On permettra au professeur que je suis de revenir sur les complaintes des étudiants qui échouent au test de français exigé pour devenir enseignant.
Je le dis sans détour: je n’ai aucune sympathie pour leurs jérémiades.
Le test n’est pas difficile et la plupart des candidats le réussissent du premier coup.
Nous faire pleurer en laissant entendre qu’on brise leur rêve est aussi manipulateur que de nous le dire parce qu’on refuse d’enlever un signe religieux pendant les heures de travail.
Dans les deux cas, les règles sont connues d’avance.
Non!
Nous faisons tous des fautes, moi y compris. Mais cet examen n’exige pas la perfection, il exige un niveau de maîtrise adéquat de la langue.
Pourquoi? Parce que ces candidats aspirent à être professeurs, pas mécaniciens, électriciens ou kinésiologues.
Feriez-vous confiance à un professionnel qui aurait échoué aux tests exigés par les autorités de son domaine?
Pourquoi diable ce serait différent dans le cas des enseignants?
Honnêtement, si j’échouais au test à de nombreuses reprises, comme nombre de candidats, je me demanderais: suis-je fait pour ce métier?
Je suis même d’avis qu’il faudrait limiter le nombre de chances auxquelles vous avez droit.
On envisage toujours de baisser la barre dès qu’il est question de parler et d’écrire, jamais quand il est question de savoir calculer.
C’est devenu un véritable réflexe chez nous: tu échoues à l’examen, c’est la faute de l’examen.
Notre devise nationale ne devrait pas être: Je me souviens. On ne se souvient de rien chez nous.
Elle devrait être: Je ne suis jamais responsable.
Tout a été dit par ailleurs sur la faible qualité moyenne des étudiants dans les facultés d’éducation.
On concédera cependant aux plaignants qu’ils ont compris comment le système fonctionne: alertez les médias, posez-vous en victime, et faites semblant de ne pas voir tous les candidats qui ont réussi et dont on ne parle jamais.
La pénurie de main-d’œuvre devenait, dans ce contexte, un argument sur un plateau d’argent, mobilisé également dans un tas d’autres domaines pour abaisser les exigences.
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Paix
Un aspect, me semble-t-il, a été négligé dans cette discussion.
Si ces aspirants au métier de prof sont si secoués par leur échec, c’est aussi parce que, pour bon nombre d’entre eux, il s’agit du premier vrai mur qu’ils frappent.
Le redoublement, on le sait, n’existe pratiquement plus. Ce que l’on sait moins, c’est l’inflation généralisée des notes, un phénomène bien documenté.
Jadis, j’étais très content quand je décrochais un A. Aujourd’hui, le A est banal.
Jadis, il n’était pas rare, à l’université, que des étudiants échouent même s’ils avaient remis tous leurs travaux et fait tous les examens.
Aujourd’hui, la note de passage est pratiquement garantie si tous les travaux ont été remis.
Pourquoi? Parce que les professeurs achètent la paix et se protègent contre d’éventuelles contestations.
Ça donne ce que ça donne.