La défaite des troupes de Montcalm n'est pas le meilleur souvenir des Québécois. - Photothèque Le Soleil
Simon Boivin - (Québec) La commémoration du 250e anniversaire de la bataille des Plaines d'Abraham, cet été, à Québec, rend certaines personnes nerveuses à Ottawa.
Le président de la Commission des champs de bataille nationaux (CCBN), André Juneau, est conscient qu'il s'agit d'un «sujet délicat». La défaite des troupes du général Montcalm aux mains de celles du général Wolfe, le 13 septembre 1759, n'est pas exactement le souvenir le plus tendre des Québécois. Sur les plaines, fin juillet, début août, quelque 2000 personnes doivent reconstituer l'affrontement qui a «scellé le sort de l'Amérique du Nord».
« Il y a autant de gens qui nous disent : ''Vous devriez pas faire ça'' qu'il y a des nationalistes qui disent : ''Faites-le parce ça va montrer qu'on a été un peuple qui a subi des choses affreuses mais qu'on a survécu''», affirme le président de la CCBN.
Les sensibilités identitaires ne sont pas ignorées par le gouvernement fédéral. «J'étais à Ottawa il y a trois semaines, eux aussi ils sont craintifs, souligne M. Juneau. Ils veulent qu'on se concentre sur le fait historique, pas sur une fête. On ne fait pas de chorales ou de feux d'artifice, là. C'est une reconstitution.»
Pendant les quatre jours, des débats d'historiens seront organisés pour parler des conséquences du choc des empires, 250 ans plus tard.
En 1959, les «fêtes» du 200e de la fameuse bataille ont soulevé une controverse de plusieurs semaines, certains refusant que l'on célèbre la «disparition de la Nouvelle-France», selon les archives de Radio-Canada.
Dans Le Devoir, hier, un chroniqueur a noté que l'événement risque de laisser un goût amer à certains. «Connaissez-vous bien des endroits dans le monde où un peuple célèbre dans l'allégresse la pire défaite de son histoire?» Au sein des partis politiques, certains promettent d'être vigilants pour s'assurer que personne ne trafique les événements. «Je mets en garde ceux qui sont responsables de ça de ne pas faire de la réécriture d'histoire, indique le péquiste Stéphane Bédard, lui-même amateur de reconstitution de batailles. C'est un des plus grands reculs du fait français en Amérique, ajoute-t-il. Il ne faut pas en faire un moment de réunion des deux peuples qui en sont sortis grandis. Il ne faut pas travestir l'histoire.»
L'adéquiste Gérard Deltell n'a rien non plus contre la reconstitution. Mais il faut selon lui être «très prudent». «Il n'y a pas de célébrations à faire autour de ça, commente-t-il. On peut commémorer sans célébrer. Et c'est là que la ligne devra être tracée.»
Pour sa part, le député de Québec solidaire, Amir Khadir, croit que des tensions pourraient émerger de l'événement si «les fédéralistes font ce qu'ils ont fait en utilisant le 400e pour nier une partie de l'histoire du Québec». Il laisse la chance au coureur, mais aurait préféré «qu'on mette notre argent dans d'autres occasions».
Notons que les 2000 figurants, qui proviendront principalement des États-Unis et du Canada, sont des bénévoles.
Au SPQ-libre, club politique du PQ, Marc Laviolette voit dans l'événement une façon de rappeler les misères qu'a endurées le peuple québécois plus qu'une occasion de se crêper le chignon avec les voisins anglophones.
Le bureau du premier ministre a décliné l'invitation à commenter.
André Juneau, de la CCBN, assure que la rigueur historique sera de mise et qu'il n'est pas question d'une «célébration». Mais la bataille a une importance historique indéniable, et elle s'est déroulée à Québec, dit-il.
Le président s'attend à devoir se défendre de «tourner le fer dans la plaie». «C'est ça qu'il va falloir défaire, dit-il. Je pense que c'est un défi. Il faut la regarder en face la bataille. Elle sera toujours là. Jamais on va faire gagner Montcalm. Il a perdu. Mais il en avait gagné bien d'autres.»
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