À éteindre

Loi antiterroriste

Il se joue une partie de bras de fer depuis quelques jours aux Communes, qui a peu attiré l'attention mais qui porte sur un enjeu majeur pour notre démocratie: la reconduction des clauses les plus contestées de la loi antiterroriste.
La loi C-36 avait été préparée à toute vapeur après les attentats du 11 septembre 2001: dès la mi-octobre, elle était déposée aux Communes et votée un mois plus tard, à peine amendée, sous le bâillon, alors qu'elle suscitait de vives protestations, notamment du milieu juridique, parce qu'elle restreignait de façon grave les libertés fondamentales. À la mi-décembre, le Sénat devait procéder lui aussi à bride abattue, et moins d'une heure après qu'il l'eut adoptée, la loi était proclamée. Nécessité oblige, disait alors le gouvernement Chrétien: le terrorisme rôdait partout.
En fait, comme l'écrivait à l'époque le directeur du Devoir, la menace était plutôt économique et politique, et elle venait du sud! Il fallait prouver au président américain que le Canada pouvait relever le défi de la vigilance antiterroriste.
Dans toute cette agitation, la ministre de la Justice d'alors, Anne McLellan, avait cédé sur quelques points, notamment en soumettant les deux articles les plus controversés (la détention préventive, sur la base de simples soupçons, et la perte du droit au silence lors de certains interrogatoires) à une clause de limitation dans le temps de cinq ans. À cette échéance, le Parlement devait voter à nouveau pour qu'ils puissent rester en vigueur.
On en est là, et les Communes ont jusqu'au 1er mars pour agir, sinon les deux dispositions s'éteindront, ce que craignent les conservateurs, (qui trouvaient déjà que la loi C-36 n'allait pas assez loin), ce à quoi le Bloc québécois et le NPD (vibrants opposants en 2001) applaudissent. Et ce à propos de quoi les libéraux se divisent.
Alors que l'on croyait que le Parti libéral appuierait une loi qu'il a lui-même fait adopter, Stéphane Dion a plutôt indiqué qu'il voterait contre sa reconduction. Erreur, ont dit d'anciens membres des gouvernements Chrétien et Martin, dont l'ex-ministre de la Justice Irwin Cotler, grand défenseur des droits de la personne. Le premier ministre Stephen Harper s'en est frotté les mains, dénonçant la mollesse de son adversaire.
C'est pourtant M. Dion, et le reste de l'opposition, qui ont raison. Nous ne sommes plus dans l'urgence de 2001, si tant est qu'elle ait existé au Canada; les deux articles appelés à disparaître n'ont finalement jamais servi, mais comme ils s'appuient sur un régime d'exception, leur maintien équivaut à une dangereuse épée de Damoclès; de plus, le Code criminel donne la marge de manoeuvre nécessaire pour lutter contre le terrorisme, comme l'explique fort bien le député bloquiste et criminaliste Serge Ménard. Notons enfin que certains libéraux qui réclament aujourd'hui la reconduction avaient outrageusement fermé les yeux dans l'affaire Maher Arar, si obnubilés par la sécurité qu'ils ne reconnaissaient plus les abus.
Plusieurs le disaient il y a cinq ans, et le passage du temps l'a prouvé: la loi C-36 était disproportionnée et inutile. M. Dion doit maintenir sa position et empêcher le gouvernement conservateur de procéder.
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jboileau@ledevoir.ca


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