Contre la réforme

ECR - Éthique et culture religieuse


Je viens d’achever la lecture d’un ouvrage collectif publié en 2008 et portant un titre on ne peut plus clair : Contre la Réforme Pédagogique. Je vous avoue que pour un vieux professeur comme moi, qui a reçu son premier diplôme d’enseignement en 1962, j’ai découvert pour la première fois les fondements théoriques du chambardement scolaire ( baptisé Réforme ) en cours au Québec depuis la fin des années 90. Ça donne froid dans le dos! Les parents ont de sérieuses raisons de s’inquiéter des effets pervers de la Réforme sur leur progéniture.
Il y a bien eu des levées de boucliers à propos des bulletins non chiffrés qui évaluaient plutôt les compétences que les connaissances. On connaît aussi les désaccords qui ont surgi lors du dévoilement du nouveau cours d’Histoire et la controverse toujours active sur le cours Éthique et Culture Religieuse. Mais ce que j’ai appris dans ce livre sur les bases et les orientations théoriques et pédagogiques de cette réforme m’a complètement horrifié. Pour tous les parents québécois, c’était là un secret bien gardé.
Et de façon plus particulière, la lecture du chapitre écrit par un docteur en philosophie et en éducation, Normand Baillargeon, consacré aux assises théoriques de la réforme nous fait pénétrer dans un univers totalement inconnu pour le commun des mortels. Je peux même affirmer que les ministres de l’Éducation successifs n’ont pas droit d’accès à cette espèce de nomenklatura de la pédagogie où l’on retrouve les technocrates du Ministère de l’Éducation, le gratin des facultés des sciences de l’éducation et les éminences grises du Conseil Supérieur de l’Éducation. Et c’est cette caste qui a concocté la réforme et qui en a orchestré la mise en œuvre.
Quelle est donc cette doctrine qui occupe une place si considérable dans la réforme pédagogique? Elle s’appelle constructivisme radical et le Mage qui l’a enfantée est un Allemand du nom de Ernst Von Glasersfeld. Quand vous prenez connaissance de cette doctrine en lisant le texte de M. Baillargeon, il y a des déclics qui se font dans votre cerveau et vous comprenez dans quel foutoir se trouve empêtrer le système d’éducation du Québec.
Le cœur de cette doctrine, c’est la répudiation de la notion de vérité « comme correspondance avec la réalité ». Il s’ensuit, selon le Maître, que « le savoir ne concerne par un monde indépendant de l’observateur ». Le savoir est une « construction » conceptuelle de l’individu ( en l’occurrence des élèves ) à partir de ses expériences, du contexte culturel qui est le sien, et des impressions et perceptions reçues du monde réel. Plus simplement, La Vérité n’existe pas, il n’y a que des vérités, construites par les sujets individuels. Donc, affirme le Maître, « le constructivisme est une doctrine relativiste ». Ce qui, concrètement, au sein de l’école, signifie que la construction conceptuelle de Jacques est tout aussi convenable et acceptable que celles de Pierre et de Jean, et que, par conséquent, nul n’est besoin de les évaluer ( donc de les comparer ) et qu’il n’est pas pertinent non plus de les analyser en termes d’échec et de succès. Vous avez là le fondement théorique du bulletin qui n’évalue pas les savoirs et qui ne compare pas les performances des élèves. Vous avez là aussi l’assise doctrinale du professeur-accompagnateur plutôt que du professeur-dispensateur-de-savoir.
Le plus bel exemple concret et l’illustration la plus éclairante de ce que signifie la mise en application de cette théorie, c’est une activité recommandée dans le cadre du cours Éthique et Culture Religieuse. L’activité s’intitule : Créer sa propre religion. Les élèves, partagés en plusieurs groupes, inventent leur propre religion ( fondateur, mythe, livre sacré, rituels, code moral, croyances ). Vous voyez le topo? Toutes les religions se valent. La vôtre, inventée de toutes pièces, est aussi bonne que les autres ! Le relativisme à son meilleur!
Je me permets de citer en complément, concernant cette doctrine inspiratrice de la réforme, le Collectif pour une Éducation de Qualité. « En éducation, écrit-il, le socio-constructivisme postule que l’élève doit lui-même construire ses connaissances, non plus se les faire imposer par un maître sévère, censé tout savoir. Cette philosophie éducative suppose également que le « réel » est un pur construit, que la « vérité »est relative et que ce qui est « beau » et « grand » est une pure question de goût. »
Heureusement, le désastre n’est pas aussi total puisque, comme l’écrit Gilles Gagné, bon nombre de professeurs « durs d’oreille continuent d’enseigner des matières ( ceux qui le peuvent ) et d’évaluer des performances fondées sur elles, sauvant ainsi l’école du naufrage immédiat, en cachette cette fois-ci ». Grand merci à ces rebelles! Mais n’oublions pas que les nouveaux enseignants formés dans les Facultés des Sciences de l’Éducation sont fortement endoctrinés par les apôtres du constructivisme radical. On n’est pas sorti du bois!
( J’aborderai plus tard le rôle joué par le Parti Québécois dans la mise en place de cette réforme et la responsabilité qui lui incombe d’enclencher …une contre-réforme. En attendant, vous pouvez lire trois chroniques que j’ai écrites lorsque j’étais chroniqueur au Quotidien. )
Jacques Brassard


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