Québec – Dans un contexte préélectoral, le ministre des Finances et de l’Économie, Nicolas Marceau, a présenté un budget de vaches maigres qui resserre la croissance des dépenses en santé, réduit les budgets de la plupart des ministères, et sonne le glas des garderies à 7 $.
Le tarif quotidien des services de garde passera à 8 $ à compter de septembre prochain et à 9 $ l’année suivante pour être indexé par la suite. Comme promis, aucune hausse d’impôt ou nouvelle taxe ne vient accabler les contribuables. En revanche, l’État compte sur une augmentation de 5,8 % des tarifs d’Hydro-Québec à compter du 1er avril.
Tant le chef libéral, Philippe Couillard, que celui de la Coalition avenir Québec, François Legault, ont annoncé tout de go que leurs partis voteraient contre ce budget s’ils avaient à le faire, ce à quoi les deux chefs ne croient pas. Pour Philippe Couillard, le discours du budget « cache la vérité aux Québécois » parce qu’il n’est pas accompagné d’un budget de dépenses, ce qui confirme, selon le chef libéral, l’intention des troupes péquistes de « fuir en élections ». « Il ne s’agit pas vraiment d’un discours sur le budget, mais d’un discours électoral. »
Aucun débours supplémentaire
Nicolas Marceau a pourtant innové : c’est la première fois dans l’histoire moderne du Québec que les mesures ou bonifications annoncées dans un budget n’entraîneront aucun débours supplémentaire pour l’État. Toutes les nouvelles dépenses qui se rapportent, pour l’essentiel, à un plan déjà annoncé de stimulation de l’emploi seront financées en rognant les budgets des différents ministères.
Le budget prévoit des revenus de 71,58 milliards en 2014-2015, en hausse de 2,5 %. Les dépenses de programmes, à 65,13 milliards, connaîtront une croissance de 2 % l’an prochain, contre 2,5 % pour l’année qui s’achève.
Mais derrière cette augmentation se cachent des compressions : les réseaux de la santé et de l’éducation auront droit, chacun, à une hausse de 3 %, mais les autres ministères devront retrancher 0,8 % à leurs dépenses, soit 124 millions, auxquels s’ajoutent quelque 275 millions qu’il faudra dénicher quelque part pour la politique économique.
Trois pour cent d’augmentation pour la santé, ou 976 millions, c’est peu, surtout quand on sait que les médecins, en raison du « rattrapage » salarial que le gouvernement libéral leur a consenti, en goberont plus de 500 millions.
À son premier budget, le ministre prévoyait pour l’an prochain une croissance de 4,8 % du budget de la santé, soit 1,6 milliard. C’est ce dont le réseau dispose pour l’année en cours. Le gouvernement Marois reconnaît implicitement que ce n’est pas suffisant : il entend demander aux médecins d’étaler sur plusieurs années les hausses promises pour les deux prochaines années, une somme rondelette de 1,1 milliard. Tout ce qui pourra être reporté alimentera le réseau de la santé.
Jouant la carte de la « gestion responsable », Nicolas Marceau a prévenu que la négociation des conventions collectives des 430 000 employés de l’État, qui viennent à échéance en 2015, devra « tenir compte de la capacité de payer des contribuables ». Le gouvernement proposera que les hausses de salaire accordées varient selon la croissance économique et l’inflation.
Comme le prévoyait la mise à jour économique de novembre dernier, le gouvernement Marois signe, pour l’année en cours, un déficit de 2,5 milliards qui baissera à 1,75 milliard en 2015-2016. Mais il doit une fière chandelle à Ottawa, dont les transferts l’an prochain seront plus élevés que le ministère des Finances l’avait prévu en novembre : 613 millions de plus. En 2015-2016, c’est 532 millions de plus que prévu, une somme qui réduira d’autant le milliard de dollars à trouver pour atteindre l’équilibre budgétaire cette année-là.
Dans son discours du budget, Nicolas Marceau a vanté la performance économique de son gouvernement : baisse du chômage à 7,6 % en 2013, un chiffre qui passera à 7,4 % en 2014, création de 47 800 emplois l’an dernier, légère hausse des exportations des entreprises et des exportations. Le ministre table sur une croissance de 1,9 % pour les deux prochaines années, alors qu’elle a été de 1,2 % en 2013, un peu mieux que les prévisions de novembre, qui la fixaient à 0,9 %.
Nicolas Marceau a cité René Lévesque, qui, en 1977, invitait les Québécois à compter d’abord sur eux-mêmes pour assurer le développement économique du Québec. « Notre territoire est riche en ressources et notre peuple est encore plus riche en créativité, en ingéniosité et intelligence. Il suffit maintenant d’être maîtres et prospères chez nous », a déclaré le ministre.
Dans le cadre de la politique Priorité emploi, Nicolas Marceau a annoncé qu’il abaissait le seuil de consommation d’électricité qui permet à une entreprise de bénéficier d’un tarif préférentiel. Avec un seuil de consommation abaissé de 15 MW à 2 MW, il sera désormais offert aux PME manufacturières.
Toujours sur le plan économique, le ministre a annoncé un programme d’identification de 300 entreprises prometteuses — des « gazelles », a-t-il dit — qui obtiendront un « accompagnement personnalisé » afin de hausser leur chiffre d’affaires à 200 millions ou plus. En outre, il autorise Capital régional et coopératif Desjardins à émettre pour 150 millions d’actions assorties d’un crédit d’impôt pour les acheteurs. Il a parlé de l’investissement de 115 millions de l’État dans l’exploration des ressources pétrolières de l’île d’Anticosti.
L’opposition condamne
Les partis d’opposition ont à l’unanimité condamné l’exercice. Le chef libéral Philippe Couillard a dénoncé la hausse de tarif des garderies qu’il a assimilée à un « choc tarifaire ». Le chef libéral n’a pas prisé le « maîtres et prospères chez nous » du ministre. « On mélange toutes sortes de concepts. On parle d’identité dans un budget », a-t-il déploré.
François Legault, de la CAQ, a parlé d’une « vieille recette », celle de « piger dans les poches des familles » pour boucler le budget avec une hausse des tarifs des garderies et de l’électricité. Quant à Amir Khadir, de Québec solidaire, il estime que « le vieux modèle économique est en panne ». En ce qui a trait aux garderies, « c’était un enfant, une place ; c’est maintenant un enfant, une piastre », a-t-il raillé.
LE BUDGET MARCEAU
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