CAMPAGNE BLOQUISTE

L’immense défi de Duceppe

Malgré les sondages, le chef du Bloc québécois assure ne pas être découragé

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Y'en aura pas d'facile

Journée caniculaire sur Montréal. Au milieu du parc La Fontaine, la brise atténue d’un brin la chaleur. Assis à une table à pique-nique quelques minutes avant le début du conseil général du Bloc québécois, le conseiller Stéphane Gobeil s’allume une cigarette, aspire, puis laisse échapper un constat lapidaire sur l’état du parti dont Gilles Duceppe a repris les rênes en catastrophe : « Le Bloc était presque mort. »

Était ? La lecture des sondages réalisés depuis le début de la campagne peut au contraire laisser penser que le Bloc l’est toujours, mort. Ou enfin : gravement malade. Pointant à environ 15 % dans les intentions de vote (18 % selon un sondage Léger publié samedi par le Globe and Mail), le parti peine à se faire entendre depuis le début de la campagne. Le Québec semble n’en avoir que pour Thomas Mulcair et le Nouveau Parti démocratique (46 % selon le même sondage).

Le Bloc part donc de loin, et le slogan dévoilé lundi le dit en filigrane : « On a tout à gagner. » En vétéran de la politique, Stéphane Gobeil soutient toutefois que ce « n’est pas une surprise. Personne ne pensait qu’on allait l’avoir facile. Gilles Duceppe savait dans quoi il s’embarquait, et il l’a fait [son retour] par conviction et par sens du devoir ».

Même : il serait « encouragé » par la réception que lui réservent les Québécois. « On a fait 10 000 km au Québec, dit le conseiller et rédacteur de discours. Il prend des bains de foule, les gens sont contents de le voir et de savoir que le Bloc est redevenu une option. Ça le conforte. » Autre vieux complice de M. Duceppe, le conseiller Pierre-Paul Roy affirme pour sa part que « les militants sont là, [que] l’humeur est bonne et [que] Gilles Duceppe a un bon contact avec tout le monde ».

Quelques heures plus tard, en entrevue depuis le salon aménagé dans son autocar de campagne, Gilles Duceppe jure qu’il s’attendait à ramer à contre-courant. Pas de lunettes roses : la pente serait raide. « Bien oui, répond-il rapidement. On partait à deux députés, pas à cinquante. »

Pourtant, son retour — dans la foulée du décès de Jacques Parizeau — avait paru replacer le Bloc québécois. C’était visible sur le parvis de l’église le jour des funérailles de l’ancien premier ministre, le mouvement souverainiste était ravi. Ses leaders faisaient la queue pour saluer l’improbable coup de théâtre auquel ils assistaient. Quelques jours plus tard, une enquête de Léger donnait dix points de plus au Bloc québécois. Le parti sortait de sa torpeur. Mais trois mois plus tard, il est de retour à la case départ.

À l’arrière de son autocar, lundi, Gilles Duceppe ne paraissait aucunement abattu par la situation. En après-midi, il a livré un discours au ton combatif devant tous ses candidats et quelques centaines de militants qui remplissaient l’auditorium de l’école Le Plateau. « On a tout à gagner à se donner un rapport de force à Ottawa, surtout dans un contexte probable de gouvernement minoritaire », a-t-il lancé.

Le ton était ferme, la livraison énergique : le Gilles Duceppe d’aujourd’hui n’est pas celui qui, le teint pâle et la voix faible, parlait d’un « sentiment de rejet » difficile à vivre au lendemain de la défaite de 2011. De cette expérience, il indique avoir appris une chose. « Il ne faut jamais rien prendre pour acquis. Je l’ai toujours dit — et j’avais raison —, mais c’est une autre chose que de le vivre. Quand tu es habitué à la victoire, la défaite est difficile. Mais un combat n’est pas la guerre. Et il faut relativiser : il y a des gens qui vivent des choses bien pires. »

Équipe

Le revoilà donc en piste, prêt à risquer une deuxième défaite… mais surtout à se battre pour qu’elle ne survienne pas. Et pour cela, il s’est entouré de vieux complices : Stéphane Gobeil, Pierre-Paul Roy, le stratège Louis-Philippe Bourgeois (ex-directeur général du Bloc) et plusieurs anciens membres de l’équipe de recherches du Bloc sont de retour. Ils ont élaboré une stratégie pour mener une campagne que l’on souhaite « complètement différente d’il y a quatre ans sur le plan de l’approche et du contenu », selon un membre du comité stratégique.

On évoque notamment « une campagne positive, pour sortir de l’idée que nous sommes toujours dans l’opposition ». D’où l’idée de mettre en valeur les gains obtenus par le Bloc pour le Québec au fil des ans.

Mais tous ceux à qui Le Devoir a parlé lundi dans les coulisses du conseil général en conviennent : le principal défi sera celui de contrer le vote stratégique. « C’est notre plus grand adversaire, reconnaît Pierre-Paul Roy, qui en est à sa 11e campagne électorale. Et on le sait depuis le début. » Le message officiel — le « spin » — du Bloc dit que « les gens n’adhèrent pas au NPD, mais qu’ils veulent absolument battre Stephen Harper ».

Or, à ceux qui pensent que la meilleure stratégie pour y parvenir est de voter pour les libéraux ou les néodémocrates, le Bloc fait valoir que l’élection de 59 députés du NPD en 2011 au Québec n’a pas empêché l’élection d’un gouvernement Harper majoritaire. « Si on fait la même chose et qu’il passe de nouveau, nous sommes doublement perdants, dit Stéphane Gobeil. On a encore Harper, et personne pour défendre le Québec. Alors, votons selon nos convictions. »

Dans son discours de lundi, Gilles Duceppe a aussi soutenu que le NPD n’a « absolument rien fait » pour le Québec en quatre ans. Ses lignes d’attaque sont tracées : soutien de Thomas Mulcair au projet d’Énergie Est ; absence de réaction des députés québécois du NPD quand les contrats de chantiers navals ont échappé à la Davie ; flou autour de la promesse d’annuler les compressions dans les transferts en santé ; etc..

Pour les bloquistes, le constat est clair : le NPD n’a pas répondu aux attentes. Pour la population, c’est moins sûr. « Notre défi est d’ouvrir les yeux des Québécois là-dessus », conçoit Stéphane Gobeil. Gilles Duceppe dit qu’il y croit : « On part le vent dans la face, mais d’autres l’ont fait : on est capables aussi », lance-t-il avant de sortir de son autocar pour rejoindre son local électoral de circonscription… là où le chef devra aussi pédaler fort s’il espère l’emporter.


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