LIBERTÉ D’EXPRESSION

Un recul «alarmant» au Canada

L’organisme apolitique PEN International s’inquiète du bilan des années Harper

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Le «plusse meilleur» pays au monde prend une volée de plomb dans l'aile






Les années Harper ont marqué un recul « alarmant » pour la protection de la liberté d’expression au Canada, estime l’organisme PEN International. Ce dernier soutient dans un rapport dévoilé mardi que les « autorités canadiennes n’ont eu de cesse de miner la liberté d’expression, la liberté d’association et l’accès à l’information » dans les dernières années.


 

Si le nom du gouvernement Harper n’apparaît nulle part dans le document d’une vingtaine de pages, il se trouve en filigrane de chaque section. Les critiques de l’organisme concernent quasi exclusivement des décisions prises par les conservateurs.


 

Le constat de PEN est brutal : « l’érosion du droit à s’exprimer librement » au Canada est en voie de « déstabiliser les fondements mêmes de la société canadienne », estime le regroupement, qui se veut apolitique.


 

Son président sortant, l’écrivain canadien John Ralston Saul, s’est gardé mardi de blâmer nommément les conservateurs pour la détérioration de la situation. « Nous avons fait l’analyse de la situation actuelle, nous avons mis tous les éléments ensemble, et c’est ce que ça donne, a-t-il dit en entretien. Mais il est clair et net qu’il ne faut pas que ça reste comme ça, ou pire, que ça continue. »


 

À cinq jours des élections générales, le PEN note que la situation n’a « rien d’irréversible ». Les politiques publiques et les lois « peuvent être corrigées ». Mais il ne faudrait pas trop tarder, souligne-t-on. « Il fut un temps où les pays qui peinent à mettre en place des institutions démocratiques louchaient avec envie vers le Canada : est-il trop tard pour que le pays se reprenne et serve à nouveau d’exemple au monde ? » demande le document.


 

État des lieux


 

L’association d’écrivains fondée en 1921 produit chaque année un rapport dressant un état des lieux de la liberté d’expression du pays qui reçoit son congrès annuel. L’édition 2015 se tient à Québec jusqu’à vendredi, d’où l’intérêt porté par le PEN pour un pays qui est tout de même « considéré comme faisant partie de ceux où les libertés individuelles sont le mieux protégées au monde », reconnaît-on.


 

Mais derrière cette façade lisse, il y a bien des fissures, remarque le PEN. Au Canada, la liberté d’expression serait ainsi « bel et bien mise à mal » depuis 2006 — date d’entrée en fonction de Stephen Harper. On parle de « politiques agressives » ayant érodé plusieurs pans de ce que constitue la liberté d’expression.


 

Les conservateurs ont par exemple rendu difficile pour la société civile et les employés du secteur public de « critiquer ou de mettre en cause publiquement l’action du gouvernement », ce qui a des « retombées graves sur le discours public au Canada », dit-on. Le rapport revient sur la décision d’Ottawa de contrôler (par l’Agence du revenu du Canada, l’ARC) le volume d’« activités politiques » que peuvent faire les organismes de bienfaisance.


 

Or, la première vague de contrôles de l’ARC a surtout ciblé des organismes concernés par les questions environnementales ou de justice sociale (comme la division canadienne du PEN). Selon quels critères ces organismes ont-ils été sélectionnés ? Mystère. Mais l’opération a eu pour effet d’inciter « bon nombre d’organismes à opter pour la voie de la prudence » et à se tenir loin du débat politique, écrit le PEN.


 

Les fonctionnaires fédéraux font eux aussi face à des règles de plus en plus « restrictives » les empêchant de communiquer avec les médias. Ces politiques publiques « sapent la transparence et font barrage à l’accès à l’information scientifique », mentionne le rapport.


 

D’ailleurs, le PEN s’inquiète des faiblesses du cadre canadien d’accès à l’information : la loi prévoit trop d’exceptions qui limitent la divulgation d’informations et les délais de traitement sont trop longs.


 

Terrorisme


 

Comme le Comité des droits de l’homme des Nations unies l’a fait en juillet dernier, le PEN critique dans son rapport des atteintes au droit de manifester pacifiquement au Canada, de même que l’ensemble de la Loi antiterroriste 2015 (projet de loi C-51). Celle-ci a introduit des « changements radicaux » dont « certains réduisent sans concession le droit à s’exprimer librement », estime-t-on.


 

L’organisme s’inquiète également de la portée des programmes de surveillance du Centre de la sécurité des télécommunications canadien, qui partage avec « des services d’espionnage de pays étrangers les informations sensibles » qu’il collecte.


 

Un autre chapitre du rapport s’attarde aux lacunes des lois encadrant la protection des sources confidentielles et les propos haineux, alors que le dernier volet cible l’absence de dispositions concernant les droits linguistiques des populations indigènes.


 

C’est là un « bilan assez lourd », convient John Saul. D’autant qu’il s’inscrit dans un contexte plus large. « Depuis une quinzaine d’années, il y a une vague d’attaques contre la liberté d’expression un peu partout dans le monde. Et ce qui est étonnant, dit-il. c’est que plusieurs de ces attaques viennent de pays démocratiques d’Occident. C’est très dangereux… mais ça peut être corrigé. »


 

Le PEN International compte des centres dans une centaine de pays. Il dispose d’un statut consultatif auprès de l’ONU et d’un statut d’association auprès de l’UNESCO. Il travaille principalement à la défense de la liberté d’expression.







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