L’éjection du ministre de l’environnement, Daniel Breton, n’est pas qu’une erreur de parcours qui s’estompera au retour des vacances du temps des fêtes. Bien au contraire, le Parti Québécois vient de perdre plus qu’un bouillant militant, la formation indépendantiste devra revoir de but en blanc certaines de ses prétentions les plus stratégiques.
Daniel Breton avait du coffre, du panache et de la vision. J’allais oublier, beaucoup de suite dans les idées. Désormais traité comme un pestiféré, les médias dominants lui consacrent des caricatures le dépeignant sous les traits d’un bougon ou d’un itinérant amassant des bouteilles de vin vides pour aller les vendre au plus offrant. On s’acharne sur la bête et, surtout, on érige des barbelés autour de la fonction du futur ministre de l’environnement qui devra être un parangon de vertu, au passé irréprochable et au verbe inoffensif. Il s’agit, dans les faits, bien plus qu’une simple querelle d’étique entre péquistes et libéraux ou caquistes. Pour paraphraser Yvon Deschamps et Charlebois : «ce soir on fait peur au monde».
La paille et la poutre
Les travers de comportement et les quelques errements – causés par la précarité et la marginalité – que l’on reproche à l’ex-ministre ne sont que des vétilles, de quoi à peine faire un feu de paille qui se consumera vite, une fois la session parlementaire terminée. Sur ces entrefaites, la poutre des lobbyistes au service des gaz de schiste ou de la prospection pétrolière passera pour un maigre cure-dent, une vue de l’esprit et encore …
La tourmente qui secoue le conseil des ministres ne concerne pas des problèmes d’éthique à géométrie variable ou quelques règlements de compte bien épicés. Que nenni ! Les forces coalisées autour de certains lobbies influents et les tenants de la privatisation de nos actifs collectifs se frottent les mains dans un contexte où la tête de leur principal contempteur vient de tomber. Car, les séides, déguisés en éditorialistes pour le compte de certaines officines, passeront vite fait de la leçon de morale à des choses plus importantes. Ce qui les avait motivés à surnommer Breton «le Chavez du Québec».
Le Chavez du Québec
Daniel Breton, à contrario de certains environnementalistes qui font dans l’effet de mode, n’a jamais opposé le développement durable à l’économie. Il a toujours défendu l’idée d’utiliser l’exploitation des richesses naturelles et le développement d’une politique énergétique raisonnée comme des leviers stratégiques pour l’accession du Québec à une plus grande autonomie.
La création de richesse n’a pas la même saveur, selon qu’elle soit concoctée par les cuistots de l’oligarchie ou par les cuistres du même acabit que l’infortuné ministre de l’environnement. Nos raffinés gourmets de la bienséance utilisent, invariablement, la création de richesse comme un féculant destiné à épaissir la sauce et à donner du panache à leurs médiocres créations culinaires.
Ainsi, des multinationales aux aguets se verront octroyer des permis d’exploitation et des baux emphytéotiques qui leur permettront de siphonner la substantifique moelle de nos gisements les mieux garnis. On poursuivra les mirobolantes visées du Plan Nord, nous appuyant sur les traités qui enchaîneront prochainement le Québec à l’Union Européenne, pour que des géants tels que TOTAL (cherchant du gaz de schiste en Pologne après s’être fait fermer la porte en France) viennent faire main basse sur l’essentiel de ce qui constituaient les meilleurs atouts d’une relance pérenne.
Hugo Chavez, président du Venezuela, porte depuis longtemps le bonnet d’âne aux pays des cuistres. En effet, ce nationaliste décomplexé aura vite fait d’assimiler les rudiments d’une «cuisine du marché» qui carbure aux produits du terroir et à la fraîcheur des arrivages. À contrario des cuistots de la gouvernance mondiale, le marmiton Chavez n’a pas commis l’erreur de confier les actifs de son pays à des opérateurs qui pratiquent la «conservation sous vide».
En effet, certains pays sont contraints par le Fond monétaire international, ou la Banque Mondiale, de mettre sous vide leurs actifs pour que des prédateurs s’occupent d’en capter toute plus-value. Ainsi, le Mali, qui pratiquait une certaine forme de souveraineté alimentaire a-t-il été contraint par les académies culinaires mondialistes de se spécialiser dans la production de coton. Délaissant les autres secteurs vivriers, l’infortuné pays a connu une disette effroyable alors que les cours du coton s’effondraient dans le sillage des politiques de subventions américaines à ses propres producteurs.
Le marmiton Chavez, à défaut d’avoir obtenu ses trois étoiles oligarchiques, s’est rabattu sur une cuisine du marché qui traite aux petits oignons les produits locaux. Ainsi, non satisfait d’avoir nationalisé certains secteurs énergétiques et bancaires, l’illustre cuistre aura poussé l’audace jusqu'à signer une loi nationalisant «l’exploration et l’exportation de l’or» du son propre pays. Osant se prendre pour un grand chef, le marmiton affirmait aux médias désirer «poursuivre l’objectif de renforcer l’indépendance nationale et l’indépendance économique» en signant ce décret de nationalisation de l’or. Contrairement à la République bananière du Québec qui vend ses lingots d’aluminium au plus offrant, le Bocuse bolivarien rectifie la sauce en rapatriant des quantités inouïes de lingots d’or qui dormaient – sous vide – dans les coffres de la Bank of England.
La cuisine du marché
C’est cela l’authentique «cuisine du marché», celle qui consiste à nationaliser les secteurs PORTEURS de l’économie et à capter leur plus-value pour le bénéfice de la brigade des cuisiniers locaux, ceux qui touillent dans les PME et autres entreprises à but non-lucratif du pays. Que des opérateurs étrangers – ou d’autres sociétés étatiques «amies» - viennent prendre part aux agapes d’un Plan Nord ou d’un autre projet du même acabit, pourquoi pas ? S’ils peuvent partager avec nous des expertises, des technologies ou des investissements qui font défaut, ça serait contre-productif de leur fermer la porte. Mais, dans un contexte de réelle autonomie – face à nos richesses naturelles, au développement énergétique ou à la protection du territoire – le cuistre qui sera à la tête d’un ministère de l’environnement digne de ce nom se comportera comme un véritable chef capable de mener les brigades de son établissement.
Daniel Breton maniait, certes, la langue d’un cuistre plutôt sympathique, mais il avait la poigne et le tour de main d’un grand chef cuisinier. Son départ sonne le glas de la «cuisine du marché» en République bananière du Québec et laisse présager l’arrivée des brigades de la cuisine sous vide. Leur recette est vieille comme le monde : rien de mieux que les multinationales – et leurs fournisseurs de denrées financières et bancaires – pour capter la valeur ajoutée de nos produits du terroir, pour les mettre sous vide et transférer le tout à leurs usines de production de malbouffe. Les grandes toques oligarchiques viendront quérir des subsides et des dégrèvements avant de faire main basse sur nos régions giboyeuses, d’externaliser les produits de cet abattage industriel et, finalement, de nous vendre à prix d’OR les petits plats de leur cuisine rapide déguisée en gastronomie internationale.
L'acharnement contre Daniel Breton laisse présager le pire
Dans la marmite du diable
Lorsque la petite politique a raison de la grande
Daniel Breton avait du coffre, du panache et de la vision. - {Patrice-Hans Perrier.} Et du coeur - {Vigile.}
Patrice-Hans Perrier181 articles
Patrice-Hans Perrier est un journaliste indépendant qui s’est penché sur les Affaires municipales et le développement urbain durant une bonne quinzaine d’années. De fil en aiguille, il a acquis une maîtr...
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Patrice-Hans Perrier est un journaliste indépendant qui s’est penché sur les Affaires municipales et le développement urbain durant une bonne quinzaine d’années. De fil en aiguille, il a acquis une maîtrise fine de l’analyse critique et un style littéraire qui se bonifie avec le temps. Disciple des penseurs de la lucidité – à l’instar des Guy Debord ou Hannah Arendt – Perrier se passionne pour l’éthique et tout ce qui concerne la culture étudiée de manière non-réductionniste. Dénonçant le marxisme culturel et ses avatars, Patrice-Hans Perrier s’attaque à produire une critique qui ambitionne de stimuler la pensée critique de ses lecteurs. Passant du journalisme à l’analyse critique, l’auteur québécois fourbit ses armes avant de passer au genre littéraire. De nouvelles avenues s’ouvriront bientôt et, d’ici là, vous pouvez le retrouver sur son propre site : patricehansperrier.wordpress.com
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5 commentaires
Grarlam Répondre
2 décembre 2012La sympathie envers M Breton est admirable, mais quelqu'un a-t-il pensé au propriétaire de l'immeuble qui doit payer son hypothèque , ses taxes et les services?
Il arrive des fois qu'on n'a pas le moyen de ses idées; les autres n'ont pas à payer pour que nous fassions valoir nos convictions.
La survie personnelle est d'abord la priorité de chaque individu; l'altruisme vient après.
Archives de Vigile Répondre
1 décembre 2012Moralité de toute cette affaire : si vous voulez faire de la politique, mêlez-vous aux pires crapules. Fréquentez les lieux les moins recommandables (ou les plus recommandables, question de point de vue). Ce n'est pas grave.
Ne devenez jamais propriétaire de votre logement. Restez locataire. Mais surtout, surtout, surtout PAYEZ VOTRE LOYER avec la régularité d'un chronomètre de précision. Sinon, il vous en cuira.
Demandez à Nadeau-Dubois et maintenant à Breton.
Patrice-Hans Perrier Répondre
1 décembre 2012Maître Cloutier,
la salade de saison s'annonce passablement amère, avec toute la vinaigrette fielleuse déversée par les médias en ce moment.
mais, quelques bons croûtons de bonne volonté, tels que vous et moi, permettront de la rendre un peu plus digeste cette salade politique.
en attendant le plat de RÉSISTANCE que nous espérons tous.
Signé: Chef Perrier ;-)
Serge Jean Répondre
30 novembre 2012Bon retour à monsieur Breton.
Jean
Archives de Vigile Répondre
30 novembre 2012Une petite salade avec cela, chef? Ce qui se conçoit bien s'exprime clairement et les mots pour le dire viennent aisément.
Pierre Cloutier