Benoît Pelletier était franchement déçu lorsqu'il a pris connaissance de la plateforme électorale du PQ. Il aurait tellement aimé y voir une intention de renforcer la place du Québec au sein de la fédération canadienne. Pauvre lui. Personne ne lui avait dit que le PQ avait comme premier objectif de réaliser l'indépendance du Québec. Heureusement que son chef était là pour le réconforter et lui expliquer. Voici d'ailleurs ce que se sont dit Jean Charest et Benoît Pelletier samedi soir dernier.
BENOÎT PELLETIER — Snif! Méchants menteurs de nigauds de caca de péquistes!
JEAN CHAREST — Tu sais, Benoît, les péquistes veulent cacher des choses à la population, mais nous, ils ne nous auront pas. Nous les connaissons, leurs astuces. Nous allons dire à la population qu'ils veulent faire un référendum. Grâce à nous, la vérité sera étalée au grand jour.
BENOÎT PELLETIER — Un référendum? Pour faire peur au Canada et nous donner du pouvoir de négociation? C'est quand même pas mauvais, comme astuce.
JEAN CHAREST — Dans le temps où je téléphonais aux juges, comme ministre du gouvernement conservateur à Ottawa, c'est la stratégie que Bourassa avait choisie. Il essayait de faire peur au Canada avec les séparatisses. Résultat? Nos amis canadiens se sont mis tellement en beau joual vert qu'ils ont piétiné le drapeau du Québec, pis refusé de signer l'accord du lac Meech.
BENOÎT PELLETIER — Non mais quand même, juste un petit référendum avec une question claire comme le dit la loi de Stéphane. Après, on pourrait peut-être reparler des deux peuples fondateurs avec nos amis de Calgary.
JEAN CHAREST — Je pense pas que Stephen et Stéphane aimeraient que je leur joue des tours comme ça. Quelques bloquistes à Ottawa et quelques péquistes à Québec, c'est assez. Il faut surtout pas abuser du client. C'est lui qui paie, après tout.
BENOÎT PELLETIER — Mais pourquoi le PQ ne veut-il pas renouveler ma belle fédération de 1867? Il paraît même que ce référendum, c'est pour faire du Québec un pays. Sont fous! On n'aurait plus de reine, ni de police montée, ni de sénateurs nommés à vie. Toutes ces belles perruques et tenues d'apparat... Je rêvais même d'un siège au Sénat, un jour.
JEAN CHAREST — Je t'ai pourtant déjà dit d'oublier ces histoires constitutionnelles. C'est rien que de la chicane, tout ça. Avec le Conseil de la fédération, on peut se parler des vraies affaires, comme les salles d'urgence et les blocs opératoires. J'en ai rien à faire, moi, du destin d'un peuple. Est-ce que ça met du beurre sur notre pain, le destin d'un peuple? La souveraineté est une idée complètement dépassée.
BENOÎT PELLETIER — Pas si dépassée que ça quand même, parce que le Canada est souverain, et je ne pense pas qu'il voudrait abandonner sa souveraineté aux États-Unis, par exemple. Le monde est plein de petits pays prospères comme l'Irlande, la Norvège, la Suède, l'Islande. Ils vivent au Nord comme nous. L'Irlande et la Norvège ont acquis leur indépendance au XXe siècle. Il parait même que les Écossais parlent de se séparer du Royaume-Uni pour devenir souverains, eux aussi.
JEAN CHAREST — Ta gueule, Benoît. Tu commences à avoir l'air d'un péquiste. C'est quoi, ces folies-là?
BENOÎT PELLETIER — Excuse-moi, Jean. C'est l'émotion, sans doute. Je voudrais tellement que le Québec soit souverain dans mon beau Canada souverain.
JEAN CHAREST — Là, Benoît, tu commences à m'énerver. La souveraineté, ça se partage pas. T'es souverain ou ben tu l'es pas. Quand t'es une province d'un pays, t'es pas souverain. T'es une province. Ta reine est à Londres, ton gouvernement est à Ottawa, pis tes fonctionnaires fédéraux parlent anglais.
BENOÎT PELLETIER — Ben alors, qu'est-ce qu'on fait à Québec, toi et moi?
JEAN CHAREST — Québec, c'est les ligues mineures. Si tu patines fort et que tu tasses quelques séparatisses dans le coin, t'as des chances de jouer dans la grande ligue un jour. Grande ligue comme dans... siège de sénateur, mon Benoît. Moi, si j'y retourne, ce sera pas pour faire le pion. Ça va être pour devenir king et remplacer le gros Stephen, quand il aura pété d'une crise cardiaque avec sa bedaine.
BENOÎT PELLETIER — Mais qu'est-ce qu'on va faire si le PQ gagne les élections?
JEAN CHAREST — Comme d'habitude. On va faire brailler le monde sur le sort des francophones du Yukon et de l'Île-du-Prince-Édouard, je vais me promener avec mon passeport canadien partout, pis on va faire peur en masse aux travailleurs qui vont avoir peur de perdre leur job. Je pense que je vais ressortir la bonne vieille histoire de la piasse à Lévesque.
BENOÎT PELLETIER — Mais Jean, tu ne te souviens pas? Il n'y a pas si longtemps, le dollar canadien a baissé à 60 cents américains, plus bas que la pire des prévisions de l'époque sur le dollar québécois. Et puis en fait, l'économie du Québec se portait mieux dans le temps du dollar canadien à 60 cents. Depuis que le dollar a remonté, tiré vers le haut par la ruée pétrolière en Alberta, le Québec et l'Ontario ont vu leurs exportations en souffrir. Ce n'est quand même pas très génial comme argument, la piasse à Lévesque.
JEAN CHAREST — C'est pas grave, y a aussi les promesses.
BENOÎT PELLETIER — Les promesses?
JEAN CHAREST — Mais oui, pauvre cruche. On va promettre aux Québécois de faire une plus grande place au Québec dans la fédération canadienne. Avec mon ami Stephen, son fédéralisme d'ouverture et pis ses billets verts pour l'environnement et le déséquilibre fiscal, ça va être facile comme rien de leur faire croire n'importe quoi.
BENOÎT PELLETIER — Comment, n'importe quoi? Je ne veux pas n'importe quoi. Je veux un Québec fort dans un Canada uni. Je n'ai pas étudié le droit constitutionnel pour rien. On ne va quand même pas faire semblant.
JEAN CHAREST — [Soupir] Écoute ben, mon Benoît. Il faut que tu décides. Le veux-tu, ton siège au Sénat, oui ou non?
BENOÎT PELLETIER — Euh...
JEAN CHAREST — Il faut que tu choisisses. Stéphane l'a déjà dit: le Canada est à prendre ou à laisser tel quel. Il faut être réaliste, quand même. Depuis 1982, la Constitution est barrée. C'est clair qu'on pourra jamais la modifier comme dans les rêves des fédéralistes québécois. Le pouvoir fédéral de dépenser est là pour rester. C'est la Cour suprême qui l'a dit en interprétant la Constitution. Avec les dollars pétroliers de Stephen, on va acheter l'allégeance des Québécois. Assistés sociaux un jour, assistés sociaux toujours. Jean Chrétien l'a déjà dit: les Québécois votent avec leur portefeuille.
BENOÎT PELLETIER — Là, il ne faudrait pas qu'ils t'entendent.
JEAN CHAREST — Ben voyons, je vais leur dire ça avec mon sourire de campaigner. Ils vont aimer ça et me trouver drôle.
BENOÎT PELLETIER — Sais-tu, Jean, je ne suis pas certain de te suivre vraiment là-dessus.
JEAN CHAREST — Un beau siège au Sénat, tout rouge et tout feutré, avec une belle rente après. Une grande maison à Ottawa et un chalet à Gatineau. De quoi couler des jours heureux avec des soins de santé privés comme Philippe est en train de nous les concocter. Regarde-le qui rougit. Ah! le Benoît. Je le connais mieux qu'il pense. Fais pas semblant que tu y penses pas tout le temps, mon coquin.
BENOÎT PELLETIER — En fait, Jean, je suis en train de me poser de sérieuses questions. Si les péquistes font du Québec un pays souverain, un vrai de vrai, il va y falloir encore des députés et des ministres. Même que les ministres vont gérer des plus gros budgets, puisque nous n'enverrons plus la moitié de notre argent à Ottawa. Plus j'y pense...
JEAN CHAREST — Attention, mon Benoît, c'est le diable qui est train de te tenter. Il faut que tu écoutes ton ange gardien et Jésus, là-haut, sur la croix de l'Assemblée nationale.
BENOÎT PELLETIER — Même qu'au lieu d'être ministre des Affaires interprovinciales, je pourrais être un vrai ministre des Affaires étrangères. Au lieu de négocier avec la Saskatchewan, je pourrais faire des discours aux Nations Unies.
JEAN CHAREST — Toi, aux Nations Unies! T'es trop drôle. Pour qui tu te prends?
BENOÎT PELLETIER — Comment, pour qui je me prends? Ça ne serait quand même pas pire que de faire de la figuration à l'UNESCO.
JEAN CHAREST — Es-tu sérieux?
BENOÎT PELLETIER — Le PQ veut faire du Québec un pays à part entière dans le concert des nations. Pas bête du tout, au fond.
JEAN CHAREST — Pas un pays, Benoît, pas un pays. Un ré-fé-ren-dum.
BENOÎT PELLETIER — Appelle ça comme tu veux. Au bout du compte, il s'agit que les Québécois se disent oui à eux-mêmes au lieu de se dire non. C'est simple. Comment n'y avais-je pas pensé avant? Ça va faire ben moins de chicanes que les pourparlers constitutionnels. On partage l'actif et le passif, et puis on reste bons amis. Fini les chicanes!
JEAN CHAREST — T'es malade. J'appelle Philippe. Non! Le doc Mailloux.
BENOÎT PELLETIER — Laisse faire. Je vais aller voir le PQ et me faire expliquer l'idée de l'indépendance. Ça me guérira de ma phobie. Je te souhaite bonne chance avec ta province. Moi, je m'en vais me faire un vrai pays.
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Ne vous gênez surtout pas pour divertir vos amis avec cette histoire.
Bernard Desgagné
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