Boisclair gagne

Manifestement, Jean Charest est le grand perdant du débat des chefs.

Chronique de Patrice Boileau

Peut-être était-ce parce que l’ensemble des observateurs de la scène politique ne s’attendaient pas à grand-chose du leader péquiste -- lui qui peine à faire lever sa campagne -- que la performance de ce dernier au débat des chefs en a surpris plus d’un. Reste qu’André Boisclair est sorti de cette joute oratoire avec un avantage certain.
Dès les premières minutes de la soirée, le dirigeant du Parti québécois a démontré qu’il maîtrisait ses dossiers. À l’aide d’exemples concrets, en citant le taux d’occupation des salles d’urgences de plusieurs hôpitaux, le chef péquiste a illustré de façon éclatante que le système de soins de santé est toujours malade, malgré la promesse de Jean Charest de le guérir.
André Boisclair a réussi, durant le débat, à formuler des phrases courtes et claires, celles qu’une large portion de l’électorat aime entendre. Ainsi, pour expliquer concrètement aux Québécois la gravité des pertes d’emplois qui touchent le domaine manufacturier sous le gouvernement Charest, monsieur Boisclair a précisé que le total de ces licenciements correspondait à la population de la ville de Val D’Or, soit environ 35 000 personnes.
Le député de Pointe-aux-Trembles a néanmoins réservé ses coups les plus durs à son rival adéquiste. Si Mario Dumont n’a pas subi de KO, il a toutefois été poussé solidement dans les câbles. Le chef de l’ADQ a visiblement paru décontenancé lorsqu’André Boisclair l’a sommé de chiffrer la marge de manœuvre financière du Québec pour la prochaine année fiscale. Le front moite et les yeux humides, le leader adéquiste a balbutié des réponses évasives sans jamais réussir à donner l’information. Ce fut là le moment le plus acide de la soirée. La gestuelle titubante du dirigeant de l’ADQ a trahi sa détresse. En passant, monsieur Dumont, cette marge de manœuvre s’élève à 700 millions de dollars, pour la prochaine année budgétaire…
Mario Dumont a toutefois mieux paru lorsqu’il a brandi soudainement un document démontrant que le gouvernement libéral a ignoré des avertissements d’employés du ministère des Transports au sujet de l’état de santé du viaduc de la Concorde à Laval. Jean Charest s’est fait servir exactement la même médecine qu’il a offerte à Bernard Landry lors du débat à l’élection de 2003. Ses quolibets envers le dirigeant adéquiste n’ont pas réussi à camoufler son profond malaise. Ce document incriminant éclabousse sans l’ombre d’un doute l’ensemble de son gouvernement. Cette tragédie aurait-elle pu être évitée?
Manifestement, Jean Charest est le grand perdant du débat des chefs. Ses conseillers lui ont visiblement recommandé d’être « au-dessus de la mêlée » afin d’afficher une prestance digne d’un premier ministre. Sauf que son attitude trop calme a finalement donné l’impression que tout allait trop vite pour lui. Il a semblé dépassé par les attaques de ses adversaires. Ses ripostes sont en conséquence tombées à plat et ont semblé sortir de sa bouche tel un enregistrement usé.
***
André Boisclair a tout de même reçu quelques coups. Celui qui l’a atteint constamment durant la soirée est le reproche à son parti d’avoir envoyé à la retraite des milliers d’employés du secteur de la santé.
Malheureusement pour le chef du PQ, ses conseillés l’ont mal préparé pour répliquer adéquatement à cette critique. Pourtant, il est clair que ce sombre épisode de l’histoire du Québec découle directement des coupures des paiements de transfert du gouvernement fédéral, lui qui commençait à l’époque à équilibrer ses finances publiques aux dépens des provinces. Le gouvernement de Lucien Bouchard fut forcé d’agir en catastrophe pour ne pas que le Québec subisse une décote des maisons de crédit new-yorkaises. En répliquant à l’aide de cet argument, André Boiscalir aurait détruit un mythe et de plus procuré une preuve supplémentaire qu’un Québec souverain n’aurait pas subi ces assauts financiers d’Ottawa.
Le dirigeant péquiste a néanmoins empêché Mario Dumont de rabâcher ses clichés populistes. Seule la discussion touchant l’avenir du Québec lui a presque permis d’y parvenir, en qualifiant le projet souverainiste de « rêve en noir et blanc.» Malheureusement pour le député de Rivière-du-Loup, le modérateur lui a signifié au même moment que le temps était écoulé. Peut-être était-ce mieux ainsi pour lui car André Boislcair était sur le point de l’enrouler une seconde fois dans les câbles en le sommant de dire ce qu’il ferait, lorsqu’Ottawa refusera d’accéder à ses demandes constitutionnelles. La scène a rappelé un peu l’attaque de la politologue Chantal Hébert, deux jours plus tôt, à l’émission « Tout le monde en parle. » André Boisclair s’est somme toute assez bien tiré de cet épisode car ses rivaux n’ont pu prononcer le mot référendum à satiété, terme probablement le plus démonisé du Québec depuis 1995.
La victoire d’André Boisclair au débat des chefs va-t-elle réussir à modifier le cours de l’élection générale? L’électorat indépendantiste sera-t-il tenté de revenir au « bercail péquiste? » Probable que non. Les blessures sévères qu’a subies Mario Dumont auront vraisemblablement suscité de la pitié chez ses supporters souverainistes : ils seront en conséquence davantage enclins à l’appuyer, même s’il a clairement été démontré, depuis quelques jours, que son projet autonomiste et ses connaissances de l’appareil étatique québécois sont lamentables.
L’excellente performance du chef du Parti québécois a par contre produit un effet positif chez plusieurs indépendantistes qui s’apprêtaient à bouder les urnes. Peut-être seront-ils assez nombreux à décider finalement d’appuyer sa formation de manière à ce qu’elle préserve son titre d’opposition officielle à l’Assemblée nationale. Sauver les meubles est-il néanmoins suffisant pour faire de même avec le dirigeant péquiste?
Patrice Boileau



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7 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    14 mars 2007

    Monsieur B.
    Si vous ne me croyez pas, comparez la question de Bruxelles de Robert Bourassa et la question référendaire de 1995, elles se ressemblent comme deux gouttes d'eau. Je peux aller vous faire une conférence sur le sujet, n'importe où au Québec, à condition que quelqu'un paie mon essence. Et vous faire en une heure la démonstration de ce que j'avance. Téléphone d'ancien premier ministre à l'appui. Rencontre aussi avec ancien premier ministre à l'appui...Ok.
    LE PQ, lors du dernier référendum, comme celui de 1980, nous a fait dire OUI pour rester dans la Confédération. C'est Landry lui-même qui l'a écrit dans le journal LE DEVOIR, en mars 2003. Si vous voulez le texte au complet, je peux vous donner la référence.
    Landry, Bouchard, même René Lévesque avec son projet de souveraineté-association, ne voulaient pas faire l'indépendance du QUébec. Ils voulaient refaire une nouvelle Con-fédération. Moi, ce n'est pas ce que je veux...Et parce que je dis cela, je passe pour un crypto-fédéraliste. Mais, je m'en fous royalement. Car je suis absoluement certain, que ce n'est pas le PQ qui va faire l'indépendance du Québec. Elle se fera autrement, mais pas par ce canard boiteux, avec un chef qui n'a qu'une feuillle de route et pas de programme bien défini pour réaliser notre grand projet.
    Nestor Turcotte

  • Jean Pierre Bouchard Répondre

    14 mars 2007

    Monsieur Turcotte, R.Bourassa ne l'a pas fait l'indépendance entre autres parce qu'il croyait que la modernité se dirigeait vers le modèle progressivement fédéral de l'Union européenne.
    On connaît aujourd'hui le sable dans l'engrenage bureaucratique de ce modèle, son mode de fonctionnement hyper libéral "apolitique" et non représentatif des personnes et des nations.
    L'indépendance si elle se fait elle se fera en mettant fin à nos divisions régionales, sociales, politiques et individuelles.
    C'est vrai que c'est l'union sacrée des partis et des citoyens qui pourra la réaliser et ce par l'encadrement d'un chef inspiré soutenu par une équipe de front.
    Et jamais le parti libéral provincial devenu trop canadien n’en sera un acteur.
    Négativement. une société québécoise confuse désorganisée politiquement à travers l'influence de lobbys industriels, syndicaux, écologistes et autres risque d'être encore plus individualiste.
    Monsieur Turcotte, c'est toujours le même problème de sortir du Confort et de l'indifférence dénoncé par le Denis Arcand de 1982. Voter PQ en 2007 c'est peut être con mais jamais aussi con que de voter pour le parti de J.Lesage qui a involué ou dégénéré année après année depuis 1970. Certainement non au Parti Conservateur-Libéral de Charest.

  • Archives de Vigile Répondre

    14 mars 2007

    A monsieur Bouchard, de je ne sais où...
    Le problème au Parti québécois est le suivant: il n'a jamais su s'il était indépendantiste ou pas. Le jour où cela sera bien clarifié, les «anciens» qui ont quitté ou qui critiquent leur ancienne filiation politique reviendront. Pour le moment, rien ne laisse voir que le PQ actuel soit dans la direction ci-haut mentionnée.
    JE ne veux pas faire l'indépendance parce que je suis en maudit après le fédéral. Cette raison n'est pas suffisante pour moi. La critique faite face au régime ne me convident pas. Pourtant, c'est ce qui a convenu à la plupart des chefs péquistes, hormis Parizeau, qui fût, je le crois toujours, le seul leader indépendantiste.
    Il nous faut un homme (ou une femme) qui prenne les commandes d'un mouvemennt qui n'est pas partisan et nous mène où nous voulons aller. J'ai pensé à un moment donné que Bourassa allait le faire (lire: Comment Bourassa fera l'indépenance ?...de Georges Matthews). C'est étonnant: Bourassa, un fédéraliste, est le seul homme politique qui a réussi, sur le parquet de l'Assemblée nationale, en ce 20 juin 1990, à amener le peuple du Québec le plus près de son indépendance.
    Le grand Parizeau, le soir de l'échec de Meech, a tendu la main à son Premier ministre et lui a demandé de faire l'indépendance avec lui. Ce geste, à lui seul, remplace, dans mon esprit, les deux référendums. Si Bourassa avait osé, il aurait gagné, selon les sondages de l'époque, avec 67 % d'appuis. Il a eu peur....mais peur de quoi?
    Il nous faudrait un autre Bourassa qui rallierait à la fois les citoyens et les parlementaires en une union sacrée. Je ne pense pas que le «cassant» Boisclair puisse faire ce travail d'union et de pacification. Le PQ fait peur. Si les libéraux proposaient l'indépendance, elle se ferait en douce....Il faut convaincre Jean Charest....
    Vous sans doute?
    Nestor Turcotte
    Matane
    euroenigma25@hotmail.com

  • Jean Pierre Bouchard Répondre

    14 mars 2007

    La politique de la table rase ou de sa maison qu'on brûle pour toucher une assurance hypothétique me rend perplexe et suscite stupéfaction.
    Je m'explique.
    Vous êtes difficile à suivre un peu Monsieur Boileau même si l'idée d'une élection référendaire future 50%+1 avec l'alliance des partis PQ-QS et qui sait une alliance PQ-QS-ADQ me semble une bonne voie pour sortir de l'impasse actuelle. Vous réfléchissez assez bien pour qu'un PQ AFFAIBLI mais non DÉTRUIT finisse par considérer cette position.
    Le débat.
    Oui Boisclair a bien fait dans le débat des chefs, il a su se positionner comme chef énergique plutôt que comme chef technocratique. C'est un progrès tandis que Dumont a trébuché sérieusement mais a connu de vrais bons moments en remettant sur le nez de Charest la même médecine qu'il a imposé à Landry.
    Oui, Boisclair devrait faire une pédagogie de la souveraineté avant de préparer un référendum. Il n'est pas ahuri, il le sait qu'un troisième référendum est risqué.
    Il devra savoir si jamais bien peu probable qu'un gouvernement péquiste majoritaire soit élu le 26 mars que si son gouvernement s'en tient qu'à la gestion provinciale sans parler des avantages culturels, linguistiques et économiques de l'indépendance en vue d'un référendum, il vivra la mort définitive du Parti Québécois. Plusieurs ici devraient mettre de l'avant l'idée d'un Télé Québec: chaîne d'information nouvelles et de culture centré sur le Québec et ouverte sur le monde mais pas sur le Canada contrairement à RDI ou bien positivement différente d'une chaîne "apolitique", commerciale et trop populiste comme LCN-Québécor.
    Eh oui! En ce qui regarde certaines réactions ici, ça vous amuse vraiment de voir le peuple québécois trop et encore trop divisé en tribus gauloises pendant que les romains (anglophones) se tapent dans les mains.
    Je lis ce que je lis et pourtant je suis sobre. Je comprendrais cette rage absolue contre le PQiu qui rappelle Maurice Bellemare l'unioniste nostalgique si j'étais ivre mais autrement..
    Et monsieur Turcotte que j'ose ici correctement interroger. Vous êtes une vedette à un certain niveau, vous oscillez je le sais entre une critique nécessairement subjective qui s'applique comme nous tous à être un peu objective et un certain ressentiment personnel. Soit! Le respect de votre vécu ne se discute pas pour l'essentiel mais de grâce un peu plus de nuances serait bien. Le Parti libéral de Charest, l'enjeu de la dépendance fédérale pas seulement demain mais aussi aujourd'hui maintenant existent t'il encore pour vous? J'élargis un propos comme le vôtre à celui de Lévy Beaulieu qui est également une personne respectable tout comme vous.
    Voter relativement pour l'ADQ effectivement peut contraindre le PQ à sortir de son angélisme de sa peur de faire peur aux Québécois.
    Ce mot d'ordre ne peut être étendue absolument parce qu'il détruirait le PQ nous laissant seulement pour le moment avec Québec Solidaire qui se définit davantage social démocrate radical que souverainiste.
    Un gouvernement minoritaire est peut être un moment de transition nécessaire et on verra bien dans l'opposition s'il a un avenir politique ou comme premier ministre comment Boisclair agira.

  • Archives de Vigile Répondre

    14 mars 2007

    Me semble que cela n'aurait pas été trop exigent de votre part de conclure avec un peu plus d'optimisme.
    ''La victoire d’André Boisclair au débat des chefs va-t-elle réussir à modifier le cours de l’élection générale ? L’électorat indépendantiste sera-t-il tenté de revenir au « bercail péquiste ? » ESPÉRONT-LE.''
    Déjà que les spins doctors de l'autre bord minimise la victoire de Boisclair, s'il faut qu'en plus on s'éteint entre nous...

  • Archives de Vigile Répondre

    14 mars 2007

    L’impoli Boisclair démasqué
    Nestor Turcotte
    Matane
    Le débat des chefs a permis d’apprendre au moins une nouvelle chose : il n’y aura pas, dans les quatre prochaines années, un nouveau référendum portant sur la souveraineté du Québec. Mario Dumont, répondant à une question sur l’avenir constitutionnel du Québec, a clairement laissé entendre à Boisclair qu’il ne devait pas compter sur lui pour l’appuyer éventuellement dans cette démarche. La large coalition dont rêve Boisclair n’existe que dans son imagination, tout comme son équipe de rêve d’ailleurs.
    Boisclair peut bien promettre une nouvelle «consultation populaire». Il sait maintenant qu’il n’y en aura pas et que s’il se décidait – advenant son élection – d’en faire une, il serait absolument certain de la perdre. Son parti est à 29 % dans les sondages. Les appuis de Mario Dumont et de Jean Charest totalisent au-delà de 60 % des électeurs. De plus, 67 % des gens ne souhaitent pas de futur référendum et un autre plébiscite portant sur le fond de la question nationale donnerait sans doute un résultat qui oscillerait autour de celui de 1980.
    Les indépendantistes doivent se rendre à l’évidence. Boisclair a fait campagne, non seulement en ne tenant pas compte de son programme constitutionnel, mais il sait qu’il serait incapable de l’appliquer dans un éventuel mandat confié au Parti québécois. Si les indépendantistes votent pour son parti en espérant voir avancer leur cause, ils se trompent royalement. Il n’est pas l’homme qui peut mener à terme le projet de René Lévesque et, suite à cette révélation surprise de Mario Dumont, ils doivent ronger leur frein et attendre des jours meilleurs. Boisclair ne peut terminer la campagne en parlant du futur pays du Québec. Ses appuis s’effritent. Les conditions gagnantes s’évaporent. Il est seul sur le bateau à crier qu’il voit la terre promise.
    Enfin, la performance du chef péquiste, au débat de mardi, m’a laissé sur mon appétit. Il s’est montré une fois de plus volubile, désorganisé, attaquant dans toutes les directions, sans fil d’ariane. Son arme : l’impolitesse. Jadis, nos maîtres de classe nous enseignaient de ne pas jamais couper la parole à l’interlocuteur. Le maître de Harvard n’a pas donné un très bel exemple à la jeunesse québécoise qui l’écoutait. La politesse élémentaire ne semble pas lui avoir été enseignée. Et il semble incapable de la pratiquer.

  • Archives de Vigile Répondre

    14 mars 2007

    M. Boileau,
    Êtes-vous un supporteur de l'ADQ? Vous semblez très sympatique à Super-Mario.
    Un péquiste qui commence à en avoir plein l'cul.