Vol au-dessus d'un nid de vipères

1997

28 mai 1997
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Dans mes pires moments d'inquiétude politique ou personnelle, un ami me réitère toujours le même conseil.«Pour agir avec sagesse, me dit-il, tu dois attendre que toutes les vipères sortent. Lorsque tu les auras toutes bien en vue, tu sauras alors contre quoi tu dois livrer bataille. La beauté de cette attente, ajoute-t-il avec justesse, est qu'elle te permettra aussi de mieux voir qui sont tes vrais alliés... »
Voilà qui résume bien ce qu'a vécu le Bloc tout au long d'une campagne assaillie par les sept plaies d'Egypte! Ce parti aura vu émerger ses vrais alliés et, surtout, il aura su où logent certains de ses adversaires fédéralistes. De fait, cette campagne nous a montré certaines prises de position fédéralistes qui prennent de plus en plus l'allure d'un monumental nid de vipères politique. Gonflés par les difficultés du Bloc, les chefs de partis fédéraux - à l'exception notoire d'Alexa McDonough - ont fait montre d'un mépris culotté pour la démocratie québécoise. Ce faisant, ils nous ont fait savoir leur négation de l'existence même de la nation québécoise.
Peuple à la mémoire trop souvent chancelante, les Québécois viennent de se faire rappeler - une fois de plus - le tournant qu'a pris le Canada en 1982. C'est à ce moment qu'Ottawa et le Canada anglais, en excluant le Québec de la Constitution, semaient le mauvais grain de la négation de l'existence du peuple québécois et consacraient le mythe d'un Canada formant une seule nation. Aujourd'hui, c'est de cette même négation que découlent les arguties de certains chefs, médias et leaders d'opinion fédéralistes contre le droit des Québécois à l'autodétermination.
Car il faut comprendre que si le Québec pouvait être exclu aussi cavalièrement en 1982 et que, depuis le 30 octobre 1995, il est soumis au plan B, c'est qu'une majorité de Canadiens anglais refuse toujours de voir le Québec comme une nation libre de ses choix. Même une famélique «société distincte» évidée de tout pouvoir et apprêtée à la sauce Chrétien-Charest leur est devenue indigeste!
A cette ronde, n'oublions pas d'ajouter une bonne partie des leaders anglo-québécois qu'on retrouve (quelle surprise!) à l'avant-garde du plan B d'Ottawa. Pour eux, il y a une «nation» canadienne et une «province» québécoise. Et c'est de cette négation du peuple québécois qu'émanent les menaces d'un démembrement ethno-linguistique de son territoire ainsi que la sempiternelle guéguerre linguistique... Et tout récemment Alliance Québec adoptait une résolution reconnaissant le «rôle légitime» des groupes partitionnistes «pour expliquer les conséquences» de la souveraineté . Ah bon...
A la lumière du durcissement de plusieurs leaders anglophones, force est de constater - comme le faisait Michel David dans Le Soleil du 24 mai - qu'«il n'y a pas que les 'purs et durs' qui commencent se demander s'il est bien utile de tendre la main aux anglophones jusqu'à en attraper des crampes»....
Cela dit, la palme d'or de l'offensive contre la démocratie québécoise se doit de revenir, une fois de plus, à un Jean Chrétien qui avance maintenant qu'il ne reconnaîtrait pas un OUI serré. Pourquoi fait-il cela? Primo, parce qu'il ne croit pas que les Québécois forment un peuple (l'homme est encore à l'heure des «Canadiens français»...).
Secundo, parce que craignant de perdre le prochain référendum, il cherche à faire baisser les appuis la souveraineté en nous faisant croire qu'un OUI majoritaire ouvrirait la porte au «chaos» ou ce que Jean Charest nomme le «grand trou noir». Ainsi, nous serions présumément plongés dans un psychodrame politico-juridique (avec en vedette Guy Bertrand et la Cour suprême), dans un imbroglio international découlant du refus d'Ottawa de reconnaître un OUI et, tant qu'à y être, dans un démembrement du Québec.
Tout cela, bien sûr, vient en partie du vent de panique qui souffle sur le camp fédéraliste depuis le 30 octobre 1995. Mais surtout - et on ne le dira jamais assez! -, cette attitude qui sent le colonialisme à plein nez découle du refus de reconnaître le peuple québécois. De plus, disons-le crûment, les Canadiens anglais en ont assez d'un débat qui n'en finit plus de finir. A cet égard, Preston Manning fut dans cette campagne un formidable révélateur du ras-le-bol de nombreux Canadiens anglais quant à la «question du Québec»! Qu'il le veuille ou non, Manning nous montre avec acuité qu'il y a bel et bien deux pays dans ce pays....
Mais enfin, que dire si malgré toute cette démonstration de la nécessité de «bloquer» ceux qui nous parlent de «chaos» et de «trou noir», le Bloc venait à perdre des sièges? De fait, quels que soient les résultats du 2 juin, le camp souverainiste sera sage de tirer les précieuses leçons des dernières semaines. Ainsi, il aura vu l'importance de l'union des «durs» et des «mous» pour la suite des choses.
Qui plus est, parce que la négation du Québec est de plus en plus répandue et que les milieux fédéralistes jonglent avec l'idée de tenir un référendum pancanadien suivant un OUI serré, le Bloc doit savoir que dans la Chambre des communes, il devra défendre constamment la nation québécoise et son droit à l'autodétermination.
Bref, s'il fait le bilan de cette campagne avec lucidité, le mouvement souverainiste pourrait en sortir plus vigoureux que jamais. Mais le temps presse. En 1998, la Cour suprême se prononcera sur le droit du Québec à l'autodétermination et sur la cause Libman-Grey-Galganov contre la Loi référendaire. Il reste donc moins d'un an pour se préparer à la prochaine élection provinciale et pour paver la voie à un éventuel troisième référendum!
Ayant maintenant bien en vue le nid de vipères du plan B - qu'il se nomme «chaos», «refus d'un OUI», «partition» ou «grand trou noir» -, les souverainistes auront de quoi s'occuper. Car s'ils veulent gagner le prochain référendum, ils devront s'atteler à un colossal travail de pédagogie populaire quant à l'existence de la nation québécoise, l'intégrité de son territoire et son plein droit à l'autodétermination. M'est avis que cet été, les vacances seront courtes...


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