Le petit monde médiatique et politique belge est en pleine extase ! Le Premier ministre belge a des chances de devenir Président du Conseil européen, soit une sorte de coordinateur « light » un « chairman » quoi (on speak de plus en plus white en Europe). C’est un Flamand, mais ce n’est pas pour cette raison que je m’en fous complètement. Nous sommes dans un système d’élections à la proportionnelle : de toute façon, la désignation du Premier ministre belge nous échappe. Il y a des partis différents en Flandre et en Wallonie. Le Premier ministre belge appartient à un parti pour qui les Flamands peuvent voter pas les Wallons. Des Flamands qui n’ont qu’une influence indirecte sur sa désignation. En votant pour des partis en Wallonie qui peuvent (s’ils le veulent, ce ne sont pas les électeurs qui en décident), s’allier au parti du Premier ministre, nous avons une influence indirecte sur sa désignation. Mais avoir une influence indirecte sur une influence indirecte sur des gens qui décident en dernier ressort, sans nous, au niveau belge…
Les observateurs estiment qu’au plan européen, le citoyen est hors jeu dans la désignation de ce président. Tout se passe en des tractations secrètes (de diplomatie secrète – j’ai failli écrire de démocratie secrète ), entre les 27 gouvernements de l’Union. Et si le Premier ministre belge a des chances de devenir le Président, c’est qu’il vient d’un pays jugé petit par comparaison aux grands Etats et se contentera de coordonner. Donc lui-même, aura un rôle effacé. Alors pourquoi s’exciter? Ce sera sans doute intéressant pour Herman Van Rompuy. Mais pour nous ?
Il y avait de quoi être sensible à la politique étrangère belge européenne durant la guerre d’Irak. en 2003, quand l’Etat belge rallia la position de l’Allemagne et de la France sur la question de l’intervention militaire, le camp de la paix et de l’intelligence. Cela en conformité avec les opinions publiques. Même si je ne me sens plus belge du tout, la politique de l’Etat belge me concerne encore tant qu’il existe, comme en 2003. Mais, ici, je ne vois pas en quoi cette désignation devrait nous remplir de fierté. Nous n’appartenons finalement pas au même pays que Van Rompuy. Il occupe le poste de Premier ministre en Belgique en vertu d’un rapport de force démographique qui existe en Belgique depuis 1830 et en raison du poids de son parti en Flandre depuis toujours. C’est ce qui a fait que les Wallons n’ont jamais pu participer aux affaires du pays de manière significative la plupart du temps. Et que tout a été décidé sans nous (le plus souvent), en matière d’économie, de guerre, de politique internationale etc.
J’entends certains journalistes dire que l’on peut comprendre le Premier ministre car il est plus intéressant en un championnat, de jouer en Division I qu’en Division II. Mais ils oublient que les citoyens ne sont même plus dans les Divisions inférieures. Ou s’ils jouent encore (comme les pays où les institutions européennes sont soumises à référendum), on leur demande de rejouer jusqu’à ce qu’ils perdent. Après, ils sont renvoyés aux vestiaires. Le Monde Diplomatique a souvent bien décrit cet éloignent des médias par rapport à l’opinion de la base qui ne fait que refléter la distance de plus en plus grande qui existe en Europe entre les dirigeants et les citoyens, ceux-ci étant de plus en plus transformés en sujets, en contradiction profonde avec ce que fut l’histoire de l’Europe depuis un certain 14 juillet 1789.
La grandeur, voilà ce qu’ils ne comprennent pas. De Gaulle et Giscard d’Estaing n’étaient pas de la même génération, mais furent presque des contemporains. Giscard a caressé vaniteusement le rêve d’être le premier Président d’une Europe unie, idée qui n’a jamais effleuré l’esprit du général de Gaulle qui a appartenu, malgré ce que l’on a dit parfois, à une génération où la voix du peuple comptait encore puisque c’est devant un verdict du peuple français que de Gaulle a perdu le pouvoir, ce qui ne menace pas les dirigeants européens actuels. Le même De Gaulle est allé parler à un peuple, de l’autre côté de l’Atlantique, de sa liberté. Un mot vraiment dépassé… Aujourd’hui, ce qui vaut vraiment, c’est d’être en Division I. Pourtant, nous aimons et voulons l'Europe à TOUDI mais pas celle-là
Colère antibelge et démocrate
Chronique de José Fontaine
José Fontaine355 articles
Né le 28/6/46 à Jemappes (Borinage, Wallonie). Docteur en philosophie pour une thèse intitulée "Le mal chez Rousseau et Kant" (Université catholique de Louvain, 1975), Professeur de philosophie et de sociologie (dans l'enseignement supérieur social à Namur...
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Né le 28/6/46 à Jemappes (Borinage, Wallonie). Docteur en philosophie pour une thèse intitulée "Le mal chez Rousseau et Kant" (Université catholique de Louvain, 1975), Professeur de philosophie et de sociologie (dans l'enseignement supérieur social à Namur et Mirwart) et directeur de la revue TOUDI (fondée en 1986), revue annuelle de 1987 à 1995 (huit numéros parus), puis mensuelle de 1997 à 2004, aujourd'hui trimestrielle (en tout 71 numéros parus). A paru aussi de 1992 à 1996 le mensuel République que j'ai également dirigé et qui a finalement fusionné avec TOUDI en 1997.
Esprit et insoumission ne font qu'un, et dès lors, j'essaye de dire avec Marie dans le "Magnificat", qui veut dire " impatience de la liberté": Mon âme magnifie le Seigneur, car il dépose les Puissants de leur trône. J'essaye...
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3 commentaires
Archives de Vigile Répondre
16 novembre 2009Ce que je trouve triste c'est de voir les journalistes des journaux francophones se réjouir de voir "un petit Belge" se hisser, grâce à toutes ses qualités de "petit Belge", au sommet de l'Union Européenne.Je trouve cet anthousiasme pathétique. Qu'en serait-il de l'anthousiasme des flamands si d'aventure Di Rupo, Milquet ou Durant étaient pressentis pour un tel poste. Ces médias belgicains poussent des cocoricos pour un pays qui n'existe que dans leur tête.
denis Dinsart
José Fontaine Répondre
15 novembre 2009La contestation belge n'est pas à prendre au tragique dans la mesure où, là il y a démocratie, il y a conflit et ce conflit dure depuis longtemps en Belgique, sans avoir causé un seul mort, ce dont peu de pays pourraient se vanter à propos de leurs conflits internes [il est vrai que je viens de voir à la télé qu'il y a eu des incidents entre un club flamand et des joueurs d'un club de football de la Communauté germanophone - étrangement, mais où jouent des Wallons en nombre important - , bon... les médias ont besoin de sensationnel, certes, il vaut mieux rester vigilant...]
Il me semble que le Québec veut devenir indépendant et qu'il a la stature d'un Etat indépendant, d'ores et déjà, comme le dit bien JRM Sauvé. C'est au fond aussi déjà le cas de la Wallonie qui dispose de pouvoirs étendus qui se prolongent sur le plan international, puisque la Wallonie possède ce que l'on appelle le treaty-making power.
Tout n'est pas rose, tout n'est pas noir non plus dans la gestion autonome de la Wallonie. La Wallonie est une entité souveraine depuis 1980. Elle n' a pas lieu de se dissoudre dans la France, d'autant plus que le cadre européen permet de telles autonomies. C'est tellement vrai que la Wallonie s'y insère déjà et que les ministres de son gouvernement, en entente avec les autres gouvernements de la Belgique fédérale, siègent déjà au Conseil des ministres européens.
Les Flamands demeurent bons bilingues, apprécient toujours le français (c'est le seul pays non-francophone, ou à peu près, où le français est toujours choisi comme première langue étrangère), et les Wallons sont plus nombreux qu'avant à parler le néerlandais.
Ce que je trouve profondément regrettable, par contre, c'est la manière dont l'Europe s'unit. Là, les conflits n'opposent plus les citoyens, mais les Etats dans une opacité croissante qui n'augure rien de bon pour la liberté.
Et, par exemple, Herman Van Rompuy fait partie du Groupe de Bilderberg où, sauf erreur de ma part, les syndicats ne doivent pas peser d'un poids très lourd... Je le dis en pensant au fait que le premier traité de la CECA (le premier traité européen), faisait une large place aux syndicats. On sait ce qu'il en est advenu plus tard avec l'exclusion non seulement des syndicats, mais même des citoyens du processus d'unification de l'Europe.
Si j'ai à choisir entre une situation de démocratie avec des conflits et l'unité mais sans démocratie, je choisis sans hésiter la première hypothèse. On ne peut d'ailleurs pas dire que les siècles où l'Europe ignorait la démocratie auraient été des siècles sans guerre.
L'alternative à la Belgique n'a pas à être cherchée, elle vit et elle vit même plutôt bien finalement. C'est même l'une des raisons de voir l'autonomie de la Flandre, de Bruxelles et de la Wallonie grandir encore. Personne n'y perdra. Et c'est d'ailleurs à cela que l'on va.
Voici un bon résumé (clair, bien sourcé, bien argumenté), de ce qu'est la Belgique quasiment devenue une confédération d'Etats, par François André, un haut fonctionnaire wallon. Je viens de faire passer un examen à mes étudiants sur le sujet (un petit cours de 9 périodes): j'ai plusieurs maximums, y compris chez des étudiants non-Belges.
Georges Paquet Répondre
15 novembre 2009Monsieur Fontaine,
Je lis assez régulièrement vos chroniques. Je constate que ce n'est pas facile d'expliquer le système politico-communautaro--linguistique que se sont concocté les Wallons et les Flamands. Compliqué, à tel point que j'ai entendu dire qu'en Belgique il n'y avait pas de Belges. Que des Flamands et des Wallons. Chacun dans son coin et dans sa langue, et qu'à Bruxelles, on parlait anglais.
Est-ce que vous croyez que ce que je perçois comme le refus du bilinguisme de la part des Wallons d'abord et des Flamands ensuite, est à l'origine du morcellement du pays et de l'isolement dans lequel chaque Communauté est enfermée.
Est-ce que vous pouvez faire un parallèle avec le Québec. Il me semble qu'on en soit arrivé à une situation semblable à celle de la Belgique. On n'est plus très éloigné du temps où on entendra dire qu'il n'y a pas ici de Canadiens. Il n'y aurait plus que des français et des anglais. Chacun refusant d'apprendre la langue de l'autre. Est-une dérive vers un morcellement par défaut?
En Belgique, cas de séparation, les Wallons peuvent toujours espérer se dissoudre dans la France, mais pour le Québec?
Merci
Georges Paquet