La commission Bouchard-Taylor

Babel en Québec (2)

Ça sort dru, tantôt posé, tantôt cru, des fois généreux, des fois douloureux.

Accommodements - Commission Bouchard-Taylor

La commission Bouchard-Taylor, quoi en penser ? Utile ou futile ?
Nécessaire ou dérisoire? Curative ou porteuse de pathologie ? Chose
certaine, elle est partie d'un motif pas très noble. Un premier ministre
pris au dépourvu qui ne cherche qu'à pelleter en avant un malaise mis en
lumière par un code de vie, celui d'Hérouxville, malaise habilement
exploité par l'ADQ pour se faire du capital politique rapide pendant que le
PQ se débattait avec les subtilités d'un nationalisme civique. Hérouxville
mettait le doigt sur un inconfort, un peu maladroitement, mais un inconfort
réel. En mode panique, Jean Charest relégua la patate chaude à cette
commission créée en catastrophe. Force est maintenant de constater que la
popularité imprévue des audiences est en train de transformer en enjeu
important ce qui semblait anodin au départ.
Donc, si l'on en juge par l'affluence à ces audiences, difficile de dire
que c'est inutile. Les gens s'expriment et beaucoup. Le sujet semble pour
le moins inspirant. Ça sort dru, tantôt posé, tantôt cru, des fois généreux, des fois douloureux. Assistons-nous à un début de thérapie
collective ou à une entreprise d'érection de murs ? Chose certaine,
nous sommes en terrain délicat, presque miné mais les participants et les
auditoires se comportent généralement de manière exemplaire, ce qui dénote
une certaine maturité politique. Cette commission aura été utile si elle
débouche sur un rapport qui propose des pistes de solution à partir de ce
qui aura été entendu. Cela suppose que les co-présidents ne se contentent
pas d'entendre mais qu'ils sachent écouter. Par contre, elle aura été
absurde si les auteurs du rapport s'emploient à nous faire la leçon en nous
alignant sur le multiculturalisme à la canadienne ou encore si le tout
aboutit sur une tablette comme ramasse-poussière.
L'exercice apparaît maintenant nécessaire. Le Québec est déjà une terre
d'immigration importante et cela va s'intensifier dans les prochaines
années. C'est non seulement inévitable mais nécessaire. Par contre, le
Québec est une nation enclavée qui n'a pas la pleine maîtrise de bien des
dossiers, y compris celui de l'immigration. Dans l'état actuel des choses,
il faut bien vivre avec cela. On peut comprendre les nouveaux venus.
Changer de pays nécessite du courage et génère insécurité et inquiétude.
Mais à cause de notre situation de minoritaires, nous vivons nous-mêmes dans
une certaine précarité et une certaine peur. Il faut donc élaborer quelque
chose qui fasse un compromis entre ces deux inquiétudes. Il faut fixer des
balises et surtout construire des ponts pour s'entendre sur notre vie
collective à venir. Si l'on arrive à quelque chose dans le voisinage de
cela, l'opération aura été nécessaire. Mais l'effet aura été pervers si le
tout aboutit à l'intolérance, à la méfiance et à la peur.
On devrait s'entendre pour dire que s'exprimer, c'est sain. Même quand ça
sort tout croche, il faut poursuivre. Qu'il y ait tant de participants est
en soi une bonne nouvelle. Pour une fois que l'on demande davantage aux
citoyens qu'un chèque en blanc à tous les quatre ans. Il faut y voir un
exercice démocratique réel. La sagesse populaire affirme que c'est à
parler qu'on se comprend et qu'on apprend à se connaître. «L'ignorance a
le mépris facile» disait Félix Leclerc. Si, au sortir de cet exercice
parfois douloureux, nous sommes tous un peu plus ouverts, nous aurons fait
un grand pas et nous aurons un peu grandi.
Par contre, il y en aura
toujours pour monter en épingle certains propos minoritaires pour tirer de
grandes conclusions, émettre de grands principes, élaborer de grands systèmes
pour essayer d'y voir un refus de l'autre, une xénophobie maladive, une
frilosité coupable, voire même une espèce de racisme larvé. Pour cette
élite bien pensante, tout ce qui n'est pas conforme au multiculturalisme
officiel et à cette charte, qui est venue se superposer à la nôtre il y a 25
ans, constitue une dangereuse dérive, un dérapage inacceptable. Souvent
habitués à tordre la réalité pour la faire entrer dans leurs savants
concepts, il leur arrive d'oublier que chez les gens dits ordinaires, il
existe le gbs, le gros bon sens et ça, ça vaut souvent autant que bien des
diplômes. À cette élite, de plus en plus coupée du peuple et qui a
tendance à se boucher le nez ou les oreilles devant certains propos
entendus à la commission, il faut dire que les raisonnements simplistes ne
sont pas l'apanage exclusif du bon peuple et il faut rappeler aussi cette
phrase de Montesquieu: «J'aime les paysans, ils ne sont pas assez
instruits pour raisonner de travers.»
En conclusion, ce geste improvisé de créer une telle commission semble en
train, peut-être, de porter des fruits inattendus. Ce geste de désespoir
est peut-être finalement porteur d'espoir. Il est cependant nettement trop
tôt pour pavoiser. Il faudra attendre ce fameux rapport pour voir comment
réagiront les deux intellectuels qui président et ensuite voir ce que le
gouvernement fera avec ce document probablement d'une ampleur imprévue.
-- Envoi via le site Vigile.net (http://www.vigile.net/) --

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Gilles Ouimet66 articles

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Né à Mont-Laurier en 1947. Études primaires à cet endroit. Études classiques à Mont-Laurier et Hull entre 1961 et 1968. Diplômé en histoire de l’Université Laval en 1971. Enseignant à la polyvalente de Mont-Laurier entre 1971 et 2005. Directeur d’une troupe de théâtre amateur (Troupe Montserrat) depuis 2000. Écriture pour le théâtre, notamment une pièce à l’occasion du centenaire de Mont-Laurier en 1985 (Les Grands d’ici), une autre à l’occasion du 150e anniversaire du soulèvement des Patriotes (Le demi-Lys...et le Lion) en 1987 (prix du public lors du festival de théâtre amateur de Sherbrooke en 1988 et 2e prix au festival canadien de théâtre d’Halifax la même année). En préparation, une pièce sur Louis Riel (La dernière Nuit de Louis Riel). Membre fondateur de la Société d’histoire et de généalogie des Hautes-Laurentides. Retraité de l’enseignement depuis 2005.





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1 commentaire

  • Jean Pierre Bouchard Répondre

    9 novembre 2007

    Par leur présentation convaincue en début de séances des accommodements raisonnables et surtout par leurs antécédents intellectuels on se doute bien que ces messieurs Bouchard et Taylor vont réaffirmer le principe du multiculturalisme à travers son encadrement par quelques aménagements plutôt mineurs.
    Le principe excessif de précaution en terme de normes l'emporte toujours sur la prise en compte de la réalité d'une collectivité nationale. C'est la peur d'avoir peur.