Vraie connerie, fausse histoire

Vote voilé - turbulences dans l'ordre démocratique



Au fond, cette histoire de niqab au bureau de vote tombe merveilleusement bien, à quelques heures du début des audiences de la commission Bouchard-Taylor.


Elle tombe bien parce que, comme plusieurs autres «scandales» étalés ces derniers mois, ce n'est pas du tout une histoire d'accommodement raisonnable.
J'en entends qui protestent comment ça, pas un accommodement raisonnable? N'est-on pas en face d'un cas flagrant, typique? Un cas où des représentants de l'État, pétris de culpabilité judéo-chrétienne, acceptent de faire une exception à la loi pour satisfaire des extrémistes religieux?
Justement, non. Peut-être que les fonctionnaires du DGE fédéral sont des multiculturalistes béats. Mais il n'y a en face d'eux aucune revendication d'aucun groupe ni d'une seule personne en niqab ou en burqa. Cette histoire est une autre grosse baudruche médiatique.
Calmez-vous, ne me lapidez pas immédiatement moi aussi. Je trouve absurde et inacceptable qu'une femme puisse voter avec le visage masqué. Aucun groupe musulman extrémiste n'a demandé ça. C'est en cela que c'est une fausse histoire. C'est une vraie connerie, mais c'est une fausse histoire de compromis interculturel.
Pourquoi la nouvelle est-elle sortie? La loi a changé en juin 2007. Pour la première fois au fédéral, il faudra s'identifier. Aux élections de 2006, une femme en burqa aurait théoriquement pu voter en s'identifiant verbalement sans autre forme de procès. Mais au DGEC, on ne connaît aucun cas semblable. Ce n'est jamais arrivé. Jamais.
Nous voici donc avec de nouvelles règles. Le DGEC s'est penché sur des hypothèses, notamment après la demande d'un journaliste. Qu'arrive-t-il si une femme voilée vient voter? Oh, la belle question! Et le DGE d'analyser la loi. Il ne l'analyse pas pour faire des «accommodements raisonnables». Il l'analyse en fonctionnaire juridique à qui la loi commande de faire une interprétation large et généreuse. Rien dans la loi ne parle de visage masqué. On doit maintenant fournir une pièce d'identité, comme au provincial, ou bien une carte avec photo et adresse, ou bien deux cartes sans photo dont une avec adresse, ou bien, à défaut, être accompagné de quelqu'un qui peut confirmer votre identité.
Donc, pour la femme masquée, dit le DGEC, il suffira de présenter une deuxième carte ou bien d'être accompagnée d'une personne qui, elle, n'a le droit d'identifier qu'une seule électrice.
Même interprétation que celle du DGE du Québec aux dernières élections. Pour les mêmes raisons. Même délire hurlant de protestations. Pour les mêmes raisons.
Mais il s'agit d'un cas hypothétique auquel le DGE répond de manière théorique, avec l'obligation juridique de faire voter le plus de gens possible. Il répond comme si on lui demandait ce qu'il arrive du droit de vote d'une personne défigurée ou dont le visage est couvert de bandages, et dont on ne peut évidemment pas confirmer l'identité.
Oui, mais si la personne est voilée pour des motifs religieux, elle ne devrait pas pouvoir jouir de la même exception, me direz-vous. Je suis parfaitement d'accord. D'autant plus que l'islam, à ce qu'on nous dit, ne prescrit nullement le port du niqab lequel, de fait, est porté par un nombre minuscule de femmes au Québec.
Sauf que la loi ne fait pas de distinction entre les exceptions. Et le travail du DGEC est, dans les zones grises, de dire oui au droit de vote. On aurait pu interpréter la loi autrement? Sans doute. Mais comme chacun sait, les querelles d'interprétation des lois sont aussi byzantines que les querelles théologiques.
La solution est simple, changer la loi rapidement. Ou faire comme le DGEQ l'hiver dernier, et «modifier» la loi en vertu des pouvoirs d'urgence du DGE pour interdire le vote voilé, devant les protestations et les menaces de certains de se déguiser pour aller voter. Personne ne protestera si on enlève ce «droit».
Personne ne protestera, parce que personne ne revendique ce droit. Il n'y a nulle part des autobus de femmes en niqab qui veulent aller voter.
S'il y en, il faudra leur dire clairement que ce n'est pas acceptable. Quant à «nous», arrêtons d'avoir peur de la peur.


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