Québec - Le premier ministre Jean Charest a évité une crise ouverte au sein de son caucus pour se présenter ensuite aux côtés du ministre déchu Thomas Mulcair dans une manifestation de ralliement peu convaincante.
Après une réunion du caucus libéral qui a duré plus de deux heures hier matin, retardant même la tenue de certaines commissions parlementaires, suivie d'une demi-heure de pourparlers entre Jean Charest, Thomas Mulcair, le whip Norman MacMillan et le président du caucus David Whissell, le premier ministre a rencontré la presse, accompagné du ministre écarté et député de Chomedey, pour une très brève déclaration. «On a eu l'occasion de s'expliquer, de se parler franchement sur le dossier d'Orford et ce qui en ressort, c'est que nous sommes solidaires», a dit M. Charest. Affichant un sourire crispé, Thomas Mulcair est resté silencieux. Puis, après une trentaine de secondes, il a déguerpi sans même attendre que M. Charest termine son point de presse et sans répondre aux questions des journalistes qui l'ont suivi.
Thomas Mulcair se rallie au gouvernement, à son chef et au caucus des députés libéraux. «L'ensemble de la députation était unanime et derrière le premier ministre», a soutenu David Whissel dans un point de presse. Mais ni le président du caucus ni l'attaché de presse de M. Charest, Hugo D'Amours, n'ont pu affirmer que M. Mulcair cautionne désormais le projet de privatisation partielle du parc national du Mont-Orford tel que préparé par l'administration et tel que présenté par son successeur, Claude Béchard.
«Ça nous permet maintenant de tourner la page et d'avancer», a dit M. Charest. Avancer, fort justement, car le gouvernement n'a aucune intention de revenir sur sa décision de déposer et de faire adopter dès ce printemps un projet de loi légalisant la vente d'une partie du parc à un promoteur pour la construction de condos en parallèle avec le doublement de la superficie du parc. Le cabinet du premier ministre et celui de l'actuel ministre du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs, Claude Béchard, qui n'a d'ailleurs pas voulu s'adresser à la presse hier, sont catégoriques: le gouvernement ira de l'avant, il n'y aura pas de recul.
Devant la presse, juste avant que ne commence la réunion du caucus, Thomas Mulcair a fait une déclaration manifestement bien préparée dans laquelle il réitérait son opposition au projet du gouvernement. Il a signalé qu'il y avait eu deux réunions du Comité des priorités du gouvernement, où il avait été question du mont Orford, les 13 et 21 février derniers. «Je vais vous dire juste une chose clé que j'ai dite: que je craignais qu'on ne paie le prix politique d'une décision sur laquelle on serait obligés de faire volte-face», a-t-il révélé.
Contre son avis, il fut décidé d'aller de l'avant. La semaine suivante, à quelques jours de la perte de sa charge ministérielle, le ministre produisait un avis juridique indépendant établissant l'illégalité du projet en regard de la Loi sur les terres du domaine de l'État et de la Loi sur les parcs, tel que le rapportait Le Devoir. En outre, une loi spéciale s'avérera nécessaire pour menotter la municipalité d'Orford, dont la nouvelle administration avait été élue pour faire échec au projet.
À ceux qui pourraient l'accuser de déloyauté, Thomas Mulcair a rappelé qu'il n'avait accordé aucune entrevue à des journalistes pendant un mois après son départ, gardant «un silence respectueux». Il ne fut pas le premier à parler de ce qui aurait été dit ou pas au sein du gouvernement au sujet d'Orford, a-t-il souligné. Quand on a essayé de lui faire porter le chapeau, quand on a affirmé que c'était sa proposition - la même chose s'est produite dans le cas du projet de port méthanier Rabaska -, M. Mulcair est toutefois sorti de son mutisme. Dans le cas d'Orford, «il leur manquait encore un ingrédient important: un ministre prêt à mettre son nom là-dessus», a-t-il dit.
Selon son attachée de presse, Chantal Turgeon, Thomas Mulcair n'a pas changé sa version devant ses pairs hier. «Il a fait la même déclaration à ses collègues au caucus», a-t-elle indiqué. Même si le député s'est rallié au chef, Jean Charest ne l'a pas fait fléchir, il n'a pas pu obtenir une reddition complète de sa part, doit-on comprendre. «Par rapport à [Orford], M. Mulcair va prendre ses décisions au fur et à mesure de l'évolution du dossier», a dit Mme Turgeon.
Hier, l'opposition officielle a présenté une motion pour «que l'Assemblée nationale demande au premier ministre de renoncer à son projet de vendre une partie du parc national du Mont-Orford à des intérêts privés». La chef de l'opposition officielle, Louise Harel, a offert au premier ministre de reporter le vote sur cette motion après la pause de Pâques. «Avant d'enfoncer le Québec dans une grave crise sociale, dans des manifestations comme celle prévue le 11 avril à Sherbrooke, celle prévue le 22 avril à Montréal, pourquoi, M. le premier ministre, ne pas marquer un temps d'arrêt? À l'évidence, le projet peut être encore réévalué», a déclaré Mme Harel. Mais la motion fut passée aux voix et battue par la majorité libérale.
Deux opposants au projet du mont Orford manquaient à l'appel à l'Assemblée nationale: Thomas Mulcair et Pierre Paradis. Comme son collègue de Chomedey, le député de Brome-Missisquoi avait pourtant lui aussi participé au caucus. De son côté, le député de Shefford, Bernard Brodeur, qui avait exprimé des réserves quant au projet, a décidé de se ranger en votant contre la motion.
Avec la collaboration d'Antoine Robitaille
Charest évite la crise
Mulcair se rallie sans fléchir
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