Ambiguïtés adéquistes

Climat politique au Québec

L'Action démocratique du Québec subit l'épreuve du temps avec succès. Six mois après être devenue l'opposition officielle à l'Assemblée nationale, sa popularité se maintient. Advenant des élections, elle serait probablement appelée à former le prochain gouvernement. Est-elle prête à assumer le pouvoir? La réponse est: pas encore.
Le conseil général que tenait le week-end dernier cette formation politique est venu illustrer l'erre d'aller qui la propulse. Elle attire des orateurs qui, voilà deux ans, auraient refusé de rencontrer des adéquistes. Elle attire aussi des militants en nombre. Cette fin de semaine, ils étaient 500 à débattre d'un plan vert qui non seulement tient la route, mais manifeste par ailleurs leur capacité à se doter de politiques articulées.
La croissance accélérée que vit l'ADQ, tout impressionnante soit-elle, ne doit pas nous faire oublier qu'elle est toujours en mode rattrapage. Elle ne s'est pas encore débarrassée de ses habits de tiers parti. Elle porte toujours les stigmates de la cuisante défaite de 2003. De cette époque, elle traîne de vieilles dettes qui l'accablent. Elle garde un programme squelettique dont les idées n'ont pu être approfondies faute de ressources humaines et financières. Heureusement pour elle, le talent de son chef, Mario Dumont, arrivait en campagne électorale à occulter ces faiblesses.
Cette rencontre de la fin de semaine a permis de constater que ce parti est au travail. La politique sur l'environnement adoptée n'a rien à envier à celles des adversaires. De façon attendue, les militants ont joint leur voix au consensus qui réunit tous les partis politiques québécois autour du respect des cibles de réduction des gaz à effet de serre prévues à l'accord de Kyoto. Plus inattendues sont par contre les résolutions qui pressent le gouvernement d'agir en matière d'inspection des véhicules d'occasion et en ce qui a trait aux programmes d'efficacité énergétique d'Hydro-Québec que l'on veut multiplier par deux. Dans un cas comme dans l'autre, Québec a toujours été réticent à ces mesures. Le message prône l'action.
L'ADQ acquiert apparemment de la maturité, mais pas tant que ça. Ce parti reste la chose de Mario Dumont. On l'a vu dimanche lorsqu'il est venu atténuer le virage vert adopté par les militants, leur rappelant que l'environnement ne doit pas être un frein aux grands projets. Insistant sur la nécessité d'un «rattrapage économique», il a eu des phrases ambiguës comme: «Il ne devra pas y avoir à notre développement hydroélectrique d'autre limite que notre capacité de construire.» Lorsque viendra le temps de faire des arbitrages entre environnement et développement économique, on peut croire que, comme premier ministre, M. Dumont penchera du côté des grands projets.
Décoder avec précision la pensée du chef adéquiste est difficile, car le programme économique sur lequel il s'appuie est plus que sommaire. En campagne électorale, il parlait de modernisation du secteur manufacturier, d'allégement de la réglementation, d'investissement privé, d'économie du savoir et d'économie sociale, mais il revenait toujours à cet élément qu'il privilégie de l'exploitation des ressources hydroélectriques. Il lui faudra revoir ce discours, car le gouvernement Charest a déjà donné le mandat à Hydro-Québec de développer tout le potentiel hydroélectrique du Québec.
Maintenant qu'ils se sont donné une politique environnementale, les militants adéquistes doivent travailler sur la définition d'une politique de développement économique qui puisse se marier avec leur virage vert. Il leur faut nous dire où ils se situent. Beaucoup de travail reste à faire avant les prochaines élections. Avant de prétendre au pouvoir, comme les sondages le leur disent, il leur faut pouvoir démontrer qu'ils sont prêts à l'assumer.
bdescoteaux@ledevoir.com


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