Ça passe ou ça casse !

Québec 2007 - le facteur «Canada»


Vu de l'extérieur du Québec, le scrutin du mois prochain constitue rien de moins qu'un référendum sur la vision du fédéralisme de Stephen Harper. Si le Parti québécois l'emporte, une bonne partie de l'électorat du reste du Canada ne pardonnerait pas au premier ministre conservateur l'échec de ses ouvertures québécoises.
Ses chances de rallier les Canadiens à sa pratique d'un fédéralisme plus respectueux des provinces seraient réduites à néant. Sa décision de reprendre au bond la balle de la reconnaissance du caractère national du Québec, l'automne dernier, serait définitivement classée comme une erreur historique. Ni l'un ni l'autre de ces concepts ne fait consensus dans le reste du Canada.
En public, Stephen Harper a mis tout son poids derrière la réélection d'un gouvernement fédéraliste à Québec. On s'attend à ce que la même volonté imprègne le prochain budget fédéral. En politique canadienne, la ligne entre donner un coup de pouce au fédéralisme au Québec et privilégier le Québec aux dépens des autres provinces est vite franchie. M. Harper marche sur une corde raide dont les élections québécoises pourraient le faire tomber.
Ce qui est bon pour Jean Charest est bon pour le Canada, ainsi que Stephen Harper ne se gêne pas pour le proclamer depuis qu'il est au pouvoir. Devant le désir généralisé des électeurs de l'extérieur du Québec de ne pas replonger dans un psychodrame référendaire, l'affirmation est incontestable. Mais il est également vrai que ce qui est bon pour Jean Charest est excellent pour le Parti conservateur fédéral.
Au Québec, les grandes manoeuvres préélectorales ont confirmé l'isolement du nouveau chef du Parti libéral du Canada. Alors que Stephen Harper réussit à la fois à filer le parfait amour avec Jean Charest et à flirter avec Mario Dumont, Stéphane Dion doit se passer d'allié, une réalité qui compliquera singulièrement la tâche de ressusciter le PLC à l'extérieur de Montréal au prochain scrutin fédéral.
Comme une tuile n'arrive jamais seule, la campagne électorale québécoise coïncide avec la fin de la courte lune de miel canadienne de Stéphane Dion. Dans la fièvre de leur congrès l'an dernier, bien des libéraux voyaient sa victoire comme un raccourci vers le pouvoir; aujourd'hui, certains commencent à déchanter.
Il n'y a pas que dans sa propre province que l'on ne voyait pas M. Dion comme chef de sa formation. En le préférant à l'un ou l'autre des meneurs ontariens de la course au leadership, les délégués libéraux ont choisi un candidat qui n'avait pas, jusque-là, fait beaucoup de vagues dans l'électorat canadien.
Depuis, le nouveau chef n'a pas réussi à transformer un préjugé favorable en intentions de vote. En Ontario, les sondages concordent plutôt pour indiquer que le gouvernement conservateur est en voie de consolider et d'élargir ses appuis. Simultanément, le NPD - aidé en cela par une bonne performance de son aile ontarienne - semble avoir freiné l'érosion de ses appuis.
Stéphane Dion est arrivé à la tête de son parti avec deux cartes dans sa manche, celle de l'environnement et celle de l'unité canadienne. Mais il arrive au bout des limites de la première tandis que la seconde est actuellement redondante. Les sondages montrent qu'il n'a pas réussi à départager avantageusement son parti des autres formations fédérales en matière d'environnement. À force de le voir faire flèche de tout bois sur cette question, plusieurs commencent à se demander s'il a d'autres cordes à son arc.
Chef du Québec à une époque où l'électorat du reste du Canada pensait avoir pris congé pour quelque temps de la dynastie québécoise au pouvoir à Ottawa, Stéphane Dion a de la difficulté à trouver sa place dans l'ordre canadien des choses. Une victoire souverainiste le 26 mars prochain changerait indubitablement la donne.
Un retour du PQ au gouvernement hausserait automatiquement l'unité canadienne dans l'ordre des priorités des électeurs. En règle générale, les Canadiens ont tendance à identifier le PLC à cette question, notamment parce que ce sont des premiers ministres libéraux qui ont remporté les deux derniers référendums. Dans une campagne fédérale où Stephen Harper et Stéphane Dion tenteraient respectivement de rallier le clan fédéraliste en vue d'une éventuelle bataille référendaire, le chef libéral partirait avec une longueur d'avance.
Une victoire libérale à Québec le mois prochain assurerait à Stephen Harper un contrôle quasi absolu sur la vie ou la mort de son gouvernement minoritaire. Dans les circonstances, le Bloc québécois n'aurait guère le coeur de défaire le gouvernement conservateur pour traîner des troupes au moral dégonflé sur le champ de bataille d'une autre campagne.
Si le budget fédéral est bel et bien déposé quelques jours avant le scrutin québécois - ce qui doit encore être officiellement confirmé - on voit mal comment le Bloc pourrait déclarer la guerre à des mesures fiscales qui auraient été implicitement validées par le résultat des élections québécoises.
Dans l'éventualité d'une défaite péquiste, la question de la pertinence du Bloc, voué à attendre au moins quatre autres années à Ottawa un hypothétique match de revanche référendaire, referait surface. Celle de l'avenir de Gilles Duceppe pourrait redevenir d'actualité. C'est un secret de Polichinelle que le chef bloquiste a eu l'occasion de regretter sa décision de ne pas briguer le leadership du PQ il y a deux ans.
Pour Stephen Harper, c'est cette combinaison d'un adversaire souverainiste déstabilisé et d'un chef libéral fédéral qui ne réussit pas à faire sa marque en Ontario qui pourrait rendre irrésistible la tentation de déclencher à son tour des élections.
chebert@thestar.ca
Chantal Hébert est columnist politique au Toronto Star.


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