Au locataire de l'Élysée

Tribune libre 2008



Monsieur le Président,


La « presque reine du Canada » vous a convié, il y a quelques jours, à vous préoccuper de « l'ensemble des communautés francophones à travers le Canada ». Il s'agissait peut-être de sa part d'un appel à l'aide de la France en faveur de ces communautés dont plusieurs sont en voie d'extinction accélérée. Elle aurait pu vous raconter certains moments dramatiques vécus par ces Canadiens, tenus pour des « étrangers indésirables » dans le pays de leurs ancêtres.

La phase dramatique de ces temps d'épreuves est lancée par un homme politique fort populaire, dauphin du premier ministre fédéral, et auquel on avait offert par deux fois le poste de ministre de la Justice du gouvernement fédéral. Irlandais protestant de naissance, et Canadien d'adoption, D'Alton McCarthy s'intéresse alors à des théories qui mettent en valeur les caractéristiques naturelles de certains groupements humains : les anglo-saxons, les teutons, les aryens. Le rêve ultime de cet avant-gardiste de la pureté est de transformer sa terre d'accueil en un pays blanc, anglo-saxon, protestant et britannique. Et, pour y parvenir, il préconise d'éliminer tous les Français enracinés, à l'ouest du Canada. Par des moyens légaux, si possible, en abrogeant les lois protégeant l'usage du français et le maintien des écoles canadiennes françaises. Sinon, par la force!

Dans un discours prononcé à Strayer, en Ontario, le 12 juillet 1889, cet exalté de la race lance son premier cri d'attaque contre les habitants de son pays d'accueil.


(...) Le temps est maintenant venu pour le peuple de décider cette grande question, au moyen de son bulletin de vote; si ce moyen ne remédie pas au mal, pendant la génération actuelle, la prochaine y remédiera par la baïonnette.
(Source : Histoire populaire du Québec - 1841 à 1896, tome 3, p. 441, Jacques Lacoursière, éd. Septentrion. )


Cette déclaration odieuse a été rapportée par la majorité des journaux du Canada. Personne ne s'est levé pour exprimer quelqu'indignation à l'endroit du projet scandaleux de ce nouveau Canadien. Et depuis cette date, les Français de l'Ouest ont été l'objet d'un plan concerté visant expressément leur extinction.

Par contre, un politicien, libéral celui-là, et ami idéologique du précédent, a proféré des discours outrageants à l'endroit de toute la population française du Canada. En effet, le 12 février 1890, le député John Charlton prononce devant la Chambre des communes un discours d'appui à un projet de loi de D'Alton McCarthy visant à éliminer le caractère bilingue de l'Ouest canadien :


(...) J'espère que les députés français nous pardonneront - si toutefois ils jugent nécessaire de pardonner - ce sentiment qu'ils ne peuvent partager, mais que les députés anglais de cette Chambre éprouvent un sentiment d'orgueil qu'inspire l'histoire de l'Empire britannique ; sentiment qui leur fait éprouver du plaisir à contempler le résultat de la bataille des Plaines d'Abraham; sentiment qui les porte à se réjouir des résultats des batailles du Nil et de Trafalgar, ainsi que du progrès de l'Empire britannique, et qui leur inspire la croyance que les institutions anglaises sont les plus propres à donner au genre humain la prospérité et le bien-être. J'espère, monsieur l'orateur, qu'ils nous pardonneront d'avoir pour but avoué de faire de ce pays un pays saxon. Le but avoué de l'Anglo-Saxon est de faire de sa race la plus grande race de la terre, et l'espoir de l'Anglo-Saxon est que le jour viendra, et il viendra avant que plusieurs décennies ne s'écoulent où la langue anglaise sera le moyen ordinaire de communication entre toutes les races de la terre, et que la race anglaise sera la race dominante du monde, de manière que l'Anglo-Saxon accomplira la destinée que Dieu lui a évidemment assignée sur cette terre.
(Source : Histoire populaire du Québec - 1841 à 1896, tome 3, p. 447, Jacques Lacoursière, éd. Septentrion. )


Depuis cette date, de nombreuses lois à contenu racial ont été adoptées par les parlements des provinces dans le but explicite d'assimiler et de dénationaliser les Français enracinés à l'ouest de la province de Québec. Des lois « réparatrices » n'ont été adoptées que soixante ans plus tard, et ce, à la suite de plusieurs décisions judiciaires.

La « presque reine du Canada » a probablement raison de profiter des fêtes du 400e pour attirer l'attention de la France sur le sort peu enviable de certaines communautés françaises en Amérique du Nord. Quant à son ambition de « faire du Canada une authentique nation », elle est peut-être prématurée...

Comment peut-on avoir idée de créer une véritable nation avec un groupe d'individus qui n'a jamais songé sérieusement à renoncer au mythe de sa suprématie?


Respectueusement.


Marie Mance Vallée

c.c. Le Figaro














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2 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    15 mai 2008

    Il est dans la logique de l'ordre marchand que la France passe d'un grand Général à un petit caporal: http://www.vigile.net/Les-pions-Sarkosy-et-Charest
    JCPomerleau

  • Archives de Vigile Répondre

    14 mai 2008

    J'aime beaucoup le titre de votre article: il ramène à sa vraie réalité la situation de ce vaniteux et présomptueux personnage. Quand les français se rendront collectivement compte qu'il les a leurrés pour satisfaire ses ambitions, il est assuré qu'ils casseront son bail et renverront à ses affaires ce petit monsieur, qui jouait au président, l'obligeant dès lors à consultrer à nouveau son maître à penser en matière de stratégie, le grand prestidigitateur de la finance et de la combine politique, l'apôtre Paul du Canada! Il lui faudra marcher à nouveau en sa compagnie dans la forêt de Sagard et Dieu seul sait combien de temps durera la consultation cette fois-ci, car la prochaine fois, il est certain que les français le verront venir avec ses gros sabots!