Une Francophonie Nord-Sud interpellée par des problématiques planétaires

« Le rôle de l'OIF dans les pays en émergence est déterminant »

XIIe Sommet de la Francophonie - Québec du 17 au 19 octobre 2008


La Francophonie est-elle le miroir révélateur ou le reflet plus ou moins juste de la réalité francophone à travers le monde? Est-ce qu'elle tend à devenir un acteur de la vie politique mondiale ou est-elle irrémédiablement enfermée dans un carcan culturel? Quels sont les courants ou les tendances qui en modulent l'existence actuelle? À l'heure de la mondialisation, quel sort lui est réservé sur la planète?
À l'échelle planétaire, il y a actuellement 200 millions de locuteurs français. L'Organisation internationale de la Francophonie (OIF) regroupe dans ses rangs
68 États et gouvernements dont la population atteint les quelque 803 millions de personnes.
Vice-doyenne à la faculté des arts et des sciences de l'Université de Montréal, Micheline Cambron situe cet organisme dans le concert des nations francophones: «Bien sûr, les organisations liées à la Francophonie, qui sont des institutions internationales, ont pour mandat d'essayer de refléter cette diversité. On doit tout de même comprendre qu'il y a des différences qui peuvent être assez importantes entre la participation réelle d'un pays comme le Viêt-nam, où il y a quand même bon nombre de gens qui parlent français à cause de son passé colonial, et celle du Québec, de la Belgique ou encore du Sénégal.»
Ces institutions ont d'abord eu une vocation plus culturelle: «Il y avait une autre façon de voir les choses autour de la langue française. Dans la perspective initiale, il s'agissait de doter plusieurs pays des outils qui allaient leur servir à se développer en français, le premier de ceux-ci apparaissant comme la formation universitaire parce que les savoirs, qui sont toujours très étroitement liés à la langue, constituent quand même un des leviers principaux de développement. Il faut toujours penser que la Francophonie naît de façon assez forte à l'instigation de la France, mais aussi avec l'appui du Québec, qui sera un joueur majeur très tôt et ce, dans une perspective développementale, ce qui s'explique par le fait qu'une bonne partie des pays francophones, ou de ceux où l'on parle le français, sont des pays de ce qu'on appelait autrefois le Tiers-Monde. Il y a une relation Nord-Sud qui est très importante dans l'ensemble des pays qui sont liés à la Francophonie.»
Au-delà du culturel...
Cette Francophonie, à titre d'organisation élargie, figure parmi les nouveaux intervenants sur la scène internationale. Peut-elle pour autant se targuer d'être un acteur de la vie politique mondiale? Mme Cambron apporte cette réponse: «Il y a quelques années, il aurait été facile de dire qu'elle était forcément enfermée dans des enjeux culturels. Maintenant, on voit que certains de ces derniers sont en train de sauter allègrement la clôture: on peut penser à la notion de diversité culturelle, qui joue évidemment un rôle extrêmement important dans les réflexions actuelles autour et à l'intérieur de ses institutions. Cette notion a une portée éminemment politique. Il existe une relation qui est plus manifeste entre la dimension politique de la Francophonie et celle qui est d'ordre plus culturel. Bien entendu, tout cela se développera dans la mesure où les pays qui font partie de cette Organisation internationale de la Francophonie accepteront de s'engager dans cette voie où la dimension politique prendra davantage de place, ce qui s'est produit lors des deux derniers sommets.» Et elle ajoute sur cette question de fond: «C'est lié à la volonté d'un certain nombre d'acteurs majeurs, dont le Québec fait partie, et au fait que, de manière plus évidente qu'avant, la culture ne peut pas être désengagée de ce qu'on peut appeler les enjeux politiques au sens large.»
Dans ce sens-là, la Francophonie s'est déjà risquée sur des terrains jusque-là inconnus pour elle: «Il y a déjà eu un certain nombre de débats autour des questions des libertés et des droits de l'homme. Il y a également un travail plus souterrain qui passe par le soutien qui peut être apporté à des institutions universitaires installées dans des pays en émergence.» Elle signale un autre dossier de poids: «Je dirais que les orientations récentes m'apparaissent, d'une façon assez déterminée et déterminante, du côté des sujets environnementaux; un courant se dessine qui est important.» Certaines universités se sont nettement tournées dans cette direction, notamment dans une perspective de désertification dans des environnements sahariens.
Il est question d'une très vaste organisation au sein de laquelle il n'est pas facile d'obtenir des consensus: «Tel est le cas parce que les points débattus sont davantage sensibles au plan politique. Si vous en restez à des énoncés qui ne sont ni trop engageants ni trop compromettants, vous allez faire l'unanimité autour de vous. Si vous lancez des débats reliés à des enjeux plus fondamentaux et qui ont un impact plus politique, il est évident que c'est plus difficile.» Dans cet esprit, elle convient que toute la problématique libanaise peut constituer un exemple parmi tant d'autres.
Francophonie et mondialisation
Et cette Francophonie, en cette ère de mondialisation, rayonnera-t-elle davantage sur la planète ou deviendra-t-elle plus diluée dans le concert des nations? Micheline Cambron situe l'organisation de cette façon dans ce vaste élargissement des horizons internationaux: «J'ai la conviction que, si on parvient à dégager d'autres enjeux qui ont un retentissement aussi fort que celui de l'environnement et de la diversité culturelle, on parviendra probablement à faire en sorte que la participation des États soit moins symbolique et plus réelle, de telle sorte que des choses importantes pourront se passer à ce moment-là. La Francophonie pourrait approfondir ses ancrages en allant chercher un poids institutionnel plus lourd.»
Elle examine la problématique sous cet angle: «Il est évident que le rôle de l'organisation dans les pays en émergence est déterminant. Si vous formez des cadres en français en Afrique, qui vont par la suite gérer des États, à moyen terme vous allez avoir non seulement des acteurs de premier plan qui vont prendre place, mais vous allez aussi obtenir un approfondissement de la dimension politique des dossiers qui pourront être abordés. Vous allez développer des compétences et ces gens-là auront tendance à trouver des forums où ils seront en mesure de discuter en profondeur des problèmes.» Et partant, la Francophonie rayonnera davantage et pèsera plus lourd dans le monde.
Harvey, Réginald
Collaborateur du Devoir


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