Les agriculteurs sont en colère. Ce n'est pas nouveau puisque l'Union des producteurs agricoles (UPA) se fâche chaque fois que «son» ministre ne lui obéit pas au doigt et à l'œil. Comme ses ancêtres, l'agriculteur moderne est le citoyen le plus jaloux de son autonomie, mais, contrairement à eux, il a besoin du soutien massif des gouvernements pour vivre.
Qui sait, par exemple, que 40 % du coût de production d'un agneau du Québec est payé directement au producteur par l'Assurance stabilisation des revenus agricoles (ASRA), et 60 % seulement par le consommateur? Or, ce programme de soutien financé aux deux tiers par les contribuables et au tiers par les producteurs a accumulé un milliard de dettes, surtout à cause de l'industrie du porc. Une dette que Québec vient de transférer en totalité aux contribuables... «pour la dernière fois», promet-on, ce qui reste à voir!
Après deux rapports majeurs, dont celui de la Commission sur l'avenir de l'agriculture, en 2008, Québec a donc entrepris d'endiguer l'hémorragie, en élargissant tout de même le programme d'aide à l'ensemble des productions agricoles au lieu des seuls 17 groupes admissibles jusqu'ici.
Parmi les mesures, une en particulier soulève la colère de l'UPA. Désormais, la Financière agricole qui gère l'ASRA calculera le montant de la compensation versée aux producteurs à partir du coût moyen de production de 75 % des fermes les plus productives au lieu de toutes les fermes. Comme l'assurance comble la différence entre ce coût moyen et la valeur marchande jamais satisfaisante, l'UPA prétend que la perte de revenus causera la faillite de milliers de fermes moins productives.
De son côté, la Financière agricole qui applique cette mesure recommandée par la Commission de l'agriculture affirme qu'elle réduira le soutien d'à peine 2,60 $ sur les 180 $ par tête qui sont versés dans le cas du porc. L'an dernier, l'industrie du porc a coûté 500 des 700 millions du programme à elle seule et, grâce à des coûts de production plus bas que la moyenne dans le cas des gros producteurs, une poignée d'entre eux ont une fois de plus remporté le gros lot.
Une autre mesure choque les propriétaires de fermes industrielles, c'est la fixation d'un nombre maximum de têtes assurables. Dénoncé parce qu'il les empêchera de se développer, le plafond vise plutôt à éviter que le programme serve encore à grossir les cheptels même quand les prix dégringolent.
Cela dit, Québec a choisi de ne pas suivre les recommandations des rapports d'experts et continuera de verser 630 millions par année pour financer l'ASRA. C'est moins que l'an dernier, mais cela devrait suffire compte tenu de la hausse du prix du porc.
D'accord, l'agriculture a besoin du soutien de l'État. Mais quand le président de l'UPA menace de «paralyser le Québec» pour faire échec à une réforme essentielle à la survie même d'un programme très généreux qui sert à compenser le prix du porc très bas payé par les consommateurs japonais, rappelons-lui que les salariés qui subventionnent l'agriculture n'auront jamais, eux, la chance de léguer des actifs millionnaires à leurs enfants.
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