8 janvier 1997
--------------------------------------------------------------------------------
Pauvre Howard Galganov! En annonçant son «départ», il se plaignait du peu de soutien financier qu'il aurait reçu de ses compatriotes anglophones. Le même homme qui traite les souverainistes de «bâtards» disait aussi avoir été blessé par une émission de CJAD qu'il affirme avoir été trop critique à son endroit. Dure, dure, la vie de messie...
Et pourtant, le 11, janvier, quatre journalistes de CJAD avaient simplement émis quelques réserves doucereuses quant à certaines stratégies de Galganov. Mais, nous dit-il, cela l'aurait convaincu de fermer sa boutique Presque pure laine et de mettre fin à son Québec Political Action Committee (QPAC). J'aurais voulu en savoir plus, mais lorsque j'ai rejoint Galganov sur son cellulaire ce dimanche, il a refusé toute entrevue.
Le grand «opprimé en chef» tire-t-il vraiment sa révérence ou tenterait-il plutôt d'émouvoir ses brebis plus ou moins radines pour renflouer les coffres du QPAC et pour sa croisade?
Dès lundi, Galganov s'exclamait sur les ondes de CIQC: «I'm not quiting, not by a long shot!» Et il annonce qu'il a loué une salle du Holiday Inn de Pointe-Claire pour ce jeudi soir. Il veut y débattre directement avec les quatre journalistes de CJAD. Il précise que l'argent des billets d'entrée servira au financement de contestations contre des lois québécoises «Well sell tickets and put the money towards the court challenges»). Mais CJAD refuse de participer..
Il parle aussi d'un débat «bilingue et en direct» qu'il voulait organiser avec d'un côté «trois séparatistes connus», et de l'autre Galganov flanqué de ses deux fidèles compagnons de route, Julius Grey et Bill Johnson. Toujours à CIQC, on l'entend donner les coordonnées du QPAC à une auditrice qui lui demande où elle peut lui envoyer de l'argent. Tout cela ressemble à un départ plutôt hésitant.
Mais ce pauvre Howard n'a pas de veine. Il ne le sait pas mais son vrai problème n'est pas son manque d'argent. Son principal handicap est qu'il est devenu la victime de son succès. Il a si bien fait son boulot que le même establishment anglo qui profita de son labeur en 1996 peut maintenant se permettre de le larguer. Alors que l'affichage se réanglicise rapidement; que Galganov a démontré que même la prédominance est inapplicable et inappliquée; et que Lucien Bouchard laisse entendre que l'unilinguisme français serait une menace aux «droits» fondamentaux, les leaders anglos n'ont plus besoin de Galganov.
Maintenant que le congrès du PQ est passé et que la Commission de protection risque de ne jamais voir le jour, on entre dans l'ère des affaiblissements sectoriels et discrets de ce qui reste de la loi 101. Comme dans une course à relais, ce sont les lobbys anglos et d'affaires qui poursuivront, plus discrètement, l'oeuvre de Galganov.
Le fait est que les méthodes d'exalté du «messie» - qui furent efficaces pour provoquer les premiers reculs de Québec - pourraient mettre en danger les victoires récentes contre la loi 101. Dans un tel contexte, la visibilité de Galganov et sa rhétorique provocatrice pourraient à l'usure, attiser le désenchantement d'une partie des militants du PQ face à M. Bouchard. C'est pourquoi l'establishment anglo et les politiciens fédéraux qui, l'an dernier, l'avaient appuyé ouvertement, ne viendront pas à sa rescousse.
En fait ce n'est plus nécessaire du moment où le premier ministre se montre particulièrement flexible. Par exemple, Le Devoir rapportait hier que la règle du séjour temporaire sera «assouplie», ce qui facilitera encore plus l'accès aux écoles anglaises pour les étrangers. Mais il n'y a pas que l'affichage et les écoles. Les lobbys anglos et d'affaires s'activent aussi sur d'autres fronts. Par exemple, ils tentent d'assurer une bonne place à l'anglais dans le cadre de la prochaine entente fédérale-provinciale sur la formation de la main-d'oeuvre. Ils accentueront aussi leurs pressions pour un élargissement continu des services gouvernementaux en anglais dont ceux offerts par les réseaux de santé, de services sociaux et de CLSC. J'y reviendrai plus en détails dans les prochaines semaines.
L'objectif est de voir à ce que l'anglais occupe une part de plus en plus importante de l'espace public. Pour ce faire, le bilinguisme doit devenir la «norme».
C'est ainsi que la francisation déjà précaire des immigrants n'en sera que plus ardue. Ce qui, à son tour, affaiblira le mouvement souverainiste...
En 1996, Galganov a joui d'appuis substantiels de la part des milieux fédéralistes pancanadiens, de la communauté anglophone, de ses médias et de son establishment. Mais sans les reculs du gouvernement Bouchard, il n'y aurait pas eu de Galganov et la course à relais pour l'expansion de l'usage de l'anglais se serait essoufflée.
Cela dit, l'oeuvre de Galganov ne s'arrête pas là. La loi 86 est devenue pour le PQ, du moins pour le moment, un «compromis» raisonnable alors que son programme de 1994 prévoyait son abolition. Avec ses méthodes d'épouvantail à moineaux, Galganov a aussi contribué à forger l'image d'un establishment anglo plus «modéré» que lui. Cette «image» - fausse en bonne partie - vaut son pesant d'or.
Cela dit, Québec risque néanmoins de récolter ce qu'il a semé en cédant face au chantage des Galganov et cie qui, supposément, auraient le pouvoir occulte de détruire notre «réputation internationale» si jamais on s'avisait de renforcer notre propre langue officielle. Cette peur semble d'ailleurs être une véritable obsession à Québec.
Quelqu'un devrait pourtant expliquer au gouvernement Bouchard que la course à relais est un sport périlleux... surtout lorsqu'on passe la balle à l'équipe adverse.
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
Aucun commentaire trouvé