Autopsie

Comment saborder un parti qui a reçu un million de votes et compte 50 000 membres, n'est-ce pas? Fin de la discussion.

Recomposition politique au Québec - 2011



Un des exercices les plus difficiles à faire en politique est l'autopsie d'une défaite. La thèse de l'«accident de parcours» attribuable à un irrépressible «désir de changement», qui finira bien par passer, est toujours rassurante et tellement moins exigeante.
Les conséquences du déni sont pourtant bien connues. En 2003, le PQ n'a pas voulu faire d'autopsie, préférant croire que le gouvernement Charest ne survivrait pas à son projet de «réingénierie» de l'État. La «saison des idées» a plutôt pris l'allure d'une fuite en avant, avec le résultat que le parti a frôlé la catastrophe aux élections du printemps 2007.
Qui plus est, les lendemains de défaite favorisent rarement la sérénité, comme en témoigne la sortie de l'ex-député bloquiste Michel Guimond contre son collègue Pierre Paquette, auquel il a reproché de se lancer dans la course à la succession de Gilles Duceppe alors que son «cadavre» était encore frais.
La vice-présidente du Bloc, Viviane Barbot, qui devra assumer l'intérim, aura bien du mal à maintenir la discipline qui était devenue la marque de commerce du Bloc sous la férule de Lucien Bouchard et de Gilles Duceppe.
Dans un texte publié dans les journaux d'hier, Daniel Paillé écrivait qu'après la dégelée du 2 mai, il fallait tout mettre sur la table, y compris la pertinence de maintenir un parti fédéraliste à Ottawa.
L'avantage indéniable que peut constituer l'occupation du territoire compense-t-il l'inconvénient d'offrir aux Québécois une «police d'assurance» qui rend le fédéralisme plus acceptable? La question devrait à tout le moins être posée. Tout le monde semble tenir pour acquis que le NPD va se casser la figure, victime de ses contradictions, mais les Québécois reviendraient-ils au Bloc pour autant?
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De toute évidence, le débat ne durera pas longtemps. Tout en se défendant de vouloir décider pour ceux qui resteront, M. Duceppe n'a pas moins tracé en conférence de presse un sillon dont il sera maintenant bien difficile de sortir. Comment saborder un parti qui a reçu un million de votes et compte 50 000 membres, n'est-ce pas? Fin de la discussion.
Dans son texte, M. Paillé affirme que «ce coup de poing a été asséné à tout le mouvement souverainiste». Au même moment, le député péquiste de Marie-Victorin, Bernard Drainville, écrivait que «rien n'indique que les Québécois aient voulu sanctionner le projet souverainiste en soi». Autrement dit, le mouvement aurait pris une claque, mais pas son projet. Voilà un sophisme qui mériterait une réflexion plus approfondie.
Autre lièvre levé par M. Paillé: «S'il veut être au service de la souveraineté, le Bloc doit-il aussi résolument toujours choisir la gauche?» Tout le monde sait que M. Paillé, dont la candidature dans Hochelaga avait étonné tout le monde, n'a rien d'un marxiste-léniniste, mais un parti qui se veut une coalition a des chances de ratisser plus large en se situant au centre.
Là encore, M. Duceppe n'en voit pas la nécessité. Le Bloc a les «mêmes balises» qu'en 1993, avec lesquelles il a remporté six victoires consécutives, a-t-il expliqué. Manifestement, les députés qui ont pressé leurs collègues de se rallier à la candidature de Pierre Paquette sont également d'avis que l'alignement est le bon. Finalement, Einstein doit avoir tort: on peut très bien se comporter de la même manière et s'attendre à un résultat différent.
Certes, le NPD est aussi un parti de gauche, mais on ne peut pas dire à la fois que les Québécois ont simplement voté pour le sourire de Jack Layton et y voir un parti pris résolument progressiste.
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Dans l'immédiat, les quatre rescapés du 2 mai posent un problème: à la Chambre des communes, ils seront une quantité négligeable, dont les autres partis affecteront d'ignorer l'existence même. On ne peut pourtant pas les abandonner à leur triste sort.
D'ailleurs, d'ici à ce que le PQ prenne le pouvoir, si cela se produit, la somme de 1,8 million que l'État fédéral continuera à verser au Bloc sera grandement appréciée. Il y a longtemps que les deux partis pratiquent une gestion commune des ressources.
Même si le Bloc est maintenu artificiellement en vie, le PQ risque de se retrouver avec plusieurs chômeurs sur les bras. Jusqu'à présent, le nombre d'anciens députés bloquistes qui ont tenté leur chance sur la scène provinciale a été assez limité, mais les candidats pourraient maintenant être plus nombreux, avec tout ce que cela comporte d'inconvénients.
Les meilleures circonscriptions sont déjà occupées et la perspective d'un retour au pouvoir ne favorise pas les départs à la retraite. Dans les autres circonscriptions considérées comme «prenables» par le PQ, Pauline Marois a certainement d'autres candidats en vue. Hier, M. Duceppe a répondu par une boutade quand on lui a demandé si la chose pouvait l'intéresser. Mme Marois ne serait sans doute pas très enthousiaste de le voir débarquer, mais comment pourrait-elle s'y opposer?
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mdavid@ledevoir.com


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