Ça passe ou ça casse

Si les contribuables ont plutôt l'impression qu'ils doivent faire les frais de sept ans de mauvaise gestion libérale, comme le prétend le PQ, la descente aux enfers va s'accélérer sans grand espoir de redressement.

Budget Québec 2010 - suites



La responsabilité de vendre un budget relève normalement du ministre des Finances. Pourtant, dès huit heures hier matin, le premier ministre Charest s'est présenté lui-même devant les membres de la Chambre de commerce de Québec pour expliquer comment il allait «changer la trajectoire du Québec».
L'avenir dira dans quelle mesure il en sera réellement transformé. En attendant, ce qui semblait surtout préoccuper les partis représentés à l'Assemblée nationale était plutôt l'effet que ce budget «fondateur» aura sur la dynamique politique québécoise.
On surestime souvent l'effet qu'un budget peut avoir sur l'opinion publique. La plupart du temps, il s'estompe après quelques semaines, sinon quelques jours. Il y a cependant des exceptions et celui de mardi en sera certainement une.
Même si la plupart des mesures annoncées n'entrent en vigueur que progressivement, il ne faudra que quelques jours à la population pour se faire une opinion. Après cela, il deviendra très difficilement de modifier les perceptions. Ça passe ou ça casse.
Si les Québécois acceptent l'idée qu'il faut «casser le moule», sans quoi le Québec va tout droit à la catastrophe, comme les «lucides» le martèlent depuis des années, le budget pourrait relancer le PLQ, dont le lien de confiance avec la population a été durement ébranlé par les égarements éthiques du gouvernement et le parfum de corruption qui flotte dans l'air.
Il est cependant loin d'être évident que le fruit soit mûr. Si les contribuables ont plutôt l'impression qu'ils doivent faire les frais de sept ans de mauvaise gestion libérale, comme le prétend le PQ, la descente aux enfers va s'accélérer sans grand espoir de redressement.
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Au lendemain d'un discours sur le budget, les partis se livrent toujours à un exercice de spin pour imposer leur lecture à la population, mais celui auquel on a eu droit hier était particulièrement intense.
Le porte-parole péquiste en matière de finances, Nicolas Marceau, est sans doute un économiste compétent. Son apprentissage politique est cependant loin d'être complété. Ses calculs sur le partage des efforts imposés au gouvernement et aux contribuables sont peut-être exacts, mais ils ne passent pas la rampe.
M. Marceau a appris hier qu'il ne faut jamais envoyer une balle à circuit à un aussi redoutable frappeur que Jean Charest, que l'enjeu du débat semble avoir sorti de sa torpeur des derniers mois. Il est bien possible que les conclusions d'une étude américaine sur les coûts de la collusion dans l'industrie de la construction soient applicables au Québec, mais on n'apprend pas à un vieux singe à faire la grimace.
Son collègue de Marie-Victorin, Bernard Drainville, est en voie de se tailler une solide réputation de cow-boy, et n'hésite pas à tourner les coins ronds. À ce stade-ci, il est trop tôt pour affirmer de façon aussi péremptoire que la future franchise santé pénalisera systématiquement les femmes enceintes et les malades chroniques.
Le PQ a cependant bien pointé les mesures touchant la santé comme le point le plus faible du budget. Les hausses de taxes ou de tarifs sont certainement désagréables, mais elles ne remettent pas directement en question le modèle hérité de la Révolution tranquille.
Si même Claude Castonguay en est arrivé à la conclusion qu'une contribution santé uniforme pour tous les contribuables, sans égard à leur revenu, doit être écartée parce que trop régressive, la cause devrait être entendue.
Alors qu'Amir Khadir, qu'on ne peut certainement pas soupçonner d'être indifférent aux inégalités, n'exclut pas la possibilité d'une contribution progressive, le refus péquiste d'envisager toute autre source de financement que l'impôt sur le revenu donne cependant l'impression que le PQ est davantage à la recherche de problèmes aux solutions que l'inverse.
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Le jugement qui est porté sur un budget ne dépend pas uniquement des mesures, bonnes ou mauvaises, qu'il peut contenir, mais également de la confiance qu'on accorde à ses auteurs.
Il est vrai que le gouvernement Charest a toujours dépassé ses prévisions de dépenses au cours des dernières années, mais sa performance à ce chapitre se compare avantageusement à celle des autres provinces canadiennes.
C'est plutôt l'ensemble de son oeuvre depuis les dernières élections qui fait problème. Même si le budget constituait le sujet du jour à l'Assemblée nationale, le PQ a bien pris soin de faire en sorte qu'on n'oublie pas le reste.
À la fin de la période de questions, Nicolas Girard est revenu à la charge avec ses allégations de favoritisme dans l'octroi de nouvelles places en garderie. Comme d'habitude, le ministre de la Famille, Tony Tomassi, n'a pas été en mesure d'y répliquer de façon satisfaisante.
On peut être certain que M. Girard ne le lâchera pas. Comment peut-on accorder la moindre crédibilité au budget d'un gouvernement qui permet à ses amis de s'engraisser aux dépens des enfants, n'est-ce pas?
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mdavid@ledevoir.com


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