Des éléphants dans un magasin de porcelaine

1997

20 août 1997
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Pesamment, avec toute la subtilité d'un éléphant dans un magasin de porcelaine, de plus en plus de fédéralistes montrent leur vrai visage. Un visage qui rappelle celui d'un certain Pierre Trudeau.
C'est sa célèbre phrase - «Si le Canada est divisible, le Québec l'est aussi» - que les partitionnistes et leurs compagnons de route d'Ottawa nous rabâchent depuis qu'ils ont failli perdre le référendum. A ces bonshommes sept heures de pacotille, un cynique répliquerait que si le Québec est divisible, les Maritimes, l'Ontario, la Colombie-Britannique et la myriade de territoires autochtones au Canada anglais le sont aussi. Mais passons...
Les croyants de la partition affirment que l'énoncé de Trudeau est d'une «logique» irréfutable. Vraiment? La phrase rappelle plutôt un mari s'exclamant devant sa femme qui songe à le quitter qu'après le divorce, il la découpera en petits morceaux et en gardera la moitié. «Mais ma chérie, si notre mariage est divisible, tu dois l'être aussi! C'est pas ma faute, c'est toi qui pars!» Une «logique» de puissants ou de désespérés, c'est selon.
Le plus absurde, c'est lorsqu'ils prétendent que «si le Canada est divisible, le Québec l'est aussi» en même temps qu'ils invoquent l'«indivisibilité» du pays! Mais ces messieurs devront choisir. Ou le Canada est indivisible, auquel cas il est une prison pour le Québec et le PQ, et tout référendum menant à la souveraineté est hors la loi. Ou le Canada est divisible, auquel cas il prend les allures d'une puissance coloniale et non d'une démocratie avancée s'il tente d'imposer à la nation québécoise des «règles» spécifiques ou un morcellement de son territoire.
Au delà des exégèses d'un discours nettement plus stratégique que «logique», comprenons que ces croisés ne visent pas à faire la partition, laquelle n'est possible que par la guerre. Ce qu'ils visent, c'est la déstabilisation du processus démocratique alors qu'il risque de mener à leur défaite. Avant le référendum, ça sert à effrayer des nationalistes dits «mous». La partition, le «chaos» et l'«anarchie» remplacent la menace de perdre sa pension de vieillesse! Et si, par miracle, il y avait tout de même un OUI, des poches de résistance anglophones iraient crier au martyr sur la scène internationale ou à l'ONU afin d'empêcher la reconnaissance du nouvel Etat.
Plus que tout, la question de la partition démasque le vrai problème, celui qui pourrait mener le Canada à sa perte, soit la négation de la nation québécoise qui, pernicieusement, revient à nier les fondements mêmes du Canada. Mais les Québécois forment bel et bien une nation dans son plein sens politique et historique. Ceux qui le nient autant chez les Anglo-Québécois que chez les boutefeux canadiens-français d'Ottawa, cherchent surtout à empêcher son renforcement à l'intérieur ou à l'extérieur de la fédération. Cet acharnement n'a rien de nouveau. Entre autres, le rapatriement de 1982, l'échec de Meech et le charcutage de la loi 101 témoignent du refus canadien face à une nation québécoise que l'on s'entête à rapetisser. La raison en est simple: pour eux, la nation, c'est le Canada. Donc, une «vraie» nation, ça ne se charcute pas. Tandis que des groupes ethnolinguistiques, ça se divise drôlement mieux! Et c'est ici que le plan B se montre sous son jour le plus «rétrograde» et le plus «odieux», pour reprendre les mots de Bernard Landry.
On le remarque moins, mais on entend une négation similaire chez des fédéralistes qu'on dit «modérés». Un exemple parmi d'autres: dans The Gazette du 15 août, Gretta Chambers, une présumée «modérée», parle des souverainistes selon qui «tout sera décidé par la volonté démocratique du ''peuple' québécois». Comme par hasard, elle met le mot peuple entre guillemets. Quant à la partition, elle use des autochtones pour avancer que «toute déclaration unilatérale de souveraineté ne délimitera pas automatiquement les frontières d'un Québec indépendant. Ce message doit être communiqué aux Québécois, non comme une menace mais comme mettant en pratique les principes de la sauveraineté.» La partition serait donc un «principe» de l'indépendance? Si c'est ça, la «modération», qu'on nous garde des radicaux.
Pourtant, si, à l'instar du vice-premier ministre, chaque élu du gouvernement Bouchard, l'Assemblée nationale et nos élites les moins somnolentes prenaient les moyens d'affirmer partout l'existence de la nation québécoise et son droit absolu à disposer d'elle-même, le Québec aurait une chance de gagner la lutte de l'information sur la scène internationale. Car tel est le véritable «nerf de la guerre» partitionniste. Une lutte dont la victoire est loin d'être assurée face au Canada, un pays du G-7. La pensée magique n'y fera rien, autant que le «Partenariat» ne convaincra jamais les croisés de la partition. Car plus que de vouloir «rester Canadiens», ce qui les anime, c'est surtout de ne pas vouloir devenir Québécois. J'y reviendrai.
Quant au Bloc québécois, tous les jours, il doit se lever en Chambre et demander à chaque député et ministre fédéral si les Québécois forment un peuple libre et capable d'assumer seul son destin. Chaque élu fédéraliste doit se commettre publiquement. Je le répète, c'est ce qu'on appelle de la pédagogie. Analyser, agir et convaincre. Il n'y a que cela pour faire face à ces éléphants qui déambulent lourdement dans notre magasin de porcelaine. Et vite, avant qu'ils n'aient tout cassé.
N.B.: Le mardi 26 août marquera le 20e anniversaire de la Charte de la langue française. Et si on en profitait pour faire un pèlerinage à Ottawa pour aller nous autoflageller devant les miroirs de la Cour suprême? Mais remercions plutôt tous ceux et celles qui, parmi les militants, les citoyens, les élus, les fonctionnaires et les leaders d'opinion, contribuent, chacun à leur façon, à la défense du français. Cent une fois, merci.


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