Quelle étrange sensation de déjà-vu dans cette présentation du président de la Caisse de dépôt et placement, M. Michael Sabia, publiée dans nos pages lundi! Comment ne pas être sceptique devant ces superhéros de la finance qui vous promettent de faire mieux que leurs prédécesseurs qui n'ont pourtant pas su éviter la catastrophe?
Pour qui se souvient des propos tenus par l'ancien président Henri-Paul Rousseau à son arrivée à la Caisse, en 2002, ceux du nouveau président Michael Sabia sont à peine plus rassurants. Non pas que les orientations privilégiées par M. Sabia soient mauvaises. Après tout, c'est vrai que la Caisse doit se recentrer sur sa mission de fiduciaire. Mais «recentrer» les activités pour agir en bon «fiduciaire» et bien «évaluer le risque», n'était-ce pas ainsi ce que l'ancien président Rousseau décrivait son mandat lors d'un discours prononcé devant la Chambre de commerce, en avril 2003?
Ce qu'il disait aussi, c'est que le retour à une performance acceptable prendrait quelques années, mais qu'à l'horizon de son mandat de sept ans, la Caisse se classerait dans le premier quartile des fonds canadiens. Pour y parvenir, il promettait de réformer la politique de rémunération afin d'inciter les employés à viser le rendement à moyen terme au lieu de celui à court terme. C'est d'ailleurs pour cette raison qu'il s'opposait à la publication d'états financiers trimestriels, une pratique susceptible de détourner l'attention des objectifs de l'institution à plus long terme, soutenait-il.
Au sujet des déposants (Régie des rentes, CSST, etc.), M. Rousseau s'engageait à plus de transparence en signant avec eux des contrats qui précisaient leurs attentes. Quant aux secteurs d'investissements à privilégier, la Caisse se concentrerait sur ce qu'elle connaissait le mieux, soit le marché canadien, quitte à faire appel à la sous-traitance pour les secteurs moins familiers. La Caisse avait donc fermé des bureaux à l'étranger et procédé à plus de 130 mises à pied, dont une vingtaine parmi ses hauts dirigeants.
Voilà ce que disait, ce que faisait M. Rousseau. Et voilà ce que dit aussi M. Sabia, sept ans plus tard. Michael Sabia ajoute qu'il accordera plus d'attention à la PME, fort bien. Mais rappelons-nous que si la Caisse s'était retirée de la gestion active d'un portefeuille de PME à l'époque, c'est qu'elle avait enregistré des pertes annuelles de 6,7 % en moyenne au cours des sept années précédentes... Trop petite pour la grosse caisse, la PME québécoise!
Au fil des années, Henri-Paul Rousseau avait intégré dans son équipe des experts en investissements d'un genre nouveau, dont les modèles théoriques très sophistiqués excluaient pourtant le cas d'une crise majeure. M. Rousseau doutait-il de la capacité de la Caisse à générer le rendement annuel moyen d'au moins 7 % promis à ses déposants en se limitant aux méthodes et aux véhicules d'investissement habituels?
Aujourd'hui, la Caisse a congédié ces experts et M. Sabia refuse de chiffrer son objectif de rendement. Mais il sait qu'en «recentrant» ses activités, la Caisse ne fera pas partie des fonds les plus performants à court terme. En agissant de la sorte, il fait le pari que la Caisse accédera au groupe du premier quartile d'institutions les plus performantes à long terme parce qu'elle aura évité les catastrophes.
Comme en 2002, les Québécois doivent donc attendre pour juger de la qualité de l'arbre. Mais cette fois, le temps presse et Michael Sabia, comme celui qu'il l'a nommé, Jean Charest, n'ont pas le droit à l'échec.
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j-rsansfacon@ledevoir.com
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