Vive les étudiant-e-s libres de signer

Chronique d'Élie Presseault

Tourner sa langue sept fois dans sa bouche avant de parler… En ce qui me concerne, tourner les bras sept fois avant de signer paraît nettement plus ridicule. Je vous épargnerai le nom de la personne que je cite à comparaître dans une autre réplique de type lettre ouverte. Tout au plus, je ne récuserai de fait ce que cette même personne aura formellement écrit dans une énième diatribe contre le principe de la liberté d’association et l’importance d’une démocratie étudiante à respecter de plein droit. Nous parlons d’une personne qui s’oppose à la notion de popularité de Gabriel Nadeau-Dubois. Pour ma part, j’ai laissé entendre que Gabriel Nadeau-Dubois pouvait constituer un genre d’antéchrist du gouvernement Charest.
Comprenez bien ici que je soutiens l’action de la CLASSE depuis le début de la grève scolaire, et que je loue la ténacité et les efforts des trois principales fédérations étudiantes. Nous pourrons lire dans les livres de l’histoire relativement courte de notre peuple que nous nous sommes collectivement tenus debout au tournant d’une révolution qui s’annonce. La notion même de révolution semble hérisser les tenants du statut quo et qui appartiennent à l’establishment libéral et néocapitaliste. J’en fais l’objet principal de mon intervention comme suit.
Pour tenter d’expliquer ce qui ferait la popularité de Gabriel Nadeau-Dubois, ladite personne allègue l’impopularité du gouvernement libéral. Pour ma part, cette simplification outrancière ne résiste pas à l’analyse. Nous aurons beau énumérer les bourdes du gouvernement Charest, nous ne pouvons tout simplement dire impopulaire «à tort ou à raison». Dans la seule conduite du dossier des frais scolaires universitaires, le gouvernement a commis une série de gestes politiques qui l’ont mené à sa perte et à la faveur croissante d’une opinion publique gagnée au point de vue des étudiant-e-s.
D’une part, le gouvernement et les opposants à la grève scolaire font leurs choux gras de quelque violence cautionnée par le mouvement étudiant. Dans les faits, la présente grève nous a permis de voir la CLASSE évoluer dans le sens d’une nécessaire transformation politique. Nous aurions le heurt d’émettre quelques bémols et critiques face au tournant de cette même transformation politique, la désobéissance civile relève de la plus stricte nécessité et demeure à cautionner, notamment face à certain pouvoir établi qui s’entêterait à refuser de négocier. Rarement aura-t-on vu un gouvernement tout aussi obtus et intransigeant, et il ne faut surtout pas lui céder du terrain. Nous en avons eu la meilleure preuve avec la hausse de la hausse qu’il nous a servie vendredi dernier et qui envenime le conflit plutôt que de le régler.
Il ne faut surtout pas tomber dans le piège de la «personnification». Le gouvernement libéral ne fait pas l’affaire et il s’entête actuellement à maintenir une certaine direction dans la conduite de la présente grève étudiante. Plutôt que de tendre la main, il recule face aux postulats qui précédaient les gains du conflit de 2005. En d’autres mots, il susurre une amélioration des bourses, agite quelques changements d’ordre cosmétique et se tient loin des préoccupations actuelles. Rarement encore aura-t-on vu un gouvernement qui se sera entêté à ne point reconnaître les revendications étudiantes dans leur ensemble. Il se sera contenté d’aller réclamer de l’argent du fédéral – 2005 – et se sera empressé d’aller le dépenser dans d’autres postes budgétaires sans rapport avec l’éducation.
Quiconque s’oppose à la popularité personnelle de Gabriel Nadeau-Dubois occulte la dimension du leadership assumé par la classe étudiante actuelle. Il est nécessaire d’opposer la popularité à ce qui définit le leadership. Il est si facile d’être populaire, moins d’assumer le leadership qu’une situation exige. Nous pouvons avoir été témoin de l’aversion d’une frange de l’opinion publique à l’égard de Gabriel Nadeau-Dubois, après tout ici même au Québec nous ne sommes pas tellement habitués à voir des gens qui se tiennent debout coûte que coûte et paient un prix de leur popularité personnelle. Je ne saurais point lier cette assertion en ce qui concerne la stature du gouvernement libéral. Comme d’aucuns l’ont déjà affirmé, fermeté et entêtement ne sont pas des synonymes et le gouvernement Charest porte le boulet de son entêtement obtus qui entrave grandement quelque capacité de se réclamer d’une notion de leadership.
Toute vérité n’est pas nécessairement bonne à dire. Alléguer d’une part que l’on aurait rejeté le discours de Gabriel Nadeau-Dubois advenant le cas d’un gouvernement plus populaire et soutenir du même souffle que les médias auraient écarté l’agenda politique du porte-parole de la CLASSE, c’est prendre des vessies pour des lanternes. Qui peut dire aussi sérieusement que les 95% de médias fédéralistes qui sévissent sur la scène québécoise cautionnent actuellement l’agenda politique de la révolution sociale? Déjà, le dire du bout des lèvres en dit beaucoup sur leur comportement actuel. Après tout, pourquoi se priver d’un traitement journalistique tout aussi inégal dans la couverture de la présente grève? Minimiser le nombre de manifestant-e-s, écarter la couverture d’une manifestation de 200 000 personne à la Une, insister sur la violence des étudiants et non celle du gouvernement, et ainsi de suite… La population ne saurait être dupe de manœuvres tout aussi grossières que futiles dans la présente conjoncture politique.
Révolution sociale… l’expression qui fait peur aux tenants du statut quo. Non, parlons plutôt de l’establishment actuel. Comment, encore une fois, pourrons-nous dire sérieusement que le discours de Gabriel Nadeau-Dubois et des principaux leaders de la lutte étudiante ne saurait être reçu… normal, il s’agit d’un discours qui s’oppose à la doxa actuelle. Préconiser le gel et agir dans la perspective d’une gratuité scolaire, c’est être conséquent d’une révolution nécessaire dans l’histoire du Québec. Comme il était autrefois impensable pour nous, nous devons céder aujourd’hui le pas au constat qu’il nous faut cheminer dans le sens d’une solidarité sociale aux étudiant-e-s et consolider la démocratie pour y arriver. Il est parfois nécessaire d’entretenir une divergence de vues avec les opposants à quelque réforme de l’éducation.
Par exemple, le gouvernement actuel – par la bouche de Line Beauchamp – insiste pour que l’ensemble des étudiants se prononce face à l’offre effectuée vendredi passé. Pouvons-nous laisser la démocratie étudiante en disposer comme elle l’entend? Tout d’abord, s’agit-il d’une offre ou encore d’une non-offre selon nous? Je n’entends peut-être pas physiquement, mais je perçois en sous-entendu que le comportement du gouvernement actuel constitue un déni de démocratie en bonne et due forme. Voilà ce qui se devait d’être écrit.
Dans le cadre de cette même révolution sociale, le texte de la personne que je cite sporadiquement comme écho a eu la chance de connaître une certaine notoriété publique. Pour l’instant, je m’estime chanceux dans la situation où je suis et de ne point connaître les affres de la rançon liée à quelque popularité. Alors quand cette même personne postule : «la population va bientôt comprendre que l'on n'aurait jamais dû t'accorder de l'importance, que sans la conjoncture politique personne ne te connaitrait», je me dis qu’après tout, nous pouvons être fiers collectivement de ce que nous avons fait jusqu’à maintenant comme étudiant-e-s. Le meilleur n’est qu’à venir et les détracteurs d’une plus grande démocratisation de nos revendications sociales resterons les éternels spectateurs de leur propre vie, plutôt que d’incarner les acteurs collectifs que nous sommes ensemble.


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3 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    4 mai 2012

    Un texte brillant, posé, intelligent.
    Lire ce texte démontre que nous pouvons avoir confiance en notre jeunesse.
    À l'aube de mes 50 ans, j'admire ce courage qui nous a manqué et je fais le serment de continuer à lutter pour qu'enfin notre future jeunesse puisse étudier dans un pays libre, un pays de justice sociale!

  • Élie Presseault Répondre

    2 mai 2012

    @ Ghislaine Bussières,
    Je vous remercie pour le court message. Il n'y a pas une seule manière de s'éduquer et je considère important que nous nous mobilisons tous ensemble dans les diverses réalités de la population. Pour ma part, comme personne sourde, je suis conscient de quelque différence par rapport au commun des mortels. La plupart des Sourds vivent avec des difficultés de français et à l'instar du poète Gaston Miron, je suis sensible à ce qui relève de la problématique de l'analphabétisme.
    Dans le débat qui nous concerne, l'éducation publique se doit d'être gratuite du primaire à l'université et se doit d'être mieux réinvestie dans son ensemble. Ce n'est pas parce que l'éducation universitaire rejoint une minorité de gens qu'il faut rester dans son coin. Nous avons besoin de l'apport de chacun-e pour nous permettre de réaliser ce qu'est l'université de la vie.
    Au plaisir,

  • Archives de Vigile Répondre

    2 mai 2012

    Bravo pour votre texte.Comme je ne suis pas beaucoup
    scolarisée,cela m'a pris un certain temps à comprendre
    les enjeux.Mais depuis un mois je suis de tout coeur
    avec eux.Je fait même de la cabale pour eux.Ensemble
    nous vainqrons à renverser cette domination.