La crise alimentaire menace de façon immédiate la survie des populations de plusieurs pays pauvres et provoque une inflation des prix partout dans le monde. Les causes sont nombreuses et complexes, mais certaines d'entre d'elles découlent directement des politiques de nos gouvernements. Il faut mettre un terme à ces programmes qui affament les plus pauvres.
Depuis deux ans, les prix du blé, du riz, du soya et de tous les aliments fabriqués à partir de ces denrées ont connu des hausses sans précédent, acculant à la famine les habitants d'une quarantaine de pays pauvres. Hier, le gouvernement Harper a annoncé qu'il ajoutait 50 millions de dollars aux 150 millions d'aide déjà prévus. Certains jugent cette somme insuffisante, mais elle est tout de même respectable au regard de l'objectif de 755 millions fixé par l'ONU à l'ensemble des pays développés.
Cela étant, personne n'est dupe: ce ne sont pas ces quelques centaines de millions de dollars de denrées qui régleront le problème de la rareté et des prix trop élevés des céréales. L'aide alimentaire sert tout au plus à éviter le pire, mais à plus long terme, il faut développer l'agriculture partout dans le monde pour accroître l'offre de denrées et faire pression à la baisse sur les prix.
Dans une économie mondiale complexe, il faut se méfier des analyses idéologiques simplistes qui vous règlent les problèmes en deux coups de cuiller à pot. Dans certains coins de la planète, le FMI et la Banque mondiale ont joué un rôle négatif en forçant le passage d'une agriculture d'autosuffisance à une agriculture d'exportation. Cela étant, on aurait tort de croire qu'avant l'adoption de ces politiques, les pays concernés n'éprouvaient pas de problème d'autosuffisance. Au contraire, c'est parce que le niveau de productivité général, dont celui de l'agriculture, était beaucoup trop bas pour faire vivre les gens et payer le coût des importations qu'il a fallu en appeler aux institutions internationales. L'idéal d'un pays tout à fait autosuffisant est non seulement une utopie mais aussi le meilleur moyen de sombrer dans la pauvreté la plus abjecte, comme toutes les expériences du genre l'ont montré.
Parmi les autres causes fondamentales de la crise actuelle, il y a la demande mondiale de céréales, qui a été plus élevée que la production au cours des dernières années, notamment à cause de la croissance rapide de plusieurs pays asiatiques, dont les habitants mangent aujourd'hui trois repas par jour et ajoutent de la viande à leur menu.
Il y a aussi l'augmentation du prix du pétrole utilisé dans la production des engrais et qui fait grimper le coût du transport. Même la crise immobilière américaine a eu pour effet de pousser les prix des denrées à la hausse à partir du moment où les spéculateurs se sont mis à investir massivement dans les ressources afin de compenser la faiblesse des rendements.
D'autres facteurs encore expliquent l'explosion des prix, et ceux-là sont directement liés aux politiques de nos gouvernements. Les subventions aux exportations agricoles, par exemple, ont pour effet de concurrencer la production des pays pauvres de façon inéquitable et d'accélérer la disparition des cultures locales au profit de denrées importées. Dans certains pays développés, on paie même les agriculteurs pour qu'ils cessent de produire afin de maintenir des prix plus élevés. On appelle cela une politique de soutien du revenu, mais on comprendra que ce type d'intervention va à l'encontre du bon sens.
Une autre mesure gouvernementale à la mode, l'aide à la production d'éthanol, se révèle de plus en plus dommageable. À l'heure actuelle, environ 20 % de la culture annuelle de maïs américain est détournée vers l'éthanol tandis que le prix de cette céréale utilisée pour alimenter le bétail a grimpé de 200 % en deux ans.
Au Canada, Ottawa injectera 1,5 milliard au cours des prochaines années pour subventionner la production d'éthanol. Rappelons qu'un seul plein d'éthanol équivaut à la consommation annuelle de maïs d'un citoyen mexicain. C'est dire l'ampleur des transferts de production -- et des fonds publics -- qui seront nécessaires pour faire passer de 0 à 5 %, puis à 10 % la part d'éthanol dans chaque litre d'essence. Si au moins cela permettait une économie de pétrole, mais non: il faut autant de pétrole pour produire un litre d'éthanol (engrais, machinerie, transport, etc.) que la quantité économisée par la suite.
Si le gouvernement canadien est sincère dans sa volonté de combattre la crise alimentaire, il ne lui suffira pas de contribuer au fonds d'urgence de l'ONU. Il devra aussi adopter une stratégie nationale cohérente en matière de production agricole... et énergétique. Cultiver du maïs pour les transports au lieu de réduire purement et simplement la consommation de pétrole n'est pas une politique cohérente, c'est le moins que l'on puisse dire.
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