Élections québécoises

Vers un gouvernement minoritaire ?

Chronique de Patrice Boileau


Les choses vont vite en politique. Jean Charest jugeait avant la période des fêtes qu’il fallait absolument attendre le dépôt du budget fédéral pour ensuite convier les Québécois aux urnes. Voilà maintenant qu’il compte le faire avant.
Avec un taux d’insatisfaction qui frise les 60% et un désir populaire aussi fort de ne pas confier un second mandat à son administration, le chef libéral a raison de vouloir déclencher des élections générales prestement. Il serait en effet surprenant que « l’embellie » dont jouit actuellement «le pire gouvernement de l’histoire contemporaine » s’améliore davantage.
Cette « fenêtre électorale » qui n'en est pas une provient évidemment des difficultés que vit le Parti québécois. Le vote souverainiste se disperse, permettant ainsi à des candidats libéraux d’espérer se faufiler vers la victoire. Le Parti libéral veut profiter de la division de l’électorat nationaliste pour faire élire quelques candidats de plus. En banlieue de Montréal, dans la région nommée le « 450 », des candidats de l’Action démocratique grugeraient le vote péquiste. D’anciens collaborateurs du PQ y oeuvrent dorénavant pour l’ADQ. Selon l’édition du Devoir du vendredi 2 février, ce serait le cas de l’ancienne députée péquiste de la circonscription de Borduas, Luce Dupuis. Elle aurait d’ailleurs invité l’ancien candidat à la direction du PQ, Ghislain Lebel, d’y porter les couleurs adéquistes. L’homme que Mario Dumont ne veut pas voir dans son parti aurait voulu le faire dans la circonscription de Chambly qu’il a longtemps représenté à Ottawa pour le Bloc québécois. Visiblement, l’indépendantiste effraie le chef de l’ADQ.
Mario Dumont n’a qu’à s’en prendre à lui-même si sa formation politique fait le plein de supporters souverainistes. Son idée de créer une citoyenneté québécoise, une constitution québécoise et celle d’abolir l’impôt fédéral sont des objectifs réalisables uniquement hors du cadre politique canadien. La « peur de nommer les choses », reproche que Mario Dumont aime adresser à ses adversaires politiques, est une tare qui l’affecte aussi profondément. L’aplaventrisme qu’il voit chez ses rivaux l’habite tout autant. Le député de Rivière-du-Loup manque de courage en cachant la vraie nature de ses ambitions derrière son « voile autonomiste… »
Selon certains sondages, l’ADQ de Mario Dumont pourrait faire des gains dans la région de Québec. Le discours nationaliste du chef adéquiste, en réponse au débat public sur les accommodements raisonnables, fait mal au PQ. Yvan Loubier, député bloquiste rattaché à la scène fédérale, se présentera sous la bannière du Parti québécois dans la circonscription Chutes-de-la-Chaudière. Situé dans la région de la Capitale nationale, ce comté enlevé en 2003 par l’Action démocratique sera difficile à rapatrier dans le camp péquiste.
En fait, rien ne sera aisé pour le Parti québécois durant les prochaines semaines. La crise de confiance envers le chef André Boisclair qu’ont provoqué les résultats très décevants des derniers sondages, lui annonce une campagne électorale ardue. L’équipe péquiste réunie à Québec la fin de semaine dernière n’avait ainsi d’autres choix que de serrer les rangs. Cette démonstration de solidarité autour du dirigeant cherche évidemment à rassurer d’abord l’électorat souverainiste. Manifestement, tout le monde au PQ retient son souffle en se promettant bien de se revoir après le scrutin.
Jean Charest sait exactement où frapper pour achever André Boisclair et le parti qu’il dirige. Il insistera évidemment sur le référendum que le programme du Parti québécois promet de tenir « le plus tôt possible dans le mandat », s’il forme le prochain gouvernement. Le député de la circonscription de Sherbrooke lit les sondages comme tout le monde et estime peu probable un balayage péquiste. Or, une victoire à l’arrachée des troupes d’André Boisclair ne peut qu’entraîner le report de cet échéancier référendaire. Le chef libéral compte bien confronter son adversaire péquiste face à cette réalité.
Gérald Larose arrive à la même conclusion. Les jeux sont faits selon lui. Le président du Conseil de la souveraineté l’a souligné dans l’article qu’il a fait paraître dans le quotidien Le Soleil du 1er février dernier. Il y affirme qu’il n’y aura pas de référendum dans un avenir rapproché. L’homme ajoute que la décision du Parti québécois de ne pas placer la question nationale au cœur de ses préoccupations est également responsable des déboires qui le frappent.
Paradoxalement, c’est Jean Charest qui fera tout en son pouvoir pour rendre le prochain scrutin référendaire, faisant ainsi de la souveraineté l’enjeu principal de la prochaine élection générale. En fait, « astucieusement », le chef libéral insistera uniquement sur l’étape référendaire, histoire d’apeurer le plus possible de Québécois. En cherchant à rediriger l’attention de l’électorat sur le piètre bilan gouvernemental du PLQ, André Boisclair donnera l’impression de vouloir enterrer le programme politique adopté par les militants de son parti. Sortant écorché de tribulations concernant son leadership, sa manœuvre pourrait attiser la grogne qui couve dans ses rangs.
La situation politique du Québec, à la veille d’un appel aux urnes, est très singulière. Le gouvernement en place n’a réalisé aucune de ses promesses électorales. L’appel de détresse lancé par une infirmière de l’hôpital de Sainte-Justine la semaine dernière s’ajoute aux autres indices qui prouvent que le secteur de la santé continue de se détériorer. Les baisses d’impôt ont plutôt cédé le pas à des hausses tarifaires tous azimuts. Les bâillons se sont aussi multipliés pour limiter les demandes salariales des employés de l’État. Malgré cela, la dette publique a augmenté et les déficits budgétaires sont de retour. C’est à se demander comment la firme de notation Moody’s a pu décider de bonifier la cote de crédit du Québec, alors que sa rivale Standard and Poor’s n’a pas bougé! Le parc du mont Orford sera balafré malgré la volonté testamentaire des donateurs privés et l’opposition quasi unanime de la société civile. Les projets de construction des deux méga-hôpitaux universitaires à Montréal montrent que les robinets de fonds publics fuient déjà de partout. Un second mandat consenti au gouvernement Charest décuplera la fête libérale qui a commencé, comme l’atteste l’augmentation des coûts de construction de ces chantiers qui tardent à se mettre en branle. L’érection d’un seul centre de santé aurait évidemment respecté la capacité de payer des contribuables. Écœurés, les Québécois veulent mettre un terme à ce copinage qu’ils ont repéré dès la première année du mandat du gouvernement libéral, mais ne savent pas où canaliser leur vote.
Assurément, l’élection d’un gouvernement minoritaire représente la solution idéale : les projets controversés du gouvernement Charest seront stoppés. Y compris celui d’une dangereuse réforme du mode de scrutin qui menace l’avenir du peuple québécois. Peut-être y aura-t-il enfin une véritable « Saison des idées » au Parti québécois, avec ou sans André Boisclair. L'avenir de ce dernier à la tête du PQ sera inéluctablement déterminé par le résultat de la prochaine élection. Quant à l’opportuniste Mario Dumont, souhaitons que l’engouement dont semble jouir présentement son parti ne soit que passager. Espérons-le aussi durable que les prises de position du chef de l’ADQ, celui qui évite de nommer les choses par leur nom. On ne gagne pas la confiance des gens par la lâcheté. Cela est vrai pour tous les partis.
Patrice Boileau



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5 commentaires

  • Christian Charron Répondre

    27 février 2007

    Je commente une partie de votre texte :
    «l’élection d’un gouvernement minoritaire représente la solution idéale : les projets controversés du gouvernement Charest seront stoppés. Y compris celui d’une dangereuse réforme du mode de scrutin qui menace l’avenir du peuple québécois.»
    Voilà exactement ce que je n'aime pas du Parti Québécois : il fait passer sa stratégie avant la démocratie. Je regrette mais cet ordre doit être inversé : c'est la démocratie, la vérité et la cohérence d'abord, et les objectifs après.
    La seule position tenable pour un parti politique qui se dit démocrate, c'est le maximum d'autonomie, dans le respect de la démocratie.

  • Archives de Vigile Répondre

    10 février 2007

    Si Boisclair réussis son équipe de rêve à la Lapointe , Curzi et Drainville et au moin 3 autres vedettes à venir ce sera une victoire écrasante contre le voleur de Référendum d'Option Canada .
    Aussi Boisclair doit présenter Landry et Parizeau en réserve de la République en leur confiant des rôles d'avant garde .

  • Archives de Vigile Répondre

    7 février 2007

    C'est pas vrai!
    Le PQ est-il à ce point désespéré qu'il va prendre dans ses rangs Stephane Gendron!?
    Ce type est un fédéraliste à 100%!
    Il vient d'instaurer à Huntington un code en opposition de celui de Hérouxville! Un code pro-multiculturalisme à Trudeau!
    Un code opposé au projet républicain du PQ!
    Non seulement le PQ perdra toute crédibilité, mais nous perdrons le momentum anti-loi multiculturelle actuel!

  • Archives de Vigile Répondre

    7 février 2007

    André Boisclair semble faire une lecture semblable de la situation. À la lumière de son entrevue de lundi dernier à Dominique Poirier, il s'attend à une victoire serrée. Ce qu'il y a de nouveau par contre c'est qu'il parle déjà d'un ''rassemblement des familles souverainistes'' pour ''consolider l'appuis à la souveraineté'' sous un gouvernement péquiste...
    L'entrevue en question :

  • Normand Perry Répondre

    7 février 2007

    Je constate qu'il y a plus d'un chroniqueur sur Vigile qui fait une lecture semblable à celle évoquée dans "si la tendance se maintient".
    Il existe pourtant un remède fort simple et qui pourrait avoir la vertu de guérir deux malaises d'un seul coup : l'élection décisive sur l'indépendance nationale du Québec.
    Il n'y a aucun chef de parti politique qui souhaite vraiment être obligé de diriger un gouvernement minoritaire, à moins d'être sado-masochiste. C'est le premier malaise.
    Le second, celui de l'étapisme-référendaire. La démonstration fut faite plus d'une fois sur Vigile que cette voie d'accès à l'indépendance du Québec doit être abandonnée. Et il ne s'agit pas de se lancer dans l'aventure d'une élection référendaire non plus. La solution avancée par le RIQ, dont plusieurs ici cautionnent la justesse, celle de l'élection décisive, serait la solution idéale pour repousser l'éventualité de l'élection d'un gouvernement minoritaire aux prochaines élections, tout en donnant aux Québécois-es le pays auquel nous aspirons.
    Ne serait-il pas temps que la direction du PQ et de QS élaborent des discussions sérieuses en ce sens ? Et mon petit doigt me dit qu'en quelque part Mario Dumont est peut-être parlable sur cette question...
    Normand PERRY