Caisse de dépôt et placement - Nomination risquée

CDPQ - Où va Michael Sabia?

La nomination rapide d'un nouveau président de la Caisse de dépôt et placement était vivement souhaitée pour restaurer la confiance envers cette institution. Le choix de confier ce poste à Michael Sabia surprend, malgré son parcours exceptionnel d'administrateur.
Première source d'étonnement, la rapidité avec laquelle le président du conseil, Robert Tessier, a arrêté son choix sur Michael Sabia. Subjugué, il a vu sa candidature comme une «révélation» et écarté toutes les autres. Seul ce dernier a eu le privilège d'une entrevue avec le comité de sélection formé de quatre membres du conseil d'administration.
Le choix de Michael Sabia repose, est-on obligé de conclure, sur une intuition plutôt que sur le processus d'analyse et de comparaison qui s'imposait pour un poste aussi stratégique pour la santé financière et le développement économique du Québec.
On est loin ici des règles de bonne gouvernance que le gouvernement Charest a imposées ces dernières années à ses sociétés d'État. Avant de nommer un président de la Caisse, Robert Tessier aurait dû compléter le processus de renouvellement des membres du conseil d'administration pour que le nouveau patron soit choisi par ceux qui auront à travailler avec lui. Puis, il aurait dû engager avec ce nouveau conseil un processus de sélection finale portant sur deux ou trois candidatures. Au gouvernement, qu'il a consulté sur son choix de M. Sabia, personne ne l'a rappelé à l'ordre.
L'urgence que l'on invoque pour justifier ce court-circuit s'est en fait muée en précipitation. On en prend la mesure quand on se rappelle que M. Tessier est entré en fonction voilà seulement huit jours. Nul doute que la candidature de Michael Sabia était déjà très avancée dans le labyrinthe politique et que le conseil d'administration de la Caisse s'est plié aux desiderata du gouvernement Charest.
Une deuxième source d'étonnement est le profil de M. Sabia. Il a fait carrière au gouvernement fédéral et dans deux grandes entreprises, le Canadien National et BCE. Les mandats qui lui furent confiés étaient très différents de celui qu'il aura désormais. On s'attendait à ce que le nouveau président soit issu des milieux de la finance, comme l'ont été la plupart des présidents de la Caisse. Son parcours professionnel ressemble pour beaucoup à celui de Robert Tessier, de telle sorte que le président du conseil et le chef de la direction n'apporteront pas à leur institution des expertises complémentaires.
Le mandat exercé par M. Sabia à BCE a par ailleurs laissé un goût amer à plusieurs. Sa gestion a été fortement contestée par les actionnaires, au point où le fonds de retraite Teachers a décidé de prendre le contrôle de BCE pour la restructurer et la moderniser. Même s'il a dirigé BCE et le Canadien National depuis Montréal, la nature des opérations de ces deux entreprises ne lui a pas permis de développer une sensibilité aux enjeux de l'économie québécoise comparable à celle de ses prédécesseurs. On a pu le mesurer hier lorsqu'il a dit ne pas croire que la Caisse pourrait avoir un rôle déterminant à jouer pour empêcher le départ de sièges sociaux de Montréal. Aucun doute, sous sa direction, la Caisse de dépôt et placement ne jouera aucun rôle politique.
Ce choix de Michael Sabia est loin d'être convaincant. Parce qu'il ne fait pas l'unanimité, il ne contribuera pas à rétablir la confiance des Québécois envers la Caisse de dépôt et placement. Pour tenter de s'extirper d'une situation difficile, le gouvernement Charest prend un risque démesuré dont les Québécois paieront un jour le prix.
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bdescoteaux@ledevoir.com


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