Une redevance sur l'eau en 2009

Eau-secours dénonce le projet de loi qui fait de l'eau le «patrimoine commun de la nation québécoise»;Le PQ crie au plagiat

EAU - Commerce de l'eau



Québec - Il faudra encore attendre 2009 avant que Québec ne commence à prélever des redevances sur les eaux captées, un projet dont les gouvernements parlent depuis 2002. Ces redevances, du reste, ne rapporteront que très peu: pour l'instant, tout au plus 5,5 millions de dollars de plus dans le Fonds vert. C'est ce que la ministre du Développement durable et de l'Environnement, Line Beauchamp, a indiqué hier lors d'une conférence de presse à grand déploiement - au pied des chutes Montmorency - visant à présenter son «Projet de loi affirmant le caractère collectif des ressources en eau et visant à renforcer leur protection». Selon elle, il est «anormal que les grands consommateurs puissent s'approvisionner gratuitement».
Déposé hier matin à l'Assemblée nationale, le texte d'une trentaine de pages, présenté comme «une pièce maîtresse» de la législation environnementale québécoise, est à peu près muet sur la question des redevances, étant donné que le principe est déjà inscrit dans une autre loi depuis 2002. Mais il constitue, selon la ministre, une première étape vers l'adoption d'une telle mesure, car il vient clarifier le statut de l'eau, considéré comme ambigu par les juristes.
Pas une nationalisation
Si l'article 1 du projet de loi est adopté, l'eau «de surface et l'eau souterraine» seraient qualifiées de «patrimoine commun de la nation québécoise». Il ne faut y voir aucune tentative de «nationalisation» de l'eau, a précisé Mme Beauchamp. Une nationalisation aurait pour défaut de faire de l'eau une chose que l'on peut s'approprier. Or, maints défenseurs de l'eau le répètent depuis longtemps: il ne faut pas que ce soit le cas, même pas par l'État. L'eau doit continuer «d'appartenir à tout le monde». L'article 1 du projet de loi spécifie d'ailleurs que ce sont là des ressources qui «ne peuvent être appropriées».
L'État doit toutefois en être le gardien, un rôle que le projet de loi veut entre autres renforcer, a expliqué la ministre, à une époque de changements climatiques où l'eau douce deviendra un enjeu toujours plus important.
De nouveaux pouvoirs sont donc attribués à l'État. Le procureur général pourra désormais intenter des poursuites au civil contre l'auteur d'un dommage à une ressource en eau. Sans faire du poisson ou de l'écosystème un «sujet de droit», ceux-ci sont ici pour une rare fois dans le droit québécois «considérés pour eux-mêmes», a expliqué un juriste du ministère. Selon lui, la disposition aura aussi des effets dissuasifs.
Tous les prélèvements d'eau de 75 000 litres (l'équivalent de deux grosses piscines hors terre) ou plus par jour devraient faire l'objet d'une autorisation valide pour 10 ans, mais révocable lorsque le ministère le souhaite. Le projet de loi consacre aussi la gouvernance de l'eau par «bassin versant». Puisque aucun inventaire n'existe de l'eau souterraine, des écosystèmes aquatiques et de leurs usages à l'échelle des bassins hydrographiques, le gouvernement créerait un «Bureau des connaissances sur l'eau» au coût de 15 millions de dollars. Le projet de loi prévoit aussi la mise en oeuvre des «dispositions de l'Entente sur les ressources en eaux durables du bassin des Grands Lacs et du fleuve Saint-Laurent». Signée par le Québec, l'Ontario et huit États américains, cette entente prévoit une interdiction des dérivations d'eau.
Vives critiques d'Eau Secours
Le projet de loi, dont la ministre a dit souhaiter l'adoption cet automne, a été vertement critiqué par la Coalition Eau Secours. «On n'a pas l'impression qu'on avance, mais qu'on recule», a déclaré Martine Ouellet, vice-présidente de la Coalition, un organisme à but non lucratif. Selon Mme Ouellet, tel qu'il est rédigé actuellement, le projet de loi «n'est pas une loi de protection de l'eau mais d'exploitation de l'eau». Elle souligne que dans certains articles du projet de loi, la ministre de l'Environnement se donne «tous les droits» de prélèvement et d'exploitation. «On ne sait pas exactement ce qui sera permis ou non. C'est laissé à sa discrétion. Même en ce qui concerne l'exportation hors Québec de l'eau en vrac! Cela ne nous rassure pas, c'est le moins qu'on puisse dire.»
D'accord avec le principe qu'on poursuive les auteurs de dommages causés à l'eau, la Coalition déplore que seul le procureur général puisse s'en prévaloir. «Pourquoi aucun pouvoir citoyen?», dit Mme Ouellet. Quant à la modification au statut de l'eau, la Coalition estime qu'une modification au Code civil aurait suffit.
D'autres groupes environnementaux qui étaient présents à la présentation de la ministre ont applaudi le projet de loi. Nicolas Audet, de Stratégie Saint-Laurent, y a vu un «pas dans la bonne direction» cohérent avec la Politique nationale de l'eau adoptée en 2002 par le gouvernement péquiste.
Par ailleurs, le Parti québécois a crié au «plagiat» parce que le projet de loi de la ministre reprend presque mot pour mot un autre projet, le 391, déposé par le PQ en mars. «Il aura fallu plus de cinq ans, trois ministres de l'Environnement, une politique et un projet de loi du Parti québécois pour que, finalement, le gouvernement Charest décide de bouger», a indiqué le député de Roberval et critique péquiste en la matière, Denis Trottier.


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