Une révision de la Charte des droits

Accommodements et Charte des droits



Le gouvernement du Québec annonce cette semaine qu'il adaptera la Charte des droits pour préciser la primauté du droit d'égalité des sexes sur la liberté de religion. C'est une décision assez surprenante en soi puisqu'un droit a, par définition, primauté sur les libertés. En d'autres mots, la liberté, même de millions d'individus, ne peut pas primer sur le droit, ne serait-ce que d'un seul individu.
Comment en est-on arrivé là? La Charte canadienne des droits et libertés affirme pourtant clairement les droits d'une part et les libertés de l'autre. Il est probable qu'au fil des ans, on a laissé ces concepts se corrompre, et on peut clairement voir que l'intrusion du langage populaire dans le juridique pourrait avoir joué un rôle. On entend très souvent, même dans les médias, parler du droit à l'exercice de la religion alors qu'il ne s'agit nullement d'un droit mais d'une liberté. On entend très souvent des gens dire: «J'ai bien le droit... » alors qu'il s'agit non pas de droit mais de liberté. Il faut ajouter que la Cour suprême a parfois elle-même créé la confusion.
L'interprétation de la Charte aurait dû depuis longtemps rendre ces notions très claires, mais ce n'est manifestement pas le cas. La décision du gouvernement québécois contribuera peut-être à le faire, mais elle pourrait aussi créer plus de confusion. Il faudra voir comment on se propose d'adapter cette charte.
Mais ce n'est pas tout, on ne peut pas s'arrêter là. Il faudra en tirer les conséquences et définir quelles pratiques religieuses pourront contrevenir à la Charte. En effet, dans presque toutes les religions, on peut trouver de telles pratiques. Et il faudra faire la différence entre les pratiques liées au message même de la religion et celles qui ne sont que des interprétations.
Quelques exemples: le système de castes dans l'hindouisme (les varnas), qui consacre l'inégalité entre individus, est-il partie intégrante de la religion et est-il constitutionnel? Étonnamment, la Constitution indienne ne le condamne pas. L'hindouisme, qui institutionnalise les différences entre individus, devient-il anticonstitutionnel ici?
L'islam, de son côté, consacre l'infériorité de la femme. Dans ce cas, il ne s'agit pas d'interprétation: c'est bel et bien inscrit dans le message. Cette religion serait donc anticonstitutionnelle. Et le port du voile islamique (le type de voile résulte d'interprétations et ne fait pas partie du message) symbolise ce statut de la femme. L'islam serait donc anticonstitutionnel lui aussi. [...]
Si on a limité la liberté d'expression (c'est en effet une liberté et non un droit) pour criminaliser toute déclaration publique qui nie la Shoah, quelle limite à la liberté de religion va-t-on imposer pour respecter la Charte?
Et lorsque l'exercice de certaines pratiques religieuses contrevient aux lois, que doit-on faire? La Cour suprême a statué que le kirpan sikh était constitutionnel grâce à une entourloupette qui n'en fait plus une arme. Pourtant, le sikh doit aussi être un «guerrier combattant». Que représente donc le kirpan? Et le turban cachant la chevelure jamais taillée, symbole de force et de virilité, est-il compatible avec l'égalité des sexes?
En conclusion, quelles conséquences pratiques aura une révision de la Charte québécoise? Est-ce seulement un jeu avec les mots ou un virage significatif dans le débat sur les accommodements?
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Claude Letarte, Québec
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