CHUM

Barrette continuerait à s’ingérer

Le président du CA démissionne pour une deuxième fois

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L'approche totalitaire des Drs Couillard et Barrette à la gestion hospitalière

Refusant d’être la « marionnette » du ministre de la Santé, Gaétan Barrette, le président du conseil d’administration du CHUM, Jean-Claude Deschênes, claque la porte pour la deuxième fois en cinq mois. Dans une entrevue exclusive accordée au Devoir, il soutient que le ministre ne respecte pas les conditions qui avaient été fixées lors de son retour, en mars dernier, avec l’ex-p.-d.g., Jacques Turgeon, qui s’est lui aussi éclipsé en douceur il y a quelques semaines.

Ingérence, demi-vérités, promesses non respectées. Malgré l’entente, survenue en mars dernier, avec le bureau du premier ministre Philippe Couillard, les choses ne s’améliorent pas au CHUM, déplore Jean-Claude Deschênes. « Les conditions et l’esprit de l’entente ne sont pas respectés », dénonce-t-il.

« On pensait que ce serait rétabli, mais non, ce n’est pas vrai, ça ne se rétablit pas. Et c’est à la largeur du réseau que ça va se passer. […] Face à ça, j’ai décidé que je n’avais plus de temps à perdre à aller faire la marionnette. »

Celui qu’on appelle souvent « monsieur gouvernance » en a gros sur le coeur. En mars dernier, il avait déjà claqué la porte du conseil d’administration du CHUM avec son p.-d.g., Jacques Turgeon. Les deux hommes accusaient le ministre Barrette d’être intervenu pour favoriser la nomination du Dr Patrick Harris au poste de chef du département de chirurgie. Leur démission a créé une véritable tempête médiatique. Dans l’embarras, le ministre Barrette a invité les deux hommes à revenir à leur poste. Le premier ministre Philippe Couillard s’en est mêlé. Quelques jours plus tard, les deux hommes forts du CHUM annonçaient qu’ils étaient parvenus à une entente avec le ministre et qu’ils auraient toute la latitude nécessaire pour faire leur travail.

Lors de cette conférence de presse, messieurs Turgeon et Deschênes avaient tous deux vanté les qualités du ministre Barrette. Cela faisait partie des conditions imposées par le gouvernement Couillard, dévoile aujourd’hui M. Deschênes. « Dans les tractations sur les événements qui avaient cours, ça avait été exigé que l’on dise quelque chose comme ça […] Ça faisait partie du prix à payer dans la négociation finale. Je le regrette, et les faits qui suivent me donnent raison. »

Nouvelle intervention

L’une des conditions, affirme-t-il, était de remettre rapidement sur pied le conseil d’administration. Au 1er avril, dans la foulée des restructurations apportées par la loi 10, tous les conseils d’administration des établissements de santé ont été suspendus. Le ministre s’était donné jusqu’au 15 septembre pour les reconstituer. « On avait un engagement que le conseil d’administration [du CHUM] serait remis en place au mois d’avril. Alors on attendait, on attendait… Finalement, au mois de juillet, j’ai trouvé que ça suffisait et j’ai écrit ma lettre de désistement. »

Le gouvernement a renié un autre de ses engagements, plaide M. Deschênes. En effet, on avait leur avait garanti qu’ils auraient un accès direct au bureau du premier ministre Couillard en cas de problème dans la gestion de leur établissement. « Jacques Turgeon l’a essayé plusieurs fois, c’est ramené au cabinet du ministre Barrette. »

Selon lui, le ministre a tenté à nouveau d’intervenir dans le processus de sélection du chef de département de chirurgie, et ce, malgré les recommandations du comité piloté par le Dr Michel Baron et Claude Desjardins, qui recommandait d’intégrer un observateur neutre pour s’assurer de la rigueur du processus de sélection. « On a communiqué avec le sous-ministre pour s’entendre sur l’observateur neutre […] Il a répondu qu’il allait en nommer huit et que ce ne seraient pas des observateurs, mais des acteurs ! »

La direction du CHUM s’est fâchée et le ministre a dû reculer, encore une fois. Mais pour Jean-Claude Deschênes, c’est « une autre intervention qui illustre l’attitude du Dr Barrette ». Il l’accuse par ailleurs d’avoir déformé les faits à maintes reprises dans le dossier depuis mars dernier.

Jacques Turgeon

Est-ce pour cette raison que l’ex-p.-d.g., Jacques Turgeon, a annoncé le mois dernier qu’il quittait son poste pour aller travailler pour une compagnie américaine ? En partie, répond M. Deschênes. « Il était écoeuré », confie-t-il, précisant toutefois que son départ était surtout motivé par l’impossibilité de répondre à la mission universitaire de l’établissement. Après le coup d’éclat de sa démission en mars, il a choisi de partir plus sobrement cette fois-ci. « Il ne voulait pas nuire au CHUM. Il ne veut pas faire de bruit, il a décidé de s’exiler aux États-Unis. »

Dans sa lettre de désistement, envoyée au ministre le 30 juillet, Jean-Claude Deschênes élargit le problème à l’ensemble du réseau, accusant le ministre d’avoir « siphonné vers le haut et vidé de sens » les responsabilités des conseils d’administration par une série de mesures qui ont été mises en place depuis la réforme en avril. Il compare cette situation à « une mise sous tutelle » de l’ensemble des établissements de santé du Québec.

« Je dirais simplement que ça fait l’affaire [du ministre] qu’il n’y ait pas de conseil d’administration pendant cette période, parce que le pouvoir est direct. […] On est en train de faire disparaître les CA, on en prouve l’inutilité en ce moment, ça fait quatre mois qu’on marche sans eux. Mais tout est occulté et tout est imposé et, possiblement, politisé. »


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