Un révélateur

Le site indépendantiste Vigile.net, que le gouvernement Charest a récemment taxé d’antisémitisme, s’est fait un plaisir de rapporter quelques pièces de Quebec bashing tirées du Toronto Sun, fleuron de l’empire Quebecor, qui sont dignes de figurer dans une anthologie.

Élections fédérales - 2011 - le BQ et le Québec


On conviendra que le slogan électoral du Bloc québécois — «Parlons Québec» — n'est pas la trouvaille du siècle. Il y a déjà suffisamment de gens qui ne voient en lui qu'une bande de placoteux.
Gilles Duceppe a bien expliqué ce que le Bloc fait en réalité depuis sa fondation, en disant qu'il allait profiter de la campagne fédérale pour «exprimer ce que nous sommes et comment nous sommes». Il aurait pu ajouter: et montrer ce que le reste du pays en pense.
Plusieurs souverainistes estiment que le Bloc nuit à leur cause en jouant le rôle de «police d'assurance», mais on ne peut certainement pas lui reprocher de favoriser le rapprochement des deux solitudes.
Certes, l'hostilité envers le Québec est bien antérieure à la création du Bloc. Elle se manifeste régulièrement, avec ou sans élections. Une campagne électorale a cependant pour effet d'exacerber l'agacement que provoquent la présence du Bloc et, de façon générale, les réclamations québécoises.
Le site indépendantiste Vigile.net, que le gouvernement Charest a récemment taxé d'antisémitisme, s'est fait un plaisir de rapporter quelques pièces de [Quebec bashing tirées du Toronto Sun->36480], fleuron de l'empire Quebecor, qui sont dignes de figurer dans une anthologie.
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Il est vrai que l'article publié en fin de semaine dernière sous la plume d'un ancien ministre de l'Éducation dans le gouvernement de Mike Harris, John Snobelen, n'invitait pas précisément à la retenue. Il n'est sans doute pas nécessaire d'en traduire le titre: [Canada controlled by traitors of Bloc quebecois.->36480]
Forts de cet encouragement, les lecteurs du Sun s'en sont donné à coeur joie. «Demander au Québec de se débarrasser du Bloc, c'est comme demander à un cochon de manger avec un couteau et une fourchette», commentait Tim Devlin.
Combien de ceux qui étaient venus nous témoigner leur amour à trois jours du référendum du 30 octobre 1995 reprendraient aujourd'hui à leur compte le cri du coeur de Gordon Campbell: «Peut-on se séparer du Québec? Je suis écoeuré de ces losers braillards...»
Tony Lam, lui, se disait d'avis que «les Britanniques auraient dû finir la job il y a quelque 225 ans». On ose espérer que M. Lam avait simplement à l'esprit l'assimilation de nos ancêtres, mais rien n'est moins sûr. D'autres lecteurs y vont de leurs suggestions sur la façon dont le Canada devrait réagir en cas de séparation du Québec. On est très, très loin du love-in.
Comme pour faire écho aux propos récents du sénateur Jean-Claude Rivest, selon lequel le Québec n'est plus une préoccupation pour les partis fédéraux (sauf le Bloc), une chroniqueuse du National Post, Tasha Kheiriddin, demandait mardi: «Who needs Quebec?»
En effet, pourquoi les conservateurs s'entêteraient-ils à tenter de séduire le Québec, qui n'est jamais satisfait, au risque de créer du mécontentement dans le reste du pays, alors qu'il est si simple de l'abandonner au Bloc? De toute manière, le PLC ne peut rien en attendre non plus. Même si les conservateurs connaissent un début de campagne difficile, les libéraux pourraient bien s'écrouler sous la gouverne de Michael Ignatieff et M. Harper pourrait régner en maître pendant dix ans, comme l'avait fait Jean Chrétien, après que Kim Campbell eut mené le PC au désastre en 1993, explique Mme Kheiriddin.
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On peut comprendre que des gens abrutis par la lecture continuelle du Sun, qui a déjà comparé la Charte de langue française aux lois nazies, ne voient que des caprices dans les demandes du Québec.
Il est nettement plus étonnant qu'un homme aussi familiarisé avec la société québécoise que le footballeur Larry Smith soit incapable de prendre acte du sentiment d'insécurité culturelle des francophones, au point de considérer la protection du français comme une chose du passé.
Qu'un ancien éditeur de The Gazette ne partage pas leur inquiétude, on peut toujours le concevoir, mais il devrait au moins être en mesure de voir qu'elle existe. C'est à se demander si M. Smith est bien fait pour la politique.
Les électeurs anglophones de Lac-Saint-Louis seront peut-être d'accord avec lui, mais cette déclaration risque de le suivre longtemps. Le lieutenant de M. Harper au Québec, Christian Paradis, s'est empressé de rectifier le tir. La situation du français est «préoccupante» et «le combat pour le français a toujours fait partie de la politique de notre parti», a-t-il assuré. Le premier ministre a plutôt balayé la question, expliquant que cela relève de la compétence des provinces. Faut-il comprendre qu'il songe à abolir la Loi sur les langues officielles?
Encore une fois, c'est en voulant s'en prendre au Bloc que M. Smith a dévoilé le fond de sa pensée dans l'entrevue qu'il a accordée au Devoir. Il y a indéniablement des inconvénients à être exclu du gouvernement. Il est également légitime de craindre que l'hégémonie du Bloc favorise les conservateurs. Il demeure malgré tout un formidable révélateur.


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