Économie

Aux États-Unis, ça y est, c’est l’enfer !

Et pendant ce temps, le Québec affiche une insolente bonne santé...

Chronique de Richard Le Hir

Depuis déjà plusieurs mois, les signes s’accumulent d’une grave détérioration de la situation financière des États-Unis. Mais on avait beau savoir que le ciel s’apprêtait à lui tomber sur la tête, restait à voir autrement que par les statistiques froides sous quelle forme ça se présenterait, car il faut savoir que les Américains font tout ce qu’ils peuvent pour masquer l’ampleur de la catastrophe, tant dans un effort louable de ne pas amplifier la situation, que dans le désir beaucoup moins louable d’en retarder les effets sur eux en continuant de profiter le plus longtemps possible des conditions de crédit avantageuses que leur conférait jusqu’à maintenant leur statut de première puissance mondiale.
Mais vient un moment où il n’est plus possible de donner le change. Quelques jours avant Noël, dans l’indifférence générale aux choses sérieuses qui précède toujours le temps des Fêtes, la célèbre émission d’information « 60 minutes » du réseau CBS diffusait un reportage sur l’imminence de la prochaine crise.
Si votre compréhension de l’anglais est bonne et que vous ne l’avez pas déjà vu, je vous suggère fortement de le regarder. Vous constaterez qu’à côté des problèmes des états américains et du gouvernement des États-Unis, ceux du Québec (cote AA2 Moody’s) sont de la bien petite bière. Aujourd’hui, en Illinois, les fonctionnaires ne reçoivent plus leur salaire et se trouvent à financer involontairement l’état. Imaginez un instant quelle serait la situation chez nous si nous étions confrontés à la même réalité !
En effet, aujourd’hui, dans un article repris largement par plusieurs médias, le New York Times nous apprend que l’état de l’Illinois est dans une situation financière si catastrophique qu’il envisage le plus sérieusement du monde des coupures allant jusqu’à 26 % dans des services jugés jusqu’ici essentiels, et une augmentation de 75 % (oui, vous avez bien lu) de l’impôt sur le revenu des particuliers pour se sortir de son mauvais pas. Pensez-y un instant ! Vous habiteriez Chicago, et vous devriez tout à coup faire face à une augmentation de 75 % de votre impôt sur le revenu sans que votre revenu n’augmente d’un seul sous.
Et en dépit de cette augmentation, vous assisteriez autour de vous à une avalanche de coupures de services, de coupures de salaires, de coupures de prestations de toutes sortes. Dans la mire également, les fonds de pension des employés du secteur public. Et ce n’est que le début, « Nous n’avons encore rien vu », nous annoncent les observateurs informés.
Les mauvaises nouvelles vont tomber en cascades les unes après les autres d’ici à la fin de l’année. Un million d’emplois seraient ainsi abolis dans le secteur public aux États-Unis au cours de cette période. Pour l’instant personne ne pose la question de savoir s’il est possible d’encaisser une telle dégelée sans troubles sociaux majeurs, mais pour reprendre justement une expression populaire américaine, « C’est le gorille de huit cents livres dans la pièce ».
Et toujours si vous habitiez les États-Unis, votre situation ne serait guère meilleure dans la plupart des états et des grandes villes des États-Unis. La cote de crédit de la Californie avoisine le niveau des obligations de pacotille (aussi appelées obligations pourries), et de 50 à 100 états et grandes villes des États-Unis sont sur le point de ne plus être capables d’honorer leurs engagements financiers. La situation est si grave que les États-Unis pourraient mettre jusqu’à dix ans pour retrouver le chemin de la croissance. Quand on y pense, c’est à peu près le temps qu’a mis la Russie pour commencer à se relever de l’effondrement du système soviétique.
Conséquence, dans un revirement de fortune éberluant tant par son ampleur que par sa portée, la plupart des économistes de renom sur la scène internationale annoncent la fin de l’hégémonie américaine et à la montée en puissance de la Chine qui parviendra à se hisser durablement à la première place dès la fin de la présente décennie. Et dire que, du temps où j’allais à l’école, l’Oeuvre de la Ste-Enfance organisait des collectes pour les « p’tits Chinois». Bientôt ils pourront nous acheter et nous revendre à crédit.
Parallèlement, en poursuivant tranquillement son petit bonhomme de chemin, avec ses politiques bien à lui et son modèle inorthodoxe à tous égards, le Québec est parvenu à se ménager une place au rang des pays où il fait le mieux vivre. Encore vendredi dernier, je me réjouissais de sa performance spectaculaire au chapitre de la création d’emploi. Après avoir écrit mon article, j’ai été gagné par le doute : « Et si ces chiffres incroyables étaient dus à une erreur d’échantillonnage », me suis-je dit.
Mais ce matin, plus de doute possible. Les chiffres de l’emploi sont confirmés par deux autres bonnes nouvelles : un bond de 20,5 % dans la valeur des permis de construire émis au Québec en novembre (14,9% dans le secteur résidentiel pour un total 776M $, alors que dans le secteur non résidentiel, l'augmentation est de 29,2% à 553,9M $), une performance qui surpasse largement celle du Canada dans son ensemble qui enregistre une baisse de 11,2 % pour le même mois ; et puis, signe que tout ça est solide, une diminution année sur année du nombre des saisies hypothécaires au Québec de 6,5 % alors que la diminution pour les deux derniers mois atteint les 35 %.
Vraiment, le Québec affiche dans tout ce contexte une insolente bonne santé qui nous permet d’entretenir les plus grands espoirs. Je le dis et le répète, jamais la conjoncture...


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6 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    12 janvier 2011

    Ce texte de M. Le Hir donne froid dans le dos.
    Soyons prudents et vigilants parce qu'une bête blessée peut être très dangereuse. Qui nous dit que pour se tirer d'affaire, les américains ne se tourneront pas vers le Québec. Un exemple : le dossier Électrolux n'est sans doute que la pointe de l'iceberg. Nos richesses naturelles sont variées (eau et électricité, diamant, uranium, schiste, etc... et ils pourraient très bien avoir des visées impérialistes sur le Québec. La CIA est certainement toujours à l'oeuvre au Québec : déstabiliser, désinformer, provoquer, suggérer, etc...
    Ne soyons pas naïfs.

  • Archives de Vigile Répondre

    11 janvier 2011

    J'ai vu après Noël, ce qui devrait être une pièce d'anthologie datant de 1995 : The Money Masters.
    http://video.google.com/videoplay?docid=-515319560256183936

  • Stefan Allinger Répondre

    11 janvier 2011

    Sans tomber dans l'hystérie, il y a des signaux très inquiétants aux É-U concernant leur économie.
    Il faut ce rappeler que ce pays repose essentiellement sur une économie de guerre avec des hommes d'affaires juste derrière les soldats. Dans plusieurs pays, on a excercer des stratégies douteuse pour s'accaparer une partie des ressources. Ce modèle est le pain et le beurre de biens des américains et aujourd'hui il est très difficile d'imaginer une autre façon de développer son économie. Lorsqu'on a si longtemps agi d'une façon en obtenant du succès il doit être difficile de renouveller sa façon de faire. Être la première puisssance économique sentir le tapis glisser sous nos pieds, sans être capable de réagir adéquatement, ça doit être très frustrant et fâchant.
    J'écoutais l'autre jour un analyste économique américain expliquer la prochaine crise financière à l'horizon et j'ai trouver cela très intéressant. Après la crise immobilière résidentielle, s'en vient la crise immobilière commerciale. En résumé, plusieurs gros centres d'achats ont été contruits juste avant le début de la présente crise avec l'aide de prêts hypothécaires consentis par les banques à des promoteurs immobiliers. Les baux pour occuper un espace dans ces centres sont généralement de cinq ans. Les américains achètent moins et les commerçants ont peine a payer leur loyer lorsqu'ils ne ferment tout simplement pas les portes. Ceci entraîne des taux d'inoccupation élevé et une pression à la baisse sur les loyers. En conséquence, les promoteurs ont de la difficulté a rembourser leur hypothèque aux banques puisque leur centre commerciales est parfois vacant.
    Semblerait que des millions de dollars ont été prêtés de cette façon et les échances arrivent en 2011 et 2012. Les banques feront face à une autre crise de liquidité aussi importante que la précédente. L'analyste est alarmiste et constate que la leçon n'a pas été apprise la première fois. On continue de gérer les affaires comme avant.
    Comme disait l'homme qui tombait en chute libre d'un édifice de plusieurs étages dans le film « La haine » : Jusqu'ici tout va bien!
    Tant qu'on a pas encore toucher au sol, tout va bien.
    Stefan Allinger

  • Archives de Vigile Répondre

    10 janvier 2011

    Je trouve quand même bizarre que la population ne semble pas connaître la valeur de l’argent, c’est –à-dire rien, zéro, nada. Tout le système bancaire est une vaste arnaque au profit, bien sûr des banquiers. Jamais les pays endettés ne pourront rembourser leurs dettes, c’est mathématiquement impossible. On s’endette pour payer la dette. Aux USA, c’est monstrueux.
    À la fin de la guerre du ViêtNam, j’avais dit à quelques personnes que les USA ne se feraient jamais battre militairement, ils vivraient l’implosion, ça viendrait de l’intérieur. C’est maintenant en voie de se faire. Les tueries de la fin de semaine n’en sont que le début.
    Le système bancaire qu’on appelle aussi l’argent-dette, est à la veille de s’écrouler. Il y a quelques années j’avais été extrêmement surpris d’apercevoir sur les billets de banque américains que ce billet représentait une dette. Si vous avez sous la main un billet de banque américain, regardez dans le haut vous verrez cette mention. Au début des banques, le banquier devait garder en or, dans son coffre, l’équivalent des billets imprimés émis dans le public. Aujourd’hui c’est zéro. Votre argent ne vaut absolument rien. Récemment en France, un homme a tenté de convaincre ses concitoyens de retirer tous ensemble leur argent de la banque. Les gens n’ont pas suivis mais les banques ont eu chaud car si un grand nombre de déposants avaient retiré leurs avoirs, la banque faisait immédiatement faillite. Si tout le monde payait ses dettes, le système s’effondrerait. Je sais que ce n’est pas facile à croire mais tout le système capitaliste actuel est basé sur la dette. Il est alors compréhensible qu’à un certain moment plus rien ne va et je disais récemment que quand le peuple américain va réaliser comment il s’est fait avoir de son oligarchie, ça va sauter. Voilà, c’est déjà commencé.
    Ivan Parent

  • Serge Gingras Répondre

    10 janvier 2011

    Après le Krach de 1929, le président des USA s'est acharné à jetter de l'eau dans un puit sans fond. Mauvaises mesures et mauvaises décisions se sont succédées. On ne voulait pas voir la réalité en face. La réalité était que Wall Street était directement responsable du chaos perpétuel par son indifférence aux malheurs qu'elle causait.
    Arrive FDR, un gars de la gang, qui connaissait et méprisait, en connaissance de cause, le millieu, contrairement à Obama et Bill Clinton qui vénéraient ces monstres d'orgueil. Et que fait FDR? Il leur fait un noeud qui étouffe raide toutes les manoeuvres antisociales si chers à ces messieurs. Désormais, Wall Street devrait se conduire en citoyen responsable et respectueux. Fini les folies!
    On a traité FDR de communiste. On a voulu le renverser, manu militari. Mais il a tenu bon, ses successeurs aussi. Ses décisions intelligentes, courageuses ont permis d'éviter des crises semblables à ce que nous connaissons depuis les interventions des Reagan, W. Bush et Bill Clinton qui ont fait les quatre volontés de Wall Street, ce qui nous a conduit là où nous sommes.
    Pour commencer, un travail de sape avec Reagan, suivi, en allant crecendo avec Bush, vers le désastre annoncé et prévu par l'Histoire, pour finir avec Clinton qui a fait sauter le dernier barage qui nous protégeait de ces fous criminels de Wall Street.
    Il était prévu, prévisible que les mesures prisent par W. Bush et Obama ne seraient que cataplasme sur jambe de bois. Ce qui s'impose, c'est une série de mesures identiques à ce que FDR avait imposée à ces Messieurs et qui avaient fait leurs preuves depuis leur imposition. On les a fait sautées, ça nous a sauté en pleine face, comme prévu.
    Malgré ses prétentions, sa soi disant admiration pour l'homme FDR, Barak Obama n'est pas FDR. Loin s'en faut.
    Les solutions sont connues, la volonté politique absente, les maux, toujours présents. Je ne crois pas qu'il soit trop tard pour agir, mais plus on tarde, plus on s'enfonce. Comme disait le poète, il y a péril en la demeure.

  • Pierre Grandchamp Répondre

    10 janvier 2011

    En novembre dernier, Paul Krugman, le réputé chroniqueur du New York Times et Prix Nobel d’économie, pourtant peu porté sur le sensationnalisme, titrait sa chronique « There will be blood », en parlant de ce que s’apprêtaient à connaître les États-Unis.
    http://www.nytimes.com/2010/11/22/opinion/22krugman.html?_r=2&nl=todaysheadlines&emc=a212
    Il est dommage, au Québec, que Charest n'ait pas récupéré plus tôt le 1% de la TPS évacué par Harper.Pis que, il ait baissé les impôts, quand il a reçu "le paquet" du déséquilibre fiscal...
    En conclusion, j'espère que ce qui arrive au Sud va ouvrir les yeux de certains. Je suis d'accord avec l'atteinte du déficit zéro pour 2013-2014.Parce que, après, il faudra s'attaquer à la dette.
    Comme l'écrit M. Noel, haro sur "le myhe d'un Québec pauvre"!