Les indépendantistes, Pauline Marois, et le PQ

Une question de confiance

Reste une voie très étroite

Chronique de Richard Le Hir


Au fond, quand on y réfléchit bien, le désenchantement des indépendantistes à l’endroit du PQ et de Pauline Marois tient essentiellement à une question de confiance.
Ils ne font plus confiance au PQ pour constituer le véhicule privilégié de leurs aspirations nationales, ils ne font plus confiance au PQ pour constituer le meilleur défenseur de nos intérêts collectifs, ils ne font plus confiance au PQ pour constituer le meilleur défenseur de la langue française et de notre identité culturelle contre le risque de l’assimilation.
Et ils ne sont pas du tout convaincus que Pauline Marois est suffisamment populaire pour remporter une lutte électorale, et a suffisamment d’étoffe pour devenir première ministre.
Qui plus est, ils sont convaincus, sondages aidant, qu’une grosse partie de la population partage leur point de vue à cet effet.
Ça fait beaucoup.
Alors, nombre d’entre eux ont déjà quitté le PQ ou s’apprêtent à le faire, à la recherche d’un nouveau véhicule qui répondrait mieux à leurs ambitions et à leurs craintes. Certains privilégient la voie citoyenne tout en étant bien conscients que leur travail ne servirait à rien si, le moment venu, ils ne pouvaient compter sur un parti ouvert à leur option pour passer de la parole au geste.
D’autres persistent à croire que l’indépendance est d’abord la chose d’un parti, et refusent désormais d’accorder leur soutien à tout autre que celui qui s’engagerait à en faire sa seule et unique priorité.
Donc non seulement nous trouvons-nous devant un important déficit de confiance à l’endroit du PQ, mais aussi devant une impatience grandissante à voir l’indépendance se faire, vu le risque de « louisianisation » qui nous guette et que de récents appels au Canada anglais à un afflux important de nouveaux immigrants rendent désormais beaucoup plus certain dans un avenir rapproché.
Il est cependant curieux que ceux qui s’inquiètent le plus de ce dernier risque soient également les plus disposés à courir celui de reporter l’indépendance aux calendes grecques en sous-estimant la difficulté et le temps nécessaire à mettre sur pied un nouveau parti, sans parler de le faire élire.
La situation est donc très délicate, et c’est ce qui m’a amené dans trois articles parus en juillet à affirmer que, devant la gravité de la situation, le PQ demeurait le seul choix réaliste, et que nous ne pouvions pas lâcher sans tenter de sauver les meubles un parti dans lequel nous avions tant investi, malgré la juste colère des espoirs trahis.
On apprenait hier que Pauline Marois avait l’intention de rester à la barre du PQ. Dans les conditions actuelles, il s’agir d’un pari dangereux, pour l’indépendance, pour le PQ, et pour elle-même, et il n’est pas dit qu’elle parviendra à le relever.
Si toutefois l’occasion devait lui en être fournie, et il n’est pas dit qu’elle le sera, il faudrait qu’elle s’applique très rapidement à rétablir la confiance dans les rangs indépendantistes

1. en s’engageant fermement en faveur de l’indépendance (et non plus de la souveraineté) sans pour autant s’engager à la réaliser dans un premier mandat (soyons réalistes, il y a beaucoup de travail à faire avant que nous soyons prêts),
2. en s’entourant de personnes connues pour leur engagement indéfectible à la cause de l’indépendance,
3. en ramenant ses brebis égarées au bercail (les quatre députés qui ont claqué la porte),
4. en s’engageant fermement à prendre toutes les mesures nécessaires pour défendre nos intérêts collectifs et contrer le vol de nos richesses naturelles (à ce sujet, voir la prestation aussi inspirante qu’électrisante de Daniel Breton, président de Maîtres chez nous au 21e siècle (MCN 21) lors de la rencontre du MNQ de la fin de semaine dernière),
5. en s’engageant fermement à extirper la corruption de nos moeurs politiques et en lançant une vaste enquête sur l’emprise et les méthodes du crime organisé, notamment, mais pas exclusivement, dans le secteur de la construction,
6. en s’engageant fermement à rétablir l’intégralité de la Charte de la langue française et en recourant à la clause nonobstant au besoin, un droit reconnu,
7. en s’engageant à prendre toutes les mesures nécessaires pour prémunir le Québec contre le risque de la « louisianisation ».

Tout mégotage de sa part sur ces conditions de base au rétablissement de la confiance contribuerait à l’amplifier, et il n’est pas dit non plus qu’elle parviendrait ainsi à regagner la confiance de tous les indépendantistes, mais il est certain qu’elle se trouverait à en rallier un très grand nombre, sans l’appui desquels tout espoir de dégager une majorité électorale serait illusoire, malgré tous les efforts qu’elle pourrait faire pour marginaliser les dissidents.
Que cela lui plaise ou non, une bonne part de la crédibilité politique de son parti auprès de la population tient à la notion qu’il représente le courant indépendantiste. Si elle estime que c’est désormais un boulet, on le saura assez rapidement par le peu d’empressement qu’elle mettra à prendre les engagements qui viennent d’être évoqués, et tout espoir de sauver les meubles étant alors perdu, les indépendantistes seront pleinement justifiés de transporter leurs pénates ailleurs.
Pour ce qui est du PQ, il serait alors condamné à se voir reléguer aux banquettes arrières de l’Opposition à l’Assemblée Nationale, sans même l’assurance d’être officiellement reconnu. Pauline Marois, quant à elle, passerait à l’histoire pour avoir été le fossoyeur de son parti.
Triste sort !


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8 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    25 août 2011

    Veuillez me pardonner pour le lien précédent qui ne pointe pas exactement¸ là où je l'aurais souhaité. Voici donc le texte que j'aurais voulu publié ici même. Je crois que ce petit scénario (ou tout autre du même genre) est révélateur de possibilités surprenantes dans le contexte où il existe une offre abondante à l'intérieur d'un système qui favorise pourtant le bipartisme. En situation d'éclatement du vote et au niveau de chaque comté, tout est possible et imprévisible. Est-ce que le résultat sera l'expression exacte de la volonté du peuple ? PAS SÛR. Mais encore une fois, le Québec innovera.
    http://www.vigile.net/L-union-des-forces-souverainistes

  • Archives de Vigile Répondre

    24 août 2011

    Je me suis sans doute trompé de billet mais voici ce que j'en pense :
    http://www.vigile.net/spip.php?page=forum2&id_article=40781#formulaire_forum

  • L'engagé Répondre

    24 août 2011

    @ Monsieur Gauthier,
    Confiance plutôt que suspicion, d'accord. Sauf que depuis les deux dernières commissions parlementaire, le liens est rompu.
    Les propos inconsidérés de Gaudreault (ou de Pinard quand la presse le questionne) n'aident pas non plus.
    Le PQ et Marois ont en ce moment une attitude d'autistes, mais s'ils ne l'avaient pas, cette attitude, il n'y aurait pas de problème. Mais pourquoi sont-ils autistes? Un parti n'est pas un «truc» rationnel, c'est une organisation qui a une culture.
    Celle du PQ contamine fortement son administration et la stase idéologique génère une politique défensive de rejet et de blâmes. Comme un être psychologiquement perturbé qui vivrait dans le déni.
    Dans ce contexte, le malade doit parfois aller jusqu'au bout. On peut avoir de la compassion, mais être ferme.
    Avec le PQ si nécessaire, mais pas nécessairement avec le PQ.
    Par contre, le PQ sans les indépendantistes est, je sais pas trop... je n'ai pas connu l'Union nationale.

  • Marcel Haché Répondre

    24 août 2011

    M. Le Hir
    C’est dans l’intérêt de Mme Marois, l’intérêt du P.Q. et, en bout de piste, l’intérêt de l’idée même de l’indépendance que l’action de Mme Marois force la confiance des indépendantistes, sans accepter qu’on lui pose des conditions.
    Il y a bien longtemps, Daniel Johnson (Égalité ou Indépendance) avait invité les indépendantistes à rejoindre l’Union Nationale. Mais il n’avait pas suggéré aux indépendantistes qu’ils posent des conditions. Il avait appelé la confiance et non pas la suspicion. Les indépendantistes n’avaient pas eu confiance et optèrent pour une autre voie. L’Union Nationale disparut.
    La même croisée des chemins se présente aujourd’hui, mais pour le P.Q., l’héritier bleu de l’Union Nationale. Mais les conditions politiques sont complètement bouleversées :
    1) Jamais l’indépendance ne fut plus proche que maintenant. Cela, vous l’avez amplement démontré.
    2) Mais jamais non plus le temps n’a autant pressé les indépendantistes. Cela, tout Vigile contribue à le préciser.
    Je crois que la confiance vaut mieux que la suspicion, et n’empêche pas la très légitime impatience des indépendantistes.

  • Richard Gauthier Répondre

    24 août 2011

    Votre argumentaire concernant l’immigration est juste.
    Moins juste, votre argumentaire présupposant que le temps à mettre sur pied un nouveau parti est énorme. Bien sûr vous avez raison si vous continuez à penser comme avant. En boîte.
    Juste vous seriez si…vous parliez de 125 candidats indépendants et coalisés, se présentant à la prochaine élection pour faire la réforme démocratique, pas la séparation.
    Je vous prédis la victoire des 125 indépendants coalisés pour faire la réforme démocratique, à la prochaine élection!
    Une élection pour une réforme qui redonne le pouvoir aux citoyens!

    Bien sûr, après viendra «la question», la seule obsession qui nous réunies ici.
    Et bien. Si déjà au troisième paragraphe vous aviez en tête le mot hurluberlu pour me qualifier, j’aurai tendance à vous le remettre en main propre si…vous pensez que la prochaine élection pourra se gagner par défaut, avec un parti québécois qui agonise de contradictions (à mon grand déplaisir) et promet de s’engager…encore et encore.
    Pourtant. Concernant le temps des pressés qui vous semble utopique, d’un second souffle, vous êtes prêt à faire prêter serment à un vieux parti qui n’a d’autre raison de vivre que de se faire élire sur des promesses bafouées depuis 40 ans. Vous n’êtes pas pressé!
    Tant qu’à mourir à petit feu. Je vais jouer à la roulette russe. Je ne suis pas comptable mais je sais compter jusqu’à 40 ou 6.

    Pas encore 40 ans! Je choisi le barillet à six coups. Je mourrai au moins avec honneur.
    À propos! Je crois aussi qu’il est possible pour une coalition d’indépendants, sans budget, de gagner à la prochaine élection!

  • Archives de Vigile Répondre

    24 août 2011

    24% sans Legault, 16% avec Legault dans le décor. Le Pq s'en va à l'abattoir. Les seuls maintenant qui peuvent sauver le parti ce sont les députés. S'ils s'inclinent, c'est foutu.
    Faut un push cet automne (on a le temps, il n'y aura pas d'élections), un changement total de direction. Une sorte de Désormais.
    Maintenant qui mette là? C'est tout le problème.

  • L'engagé Répondre

    24 août 2011

    Vous aurez compris que je défends sensiblement le même point de vue, mais je ne l'ai jamais émis d'une façon aussi claire.
    Toutefois je ne suis pas d'accords avec l'aspect suivant :
    « Il est cependant curieux que ceux qui s’inquiètent le plus de ce dernier risque soient également les plus disposés à courir celui de reporter l’indépendance aux calendes grecques en sous-estimant la difficulté et le temps nécessaire à mettre sur pied un nouveau parti, sans parler de le faire élire.»
    Cela permettrait une travail long et patient et nous pourrions prendre la mesure de l'effort titanesque nécessaire pour réaliser l'indépendance et il est fort probable qu'un tel parti ne prendrait jamais le pouvoir, mais par son existence même, obligerait d'autres partis à envisager l'indépendance sous peine d'être impopulaires eux aussi.
    En fait, il vaut mieux ce projet avec un mandat clair, qu'une course précipitée et un référendum perdu. Avez-vous entendu Marois répéter «que c'est par un référendum...» à Trois-Rivière? Alors que tout le monde parle de la nécessité de revoir la stratégie.
    La réponse est stratégique : «un référendum si nécessaire, mais pas nécessairement un référendum». Au contraire du problème des «calendes grecques», un parti qui rapproche l'horizon oblige ses militants à faire le travail et les militants «souverainistes» du PQ ne bouderont pas éternellement. Mais le fait de recommencer nous donne effectivement le même horizon que votre suggestion, sauf avec beaucoup de travail entretemps tandis qu'il est normal que la population soit toujours sceptique quand un parti est au pouvoir, et cela joue contre l'indépendance.

  • Pierre Cloutier Répondre

    24 août 2011

    [1] Cela ne se fera pas monsieur Le Hir est vous le savez fort bien en votre for intérieur.
    [2] Les dés sont pipés et le sort en est jeté. Le PQMarois court à sa perte et la division est trop profonde pour ramener les dissidents au bercail. Vous saurez me le dire.
    [3] Comme on dit en droit du travail lors d'un congédiement, le lien de confiance est brisé et c'est fatal.
    Pierre Cloutier