(Québec) Le gouvernement Charest était légitimé de recourir à une loi spéciale pour ramener le calme sur les campus. Les moyens utilisés sont cependant démesurés et outrepassent l'objectif visé. Québec tente d'éteindre un feu en en allumant d'autres.
Reprenons l'analogie du bon père de famille. Le leader étudiant Léo Bureau-Blouin invitait mercredi le premier ministre Jean Charest à se comporter comme un père de famille qui parle à ses enfants avant d'appeler la police. À cela, nous ajoutions qu'un bon père de famille doit parfois faire preuve d'autorité et sévir pour éviter que le reste de la famille pense qu'il suffit de foutre la pagaille pour obtenir ce que l'on veut. La primauté du droit, la démocratie parlementaire et le respect des institutions ne peuvent être galvaudés au nom d'une cause.
Force est de constater que la famille libérale n'a pas su doser son intervention. La loi élaborée ratisse beaucoup trop large. Sa rigidité indispose. Pour maintenir la paix et l'ordre, le gouvernement limite exagérément le droit de manifester. Il abuse de son autorité, il fait preuve d'arbitraire. La population souhaitait que Québec assure un retour en classe et l'apaisement des tensions sur les campus et dans les rues. Et non qu'il s'attaque à des droits fondamentaux, comme celui de manifester pacifiquement et spontanément.
La contestation juridique est inévitable. Nombre limité de manifestants, avis de huit heures aux autorités policières, périmètre élargi, amendes archisalées, pouvoir important dévolu à la ministre de l'Éducation, renversement du fardeau de la preuve. Le projet de loi n'a pas été guidé par la sagesse, mais bien par la volonté de mater un groupe d'étudiants qui boycottent leurs cours depuis 14 semaines et perturbent la vie et l'économie de la métropole. Et aussi, pour décourager tous ceux qui auraient envie de manifester spontanément leur désaccord à l'endroit du gouvernement en place. À l'approche d'une campagne électorale, l'avantage est indéniable pour les libéraux. Rien pour atténuer le cynisme ambiant et redonner confiance.
La situation commandait pourtant le plus grand doigté de la part du gouvernement, car il est toujours difficile de concilier les droits des uns et des autres. La preuve, le Barreau du Québec et ses membres éprouvent des difficultés à fixer les frontières.
Pour les élus, la tâche est évidemment plus simple lorsqu'ils forment l'opposition. Cette semaine, ce sont les libéraux qui portent l'odieux de recourir à une loi spéciale pour ramener à l'ordre la jeunesse. En 1999, ce sont les péquistes qui assumaient le rôle de «méchants» en adoptant une loi matraque pour retourner au travail les douces et précieuses infirmières. Amendes élevées, retrait de la formule Rand (du jamais-vu), le Parti québécois frappait fort, car son chef Lucien Bouchard estimait que le désordre était très contagieux.
Jean Charest, chef de l'opposition, s'était opposé à la loi spéciale réservée aux infirmières. Il refusait que le gouvernement utilise l'Assemblée nationale à «des fins tactiques». Pauline Marois, à l'époque ministre de la Santé, s'insurgeait qu'il cautionne ainsi une grève illégale.
Bien sûr, une grève illégale n'est pas semblable à une grève étudiante où des cours sont boycottés, des rues envahies de manifestants et des actes de violence commis. Le côté où l'on se trouve à l'Assemblée nationale influence toutefois la vision de ce qui est acceptable, tolérable et de ce qui ne l'est pas. Ce qui est désordre et ce qui est la défense d'une cause que l'on estime juste. Avis à ceux qui croient qu'un autre parti épouserait automatiquement leur cause s'il gagne le pouvoir au prochain scrutin.
Abus d'autorité
Québec tente d'éteindre un feu en en allumant d'autres.
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