Bon mandat, pas de pouvoir

il a plutôt annoncé un séminaire sur la bonne gestion des contrats publics dans l'industrie de la construction

Commission Charbonneau


Après des mois de refus obstinés, Jean Charest a finalement annoncé la création d'une commission d'enquête.
On pourrait conclure à une volte-face, mais le format retenu, ses limites et les déclarations du premier ministre démontrent en fait qu'il n'a pas changé d'idée.
M. Charest ne veut pas d'une commission d'enquête et, de fait, il n'en a pas vraiment déclenché une; il a plutôt annoncé un séminaire sur la bonne gestion des contrats publics dans l'industrie de la construction.
Le large mandat de la commission, tel que défini, est théoriquement satisfaisant. Son échéancier (nécessairement extensible comme pour toute commission) aussi, et je ne doute pas de la compétence et de la détermination de la juge France Charbonneau.
En théorie, donc, c'est un véhicule tout équipé qu'a présenté hier Jean Charest. En réalité, ce véhicule n'a ni volant (une image que comprendra sans doute M. Charest) ni phares.
L'intérêt d'une commission d'enquête publique, son but même, c'est de démarrer dans une direction générale, mais d'être capable de bifurquer pour rechercher de nouveaux chemins au gré des indications et des informations que l'on accumule le long de la route. C'est comme ça que l'on avance, que l'on remonte la filière: de témoin en témoin. Sans le pouvoir de contraindre les témoins, cette commission risque plutôt de finir dans un cul-de-sac. Sans volant pour suivre de nouvelles pistes ni phares pour éclairer la route.
La meilleure défense étant l'attaque, comme Jean Charest le sait si bien, il a pris son air le plus renfrogné, hier en conférence de presse, pour affirmer que c'est le droit qui a dicté sa décision, que ce sont les juristes, après consultation, qui ont déterminé «très clairement», a-t-il dit, que c'est la marche à suivre. Ah bon. Jean Charest vient de réinventer la formule des commissions d'enquête publiques en la transformant en entretiens privés et en lui retirant son principal pouvoir, et il affirme haut et fort que c'est comme ça que ça marche! Ne reste qu'à souhaiter que tous les croches du monde de la construction de même que ceux de l'univers opaque du financement des partis politiques soient subitement accablés de remords de conscience et qu'ils se précipitent devant la commissaire Charbonneau pour avouer leurs péchés, sans immunité, avec la certitude de se faire poursuivre par tous ceux qu'ils nommeront et la forte probabilité de se faire arrêter par les flics.
Parler d'une «patente à gosses» sera dorénavant vraiment exagéré tellement cette commission a été émasculée.
On a traité Paul Martin de naïf, mais au moins, lui, il a eu la décence de lancer une vraie commission d'enquête, avec pleins pouvoirs.
Jean Charest s'est défendu en répétant que Jacques Duchesneau a réussi à interviewer 500 témoins sans pouvoir, lui non plus, les contraindre. Justement, le chef de l'Unité anticollusion a fait ce qu'il pouvait dans les limites de son mandat et de son pouvoir. Il est arrivé au bout de l'exercice, produisant un rapport spectaculaire, certes, mais sans détails, sans nom, sans précision quant aux réels manipulateurs.
La formule retenue maintenant par Jean Charest risque fort d'arriver au même résultat. Alors, à quoi bon?
Comment Jean Charest peut-il affirmer qu'aucun gouvernement n'en a fait autant contre la corruption et la collusion que le sien et, en même temps, arriver avec une commission d'enquête aussi faiblarde?
On y revient: Jean Charest ne veut pas de commission d'enquête, mais il sait qu'il devait faire quelque chose pour calmer l'électorat. Et pour gagner du temps d'ici les prochaines élections, qui devraient être déclenchées en 2012.
Il a certainement réussi à gagner du temps, mais il est loin d'être certain qu'il a réussi à calmer l'électorat.
Au risque de me répéter, la meilleure défense, c'est l'attaque et Jean Charest le sait. Il a donc attaqué hier en disant que l'opposition, quoi qu'il fasse, ne sera jamais satisfaite.
Le plus grave problème pour Jean Charest n'est pas l'opposition à l'Assemblée nationale, mais celle de la population, qui n'acceptera pas de se faire passer une commission d'enquête publique qui n'a pas les pouvoirs d'une commission d'enquête et qui n'est pas vraiment publique.
Cela devrait toutefois largement suffire aux membres de PLQ.
Encore une fois, le congrès des militants libéraux, en fin de semaine à Québec, risque de ressembler à une réunion des disciples de l'Amour infini qui comprennent, eux, ce qui échappe au commun des mortels.


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