Au pays des «impophiles»

Sortie de crise



Résumons. Nous assistons à une mobilisation pour renverser le gouvernement Charest et l'empêcher de réduire les impôts des Québécois. C'est, en soi, une situation parfaitement surréaliste. Les Québécois sont-ils vraiment tombés sur la tête?
Si le psychodrame qui se déroule à l'Assemblée nationale ne trouve pas de solution, si les trois partis ne retrouvent pas le chemin de la raison, et qu'on se retrouve en élections sur le rejet du budget de Monique Jérome-Forget, on pourra dire que les Québécois ne forment pas une nation, mais qu'ils constitueront plutôt une nouvelle race sur la planète.
Une race qui se bat pour maintenir son fardeau fiscal et qui donne un sens tout à fait nouveau au concept de paradis fiscal. Les Québécois seraient donc des "impophiles", une forme de déviance économique, qui mène à aimer les impôts élevés!
Mais les Québécois sont-ils impophiles? Le PQ et l'ADQ, en s'opposant au budget libéral, reflètent-ils en cela la volonté de la population? Il est difficile de décoder le message précis qu'ont envoyé les électeurs le 26 mars dernier. Mais un sondage montrerait sans doute que l'appui aux baisses d'impôt du gouvernement Charest n'est pas très élevé.
Il y a de l'impophilie au Québec. Et il faut regarder d'où elle vient. Elle s'explique tout d'abord par le fait que 42% des contribuables québécois ne paient pas d'impôt sur le revenu. En partant, 42% des électeurs n'ont aucune raison d'appuyer une mesure qui ne leur profite pas et préféreraient certainement que cet argent soit affecté à des programmes dont ils peuvent profiter. Ils voteront donc pour que les autres continuent à payer!
Ajoutez ceux qui profiteraient du fait que cet argent serve plutôt à développer les services publics, à commencer par les employés de l'État. Sans oublier toute la famille de gauche, groupes populaires et syndicaux, sociaux du PQ, solidaires qui, pour des raisons idéologiques, s'opposent aux baisses d'impôt. Ça fait du monde. L'ADQ, en se joignant au mouvement pour une autre raison, l'importance de réduire la dette, fournit à ses improbables alliés un argument de plus à leur croisade.
Cette opposition aux baisses d'impôt épouse les mêmes contours et la même dynamique que les mouvements qui, depuis vingt ans, ont bloqué le Québec et perpétué l'immobilisme. C'est essentiellement une nouvelle manifestation de la puissance des forces du statu quo qui ont combattu le changement avec succès et contribué à notre relative stagnation. On le voit d'ailleurs à la nature des arguments indignés que l'on invoque depuis jeudi pour dénoncer le projet libéral.
C'est le cas de l'espèce de moralisme gauchisant, que Mario Dumont reprend sur le mode du populisme de droite, et qui consiste à s'indigner du fait que les baisses d'impôt promises dans le budget profiteront aux riches. On oublie commodément que les pauvres ne paient déjà plus d'impôt, que les classes moyennes, ce n'est pas seulement les familles qui gagnent entre 25000$ et 50000$, et surtout, qu'il est un peu normal que les baisses d'impôt profitent aussi à ceux qui en paient beaucoup.
C'est également le cas de la façon dont s'expriment les inquiétudes sur la dette.
Dans le cas des programmes sociaux, la plupart des Québécois commencent à accepter l'idée que la meilleure façon d'être solidaires, c'est de créer la richesse qui permettra de la redistribution. La même logique devrait s'appliquer à nos obligations de solidarité intergénérationnelle. La meilleure façon de réduire le fardeau de nos enfants, c'est le progrès économique et la création de richesse. Mais ce pas n'a pas encore été franchi, et l'opposition dette-impôt, quand elle est formulée de façon simpliste, est foncièrement statique.
On aurait pu croire que les résultats des élections du 26 mars, avec un gouvernement libéral minoritaire et une opposition adéquiste, aurait permis une dynamique nouvelle et aidé le Québec à lutter contre la paralysie. Que le fait que les deux tiers des Québécois aient voté pour des partis à la droite du centre permettrait des déblocages qui jusqu'ici n'étaient pas possibles. Mais c'est le contraire qui s'est produit. Et l'ADQ, en choisissant de jouer de façon rigide son rôle d'opposition, en est largement responsable.
Et le résultat est là. Si le cirque de l'Assemblée nationale mène à un renversement du gouvernement Charest et force des élections, le Québec risque le recul. On enverra un message effroyable, ici et ailleurs, on encouragera les forces de résistance au changement et on compromettra la capacité du Québec, peu importe qui le dirigera, de retrouver le chemin de la véritable croissance.


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