Un Québec sans usines?

Économie - Québec dans le monde


En 2003, le dollar canadien valait 63 cents américains Il s'est apprécié depuis de près de 50% et oscille aujourd'hui autour de 94 cents américains, un niveau inégalé en 30 ans. Cette situation, qui s'ajoute au contexte de la mondialisation, préoccupe la majorité des manufacturiers et exportateurs québécois qui doivent composer avec un dollar si vigoureux. Conjuguée à l'arrivée sur nos marchés de la féroce concurrence des pays émergents, cette conjoncture explique en partie la perte de 125 000 emplois au cours des dernières années. Ce recul de l'emploi annonce-t-il la disparition de notre industrie manufacturière?
Le secteur manufacturier québécois vit une transformation qui s'est amorcée il y a environ une vingtaine d'années. Cette profonde mutation que vit le secteur manufacturier québécois se constate dans tous les pays de l'OCDE, mais la transformation s'est amorcée beaucoup plus tôt dans plusieurs pays industrialisés. Ce en quoi se distingue la situation québécoise, c'est la rapidité avec laquelle les exportateurs doivent actuellement faire face aux changements. Au cours des années 90, le Canada fut, avec l'Espagne, le seul pays de l'OCDE à créer des emplois dans le secteur manufacturier alors que les autres pays devaient déjà prendre des mesures afin d'endiguer la perte d'emplois manufacturiers. Grâce au libre-échange, nos manufacturiers ont réussi à tripler leurs exportations, ce qui a contribué à la création d'emplois dans le secteur manufacturier.
Pays émergents
La concurrence des pays émergents finira-t-elle par éliminer la fabrication dans les pays industrialisés? Au Québec, le secteur manufacturier représente 10 000 entreprises et environ 550 000 emplois. Il est à l'origine de 20% du produit intérieur brut (PIB) et de 86% de nos exportations tout en générant 75% de la recherche-développement privée. À l'ère de l'économie du savoir et des services, demandons-nous comment le secteur manufacturier va continuer à jouer un rôle économique de premier plan.
Pour répondre à cette question, il est important de bien comprendre les causes de la chute de l'emploi dans le secteur manufacturier et la diminution de la part du secteur dans le PIB. Dans une étude intitulée "Les mutations du secteur manufacturier dans les pays de l'OCDE", l'organisme international avance certains points qui, loin d'être complètement négatifs pour les manufacturiers, alimentent la réflexion vers de nouvelles stratégies.
Précisons tout d'abord que, même si les emplois sont moins nombreux et que la part du secteur manufacturier dans le PIB diminue, la valeur de la production industrielle au Québec, au Canada et dans le reste du monde industrialisé demeure en constante progression. D'un côté, les entreprises réalisent des gains de productivité en formant leur main-d'oeuvre et en investissant dans leurs équipements de production. De l'autre, on a délocalisé certaines activités de fabrication à plus faible valeur ajoutée tout en créant ici des emplois à plus forte valeur ajoutée.
L'impartition a aussi un rôle à jouer. Certains emplois autrefois comptabilisés comme "manufacturiers" font maintenant partie des services. Par exemple, si une entreprise impartit le travail de l'employé responsable des technologies de l'information à une firme spécialisée, cet emploi n'existe plus dans l'entreprise manufacturière, mais se retrouve désormais dans une firme spécialisée dans les services informatiques.
Enfin, l'étude de l'OCDE nous apprend que le secteur manufacturier génère toujours les plus importants investissements en recherche et développement, ce qui explique pourquoi les pays industrialisés conservent une longueur d'avance, continuent de dominer l'innovation et maintiennent les activités manufacturières à plus forte valeur ajoutée.
Les manufacturiers s'internationalisent
On a beaucoup fait état des délocalisations. Or, l'étude de l'OCDE nous indique qu'il serait plus juste de parler d'internationalisation des entreprises manufacturières. Une enquête des Manufacturiers et Exportateurs du Québec et de Secor Conseil, rendue publique en avril 2007, confirme ce point de vue. En effet, bien que les manufacturiers prévoient transférer davantage d'activités de fabrication vers les pays émergents, ils le font non seulement pour réduire leurs coûts de production, mais aussi pour développer de nouveaux marchés d'exportation. Cette stratégie n'est donc pas seulement une façon de réduire les coûts de production, mais un moyen pour eux de développer de nouveaux marchés et de devenir de réels joueurs de classe mondiale dans leur secteur.
Bref, la prudence s'impose. Sans conclure que les pertes d'emplois riment nécessairement avec le déclin du secteur manufacturier, il faut toutefois se demander si les manufacturiers québécois sont en mesure de continuer à jouer un rôle moteur dans le développement économique et régional au Québec.


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