Un discours étroitement partisan

Et pourquoi pas un peu de lucidité en 2014, M. Moreau?

Tribune libre


Monsieur Moreau, vous vous êtes récemment plutôt fortement élevé contre les propos de Jean-François Lisée qui qualifiait le Canada de corps étranger pour le Québec. Je peux, à la limite, vous concéder que la déclaration était un peu malhabile et monsieur Lisée a rectifié son propos par la suite en précisant que c’était plutôt le Québec qui devenait de plus en plus étranger pour le Canada.
Vous avez évidemment le droit de déchirer votre chemise en public pour la défense de ce Canada qui nous ressemble de moins en moins mais pourquoi ne pas un peu réfléchir sur cette distanciation, sur ces directions résolument opposées que prennent notre Québec et votre Canada ? Quant au Canada, il peut bien prendre la direction qu’il veut. C’est pour lui une volonté bien légitime et un droit incontestable mais cela va-t-il dans le sens des intérêts vitaux du Québec ? Intérêts qu’en tant que membre d’un parti politique québécois, vous devriez défendre avec vigueur, il me semble.
Inutile de revenir ici sur tous ces sujets de discorde, ils sont amplement connus et grandement préoccupants. Vous êtes une personne intelligente sans aucun doute. Vous ne pouvez pas ne pas voir et ne pas comprendre. Cela me semble impossible. Je ne peux concevoir non plus que vous croyiez sérieusement qu’on puisse réussir à raisonner ce Canada bien résolu à nous marcher sur le corps pour faire triompher son idée de « nation building canadian ». Vous êtes avocat et nous savons tous qu’un avocat a souvent beaucoup de talent pour défendre l’indéfendable. Je trouve cependant que vous poussez présentement ce talent beaucoup trop loin.
Mais pourquoi le poussez-vous si loin ce talent ? On pourrait vous qualifier de naïf mais vous ne l’êtes pas. Loin de là. Qu’en est-il alors ? Vous aimez bien accuser vos principaux adversaires politiques d’électoralisme. Je crois bien que votre montée aux barricades est, elle aussi, teintée de la même manie. J’imagine que votre clientèle captive vous oblige à ce genre de déclaration. Je crois aussi que vous êtes dévoré par l’ambition et que vous percevez le vacillement possible de votre chef actuel. Dans le cas où ce naufrage ne surviendrait pas, je vous imagine facilement faire le saut sur la scène fédérale. On est bien à Ottawa, dixit Liza Frulla.
En attendant, quelle tristesse de voir ce parti, qui a présidé à un éveil fondateur et libérateur pour le Québec, contribuer à nous laisser mariner dans ce processus de « babelisation » maintenant si caractéristique du système politique canadien. Quelle désolation de voir ce parti où l’on retrouve sûrement des défenseurs sincères du Québec se comporter en sous-traitant voué à l’euthanasie du Québec pour le compte d’un gouvernement qui nous rassemble de moins en moins.
Finalement, ce n’est pas de la lucidité qu’il faut vous souhaiter. Je ne crois pas que vous en manquiez. Parlons plutôt de courage.

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Gilles Ouimet66 articles

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Né à Mont-Laurier en 1947. Études primaires à cet endroit. Études classiques à Mont-Laurier et Hull entre 1961 et 1968. Diplômé en histoire de l’Université Laval en 1971. Enseignant à la polyvalente de Mont-Laurier entre 1971 et 2005. Directeur d’une troupe de théâtre amateur (Troupe Montserrat) depuis 2000. Écriture pour le théâtre, notamment une pièce à l’occasion du centenaire de Mont-Laurier en 1985 (Les Grands d’ici), une autre à l’occasion du 150e anniversaire du soulèvement des Patriotes (Le demi-Lys...et le Lion) en 1987 (prix du public lors du festival de théâtre amateur de Sherbrooke en 1988 et 2e prix au festival canadien de théâtre d’Halifax la même année). En préparation, une pièce sur Louis Riel (La dernière Nuit de Louis Riel). Membre fondateur de la Société d’histoire et de généalogie des Hautes-Laurentides. Retraité de l’enseignement depuis 2005.





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5 commentaires

  • Marcel Haché Répondre

    5 janvier 2014

    Celui et celle que nommez, Moreau et Frulla Hébert, ont cette forme d’intelligence politique qui n’allume qu’à la partisannerie. C’est de ne pas avoir cette forme d’intelligence qui faisait de Charest un si redoutable « debater ». Le fait de ne pas être un partisan aveugle lui permettait, en effet, de fabuleux sommets de partisannerie, lorsqu’il s’y appliquait, des sommets inaccessibles aux 2 watts que vous nommez. Je puis me tromper, bien sûr, mais nous pourrions voir bientôt à l’A.N. un chef libéral du même calibre que celui et celle que vous nommez…
    Le P.Q. compte lui aussi ses Moreau et ses Frulla Hébert. Je me garderai bien de les nommer. J’ai bien le droit de me garder une p’tite gêne…comme un brin de partisannerie.

  • Gilles Ouimet Répondre

    4 janvier 2014

    Loin de moi l'intention de minimiser le rôle d'éveilleur joué par le R.I.N. dans la grande marche de l'affirmation du Québec à l'aube de 1960 ni de nier la contribution exceptionnelle apportée par ce grand tribun que fut Pierre Bourgault. Néanmoins, c'est le PLQ de l'époque qui amorcé, si le mot présidé déplaît, ce début de commencement d'une libération qui menace toujours de ne pas arriver. Le but de mon propos était d'abord de montrer le contraste qui existe entre le PLQ des années soixante et cette caricature de parti qui nous afflige présentement.
    Pour ce qui est de la citation de madame Frulla, elle a effectivement dit cela textuellement quand elle fut appelée à commenter la conversion pour le moins étrange de Maria Mourani.

  • Archives de Vigile Répondre

    4 janvier 2014

    Vous avez écrit "ce parti, qui a présidé à un éveil fondateur et libérateur pour le Québec,".
    Vous nagez dans l'erreur. Le parti qui a présidé comme vous le dite à un éveil fondateur (libérateur, c'est à venir) pour le Québec, c'est plutôt le RIN*. Si les troupes de Bourgault, en 1967, n'avait pas accompagné le général De Gaule de Québec à Montréal, celui ci n'aurait jamais crier "Vive le Québec" libre!" du balcon de l'hôtel de ville de Montréal, et... Est-ce que René Lévesque aurait fondé le MSA (Mouvement souveraineté association) ancêtre du P. q.? - peu après? On peut en douter... Le RIN fut à la base de la fondation même du Parti-Québécois et du mouvement indépendantiste.
    D'autre part, je doute fort que Mme Frula ait dit "on est bien à Ottawa" ou peut-être qu'elle l'a dit en parlant de la température. En tant que vraie fédéraliste, elle aurait plutôt dit "on est bien au Canada". Je ne comprend pas d'ailleurs le sens de votre citation. Harper aurait déjà dit "Le Québec est un pays dans un pays". Pas mal plus intéressant, non?
    * RIN Rassemblement pour l'indépendance du Québec

  • Archives de Vigile Répondre

    4 janvier 2014


    Il y a le PLC fédéral et le PLC(q) se disant provincial.
    Ce qui fait de moins en moins de sens...
    Les deux se confondent de plus en plus, servent le bien commun de qui? les intérêts supérieurs de qui ?
    Quand j’écoute et regarde agir les libéraux du PLC(q) je me dits qu’ils ont Mesmer dans leur équipe . Ils se font diriger vers la fosse aux lions avec le sourire. Pauvres petits eux, ça fait mal de voir ce sourire niais sur des visages d'adultes suppossément instruits.
    Chaque conférece de presse des libéraux, le même décorum, même mise en scène : le drapeau rouge les sourires niais, petit hochement de la tête de haut en bas

  • Ouhgo (Hugues) St-Pierre Répondre

    3 janvier 2014

    "...de voir ce parti où l’on retrouve sûrement des défenseurs sincères du Québec se comporter en sous-traitant voué à l’euthanasie du Québec..."
    "L'euthanasie du Québec" est utilisé pour la première fois, que je sache, en signifiant le dessein d'Ottawa sur notre nation. Ça pourrait sonner "victime" si on garde à l'idée la combativité de ce peuple, du moins de ses ancêtres. Si on considère le pouvoir centralisé de ce Canada ainsi que le tempérament vindicatif de son actuel premier ministre, il faut bien se rendre à l'évidence qu'une bonne nuit, il pourrait sortir sa seringue létale et nous faire passer de vie à trépas, à moins que d'un seul mouvement, les Québécois se rebiffent et sautent par la fenêtre de cette bauge où l'on nous maintient en otage par la fourberie lors de nos consultations populaires.