Caisse de dépôt

Un rapport caché

- Des choix suicidaires

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L'affaire de la CDPQ — le scandale

Mathieu Boivin - La ministre Monique Jérôme-Forget désavoue les dirigeants de la Caisse de dépôt, qui ont «investi dans des produits qu’ils ne comprenaient pas ».
Photo d'archives
Non seulement les dirigeants de la Caisse de dépôt ont investi dans les PCAA sans rien y comprendre, d'après Monique Jérôme-Forget, mais la Caisse refuse de rendre public un rapport indépendant sur le risque de ses investissements commandé dans la foulée de cette crise.
La ministre des Finances du Québec, Monique Jérôme-Forget, a déploré mercredi qu'en achetant quelque 12,7 G$ de papiers commerciaux adossés à des actifs (PCAA), les dirigeants de la Caisse de dépôt «se sont fait presque berner par des produits qu'ils ne comprenaient pas» et que «dans la vie, quand on ne comprend pas quelque chose, on est bien mieux d'essayer de le comprendre».
Or, en janvier 2008, la Caisse de dépôt avait confié à Pricewaterhouse Coopers le mandat d'analyser sa politique de gestion du risque des placements, précisément en raison de la crise des PCAA. Mais hier, la Caisse n'a pas voulu divulguer le contenu de cette étude qu'elle a reçue début mai. «Ça contient de l'information stratégique sur les modèles d'affaires de la Caisse», a-t-on soutenu, précisant que ce document n'avait pas été communiqué au ministère des Finances.
Aberrant
Selon le député adéquiste François Bonnardel, il est essentiel de savoir ce que dit ce document parce que Richard Guay -l'ex-président-directeur général de la Caisse, nommé en septembre mais qui a récemment démissionné en raison d'un burnout -a été vice-président, Gestion du risque et des comptes des déposants (2002 à 2006) et chef de la direction du placement (2006 à 2008).
«Est-ce que la ministre (JérômeForget) et le premier ministre avaient ce rapport en main lors de la nomination de Richard Guay à la tête de la Caisse de dépôt ? a demandé M. Bonnardel. Pourquoi ça n'a pas été sorti? Est-ce que ça incriminait M. Guay? [...] C'est un peu aberrant de donner nos sous à des dirigeants qui ont peut-être été bernés.»
Commission parlementaire réclamée
Pour le péquiste François Legault, il faut une commission parlementaire pour faire toute la lumière sur la situation.
«Monique Jérôme-Forget est rendue à désavouer les dirigeants de la Caisse en disant qu'ils investissaient dans des véhicules de placements qu'ils ne comprenaient pas, a analysé M. Legault. Ça confirme qu'il y a un problème urgent à régler avec la politique du risque. Il faut agir tout de suite, pas dans trois mois, et ça ne doit pas se faire en cachette.»
Notons que si la Caisse est aujourd'hui l'organisation qui détient le plus de PCAA au Canada, elle était également, en 2006, le plus important actionnaire de la firme de financement Coventree. Aujourd'hui moribonde, Coventree était le plus important émetteur indépendant de PCAA au pays.
Ce qu'il a dit...»
«Il n'y avait pas grand monde qui comprenait les PCAA dans tout l'univers financier. Mais la Caisse est l'une des plus grosses institutions financières du monde, elle a de grosses équipes. [...]
«C'est vrai que ces papiers commerciaux sont d'une extrême complexité, mais c'est vrai qu'une institution de la grosseur de la Caisse aurait dû être mieux placée que les autres pour s'en apercevoir.»
Bernard Landry, ex-premier ministre et ex-ministre des Finances du Québec
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Caisse de dépôt - Des choix suicidaires
Fabrice De Pierrebourg
Le Journal de Montréal

16/01/2009

La Caisse de dépôt et placement du Québec est blâmée pour ses investissements suicidaires dans les papiers commerciaux. Photo Le Journal, Pablo Durant
Des acteurs de renom de la finance dénoncent à leur tour l'attitude suicidaire et le «laxisme» de la Caisse de dépôt, qui aurait investi des milliards les yeux fermés dans les papiers commerciaux, des produits financiers inconnus qui se sont avérés catastrophiques.


«On a affaire à des gens qui ne comprennent pas, et pas seulement à des gens qui n'ont pas d'expérience», croit le gestionnaire de fonds Stephen Jarislowsky.
«Cela démontre que la gouvernance de l'industrie financière est extrêmement faible», ajoute Claude Béland, qui vient de succéder à Yves Michaud à la tête du Mouvement d'éducation et de défense des actionnaires (MEDAC).
Hier, le Journal rapportait les propos de la ministre Monique Jérôme-Forget, qui estimait que les gestionnaires du bas de laine des Québécois s'étaient fait «presque berner par des produits qu'ils ne connaissaient pas».
Des propos qu'approuve l'ex-dirigeant du Mouvement Desjardins: «Il y a un relâchement dans la gestion du risque qui est généralisé. [...] Mais où est le CA là-dedans ?» se demande Claude Béland.
Un comité des sages
Selon lui, les déboires de la Caisse sont une preuve supplémentaire que «beaucoup d'investisseurs institutionnels se fient à la mode, aux cotations ou bien se disent : Si les autres font ça, ça doit être bon pour moi.»
Stephen Jarislowsky et Claude Béland plaident en choeur pour la mise en place urgente à la Caisse d'un «comité des sages». De vrais experts qui, selon Stephen Jarislowsky, «se pencheraient sur toute innovation et pourraient dire si besoin : Non, ça n'a pas de sens.»
Évaluation continuelle de la gestion des risques
Maxime Chagnon, porte-parole de la Caisse, explique que ces produits toxiques étaient cotés AAA à l'époque et étaient du court terme. Il assure aussi que la Caisse «évalue continuellement ses modèles d'affaires» et sa gestion du risque.
Il n'a pas été possible d'obtenir les commentaires de ses deux ex-dirigeants, Henri-Paul Rousseau et Richard Guay.
Les rares employés frigorifiés rencontrés hier devant le siège montréalais de la Caisse n'étaient pas très loquaces non plus.
«On parle beaucoup de la Caisse dans les médias en ce moment, a dit l'un d'eux. Nous, on fait notre travail et c'est tout.»
«Ce qu'ils ont dit ...»
«Il faut absolument avoir au conseil d'administration de la Caisse des gens qui connaissent le milieu.»
-Stephen Jarislowsky
«Il y a un peu de laxisme dans tout ça. Mais qui en souffre au bout du compte ? C'est le petit investisseur.»
-Claude Béland


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