À démystifier

Université - démocratisation, gouvernance et financement

Les droits de scolarité sont redevenus un sujet chaud la semaine dernière, alors que les jeunes libéraux se sont dits favorables à un dégel et que quatre recteurs poussaient côte à côte un cri d'alarme sur le financement des universités. No pasarán, ont rétorqué les associations étudiantes. Mais quand on distingue les mythes de la réalité, il devient évident que le gel des droits a vécu.

Le premier mythe qui a la vie dure dès qu'il est question d'augmenter les droits de scolarité, c'est son impact négatif sur les étudiants des milieux défavorisés. Or Statistique Canada vient encore de démontrer que la question financière joue un tout petit rôle dans l'accès à l'université. C'est plutôt l'environnement social (influence des parents, qualité de l'école secondaire...) qui est déterminant.
Il n'y a là rien de neuf: depuis des années, différentes études en sont arrivées à la même conclusion. Le problème des milieux défavorisés est ailleurs, et plus grave: on s'y désintéresse de l'école avant même le secondaire...
Deuxième mythe, celui du lien entre coûts et accès. Il existe, mais il n'est pas celui que l'on croit: ce sont les bas droits de scolarité qui correspondent à une piètre fréquentation de l'université! La Nouvelle-Écosse a les universités les plus coûteuses au pays, et ce sont pourtant, proportionnellement, les plus fréquentées. En queue de peloton? Les si accessibles universités québécoises...
Troisième mythe: la gratuité à l'université est possible, il n'y a qu'à voir la France. La réalité, c'est que l'université française est une ruine, que l'élite ne fréquente pas, se dirigeant vers les grandes écoles. Les autres se retrouvent donc dans des bâtiments mal entretenus, s'entassent dans des amphis, ont (peu) accès à des bibliothèques dégarnies et les étudiants-fantômes sont si nombreux que les diplômes en perdent leur valeur.
Quatrième mythe, celui que le rapport Parent nous conduisait vers la gratuité au niveau universitaire. Il est plutôt intéressant de rappeler, comme l'ex-sous-ministre de l'Éducation Pierre Lucier dans un récent ouvrage (L'Université québécoise, figures, mission, environnements, PUL, 2006), que «la nationalisation de l'éducation [opérée par le rapport Parent s'est] arrêtée aux portes de l'université». L'université québécoise, et c'est son originalité, n'est pas devenue une université d'État, mais tient d'un service mi-public, mi-privé, étant chapeautée par un conseil d'administration qui en assure l'autonomie. La question de la contribution des étudiants s'y pose donc de façon différente qu'au primaire et au secondaire (sans compter que la commission Parent n'avait pas prévu l'explosion de la fréquentation universitaire!).
Le tout rappelle une autre originalité québécoise: les centres de la petite enfance. Or, ce n'est pas sans ironie que l'on constate que fréquenter un CPE coûte la même chose qu'aller à l'université -- une véritable incongruité dans un contexte de raréfaction financière, ne serait-ce que parce qu'un étudiant retire directement des avantages pécuniaires de son diplôme!
On pourrait aborder d'autres mythes, attardons-nous à un dernier -- qui donne, celui-là, de l'eau au moulin étudiant: augmenter les droits de scolarité serait la solution. Non, prise isolément, elle n'apporte que quelques millions, comme le démontre une rare étude sur la question, menée par la CADEUL, le regroupement étudiant de l'université Laval, à laquelle Le Devoir a fait récemment écho en page Idées.
Néanmoins, l'université québécoise a de tels besoins que tout apport d'argent neuf est nécessaire: de l'État, des entreprises, et des étudiants eux-mêmes. Car pour eux, tant sur le plan économique qu'intellectuel, l'université est bien plus rentable que tout ce qui se dépense présentement chez les jeunes pour des cellulaires, jeux vidéo, sorties, voyages, voitures, vêtements... S'éduquer a une valeur: c'est aussi un message qui se perd.
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jboileau@ledevoir.ca


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