourir pour illustrer une incompatibilité de valeurs entre le Québec et le reste du Canada, mais c’est très précisément ce que pourrait démontrer le projet de loi que la ministre déléguée aux Services sociaux, Véronique Hivon, a présenté mercredi dernier.
Assurément, il n’y aura unanimité nulle part, mais l’accueil généralement positif qui a été réservé au projet de même que les premières réactions des partis d’opposition à l’Assemblée nationale permettent de croire qu’un assez large consensus pourra se dégager au sein de la société québécoise, à tout le moins sur les principes qui le sous-tendent. Comme chacun le sait, c’est dans les détails que le diable se cache.
C’est une tout autre histoire à Ottawa. Les faucons du caucus conservateur pressent déjà le gouvernement Harper de contester devant les tribunaux ce qu’ils perçoivent comme de l’euthanasie déguisée, et le ministre de la Justice, Rob Nicholson, a indiqué qu’il entendait se pencher sur le dossier. Québec aura beau invoquer sa compétence en matière de santé et s’appuyer sur un solide rapport d’experts juridiques, il y a un risque élevé de collision.
Sagement, Thomas Mulcair a dit préférer lire le projet avant de le commenter. Quant à Justin Trudeau, il a été désespérément égal à lui-même, démontrant encore une fois qu’il a autant de mal à se faire une opinion qu’à s’exprimer correctement en français. « J’ai bien des questions au niveau moral, légal, et j’ai des conflits moi-même à l’intérieur de ma propre position », a-t-il expliqué. On a bien compris qu’il attendra de voir dans quel sens le vent va tourner avant de prendre position.
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On exagère souvent les clivages entre Québécois et Canadiens. En réalité, les valeurs qu’ils partagent sont bien plus nombreuses que celles qui les séparent, mais il y a certaines différences. On avait déjà été en mesure de le constater dans le dossier de l’avortement, comme nous l’ont rappelé récemment les réactions au décès du docteur Henry Morgentaler. Sans parler de l’incident du turban, qui a provoqué dans le ROC l’indignation habituelle devant l’intolérance qui est apparemment inscrite dans nos gènes.
À la différence de la commission chargée de faire l’examen de la réforme de l’assurance-emploi, présidée par Gilles Duceppe, qui débouchera inévitablement sur un projet de rapatriement de pouvoir, personne ne pourra cependant accuser le gouvernement Marois de partisanerie dans le dossier de l’aide à mourir.
La commission itinérante qui a sillonné le Québec pendant des mois avait été créée par le gouvernement Charest et elle était coprésidée par un libéral et une péquiste. Son rapport a fait l’unanimité parmi les membres de l’Assemblée nationale et personne ne peut douter de la sincérité des intentions de Mme Hivon, qui a mené le dossier de façon très digne depuis le début. Il est évident que l’approche des élections va rendre la collaboration entre les partis de plus en plus difficile, mais ils seraient tous perdants s’ils n’arrivaient pas à s’entendre sur une question qui devrait transcender les lignes partisanes.
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Il ne faut cependant jurer de rien. La hantise de faire le jeu des souverainistes est rendue telle chez les libéraux qu’ils n’osent même plus réitérer les demandes qu’ils ont eux-mêmes présentées dans le passé. Hier, à l’Assemblée nationale, ils ont refusé de débattre une motion présentée par le ministre des Affaires intergouvernementales canadiennes, Alexandre Cloutier, qui exigeait qu’Ottawa « transfère en bloc le financement prévu pour les infrastructures afin de respecter les compétences exclusives du Québec et d’éviter les dédoublements ».
Le leader parlementaire de l’opposition, Pierre Moreau, a reconnu que cette motion correspondait parfaitement aux positions traditionnelles de son parti, ajoutant toutefois qu’il n’était plus question d’appuyer des initiatives qui pourraient être associées à la « gouvernance souverainiste ».
Si le PLQ doit maintenant renoncer à toute demande qui risque de se heurter à un refus d’Ottawa, sous prétexte que cela pourrait apporter de l’eau au moulin souverainiste, il y a lieu de s’interroger sérieusement sur les velléités de réouverture du dossier constitutionnel manifestées par Philippe Couillard.
À entendre les propos pour le moins approximatifs tenus vendredi par Jean-Marc Fournier, il est loin d’être évident que le grand renouvellement des idées promis par le nouveau chef du PLQ débouchera sur une nouvelle politique constitutionnelle. « Il va y avoir des dimensions qui concernent le Canada et les autres provinces », a simplement dit M. Fournier. On aurait cru entendre François Legault tenter de définir la sienne !


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