Un partenaire au parcours trouble pour le gouvernement

Un investisseur qu’appuie Québec figure dans les Panama Papers et un rapport sur la guerre au Libéria

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Un partenaire au parcours trouble pour le gouvernement





Ethelbert Cooper figure dans les Panama Papers et dans une liste d’individus qui auraient joué un rôle dans la guerre civile au Libéria, son pays natal. Qu’à cela ne tienne, Québec lui a accordé une subvention de 250 000 $ pour étudier la faisabilité d’une usine de fer à Bécancour, sans faire de vérifications.


Depuis les années 1980, Ethelbert (EJL) Cooper et son frère Daubeny ont enregistré de multiples compagnies dans les paradis fiscaux.


Leur Société internationale métallique (SIM) a obtenu l’appui de Québec pour le projet de Bécancour, une usine de fer briqueté à chaud, estimé à un milliard de dollars.


L’aide accordée sert à financer l’étude de préfaisabilité, toujours en cours. Aucun montage financier n’est encore approuvé.


La SIM appartient à Daubeny Cooper, mais elle est financée par son frère EJL. Il utilise son entreprise, African Iron Ore Group Limited (AIOG), enregistrée aux Seychelles, un paradis fiscal offrant l’un des plus bas taux d’imposition au monde.


Des compagnies aux Seychelles


Pour un de leurs investissements les plus controversés, les frères Cooper ont utilisé cette juridiction offshore pendant des années, grâce aux avocats de Mossack Fonseca, le cabinet au centre des Panama Papers sur les paradis fiscaux (voir texte ci-contre).


EJL Cooper n’a pas voulu préciser pourquoi il utilisait les Seychelles pour enregistrer ses compagnies.


«C’est extrêmement commun, dans l’industrie des ressources naturelles [...] d’enregistrer des compagnies pour un usage spécial dans des juridictions offshore efficaces d’un point de vue fiscal», a-t-il commenté dans un courriel à notre Bureau d’enquête.


EJL Cooper a fait ses débuts dans le monde minier au Libéria, son pays natal, où la guerre civile a fait des centaines de milliers de morts dans les années 1990 et 2000.


Grosse mine au libéria


Quand le dictateur Charles Taylor s’est emparé du pays par les armes, à partir de 1989, EJL Cooper dirigeait de l’étranger l’exploitation de la mine de fer Lamco, la plus grande du Libéria.


Son nom s’est d’ailleurs retrouvé dans le rapport de la Commission vérité et réconciliation, censé énumérer les responsabilités de chacun dans les guerres civiles ayant ravagé le pays.


EJL Cooper figure dans une liste de 50 «leaders et financiers de différentes factions guerrières», qui, selon le document, devraient être exclus de toute fonction publique pour 30 ans.


Le rapport n’explique pas pourquoi le patron de la SIM s’y retrouve. Mais il implique directement la compagnie qu’il dirigeait, au gisement Lamco.


«En 1990, la compagnie a commencé à faire des paiements de 10 M$ US par mois à Charles Taylor en échange du droit d’extraire du fer et de la collaboration du Front patriotique national du Libéria (le mouvement armé de Taylor)», selon la Commission.


L’homme d’affaires assure n’avoir jamais financé le dictateur, condamné à 50 ans de prison pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité.


«Tous les gestes posés pour exploiter la mine furent supervisés de façon scrupuleuse et transparente, et approuvés par le gouvernement du Libéria par intérim» et des organisations internationales, dit-il.


EJL Cooper assure qu’il était «personnellement opposé» aux activités de Taylor, «qui minaient totalement la paix et la stabilité» au Libéria.











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Hutchins Center





« Nous avons donné deux contrats mineurs à Mossack Fonseca (le cabinet au cœur des Panama Papers) de 2007 à 2009. Toute relation entre notre groupe et ce cabinet a cessé il y a environ cinq ans », dit Ethelbert Cooper, président du CA de la Société internationale métallique, dans un courriel à notre Bureau d’enquête.  


Pas de vérifications


Québec n’a pas fait de vérifications en bonne et due forme avant d’accorder une aide de 919 000 $ à la Société internationale métallique pour son étude de préfaisabilité, en septembre 2015.


«De manière générale, les subventions attribuées pour la réalisation d'une étude de faisabilité ne justifient pas la tenue systématique de vérifications diligentes, celles-ci pouvant s'avérer très coûteuses et très longues», écrit Karl Sasseville, attaché de presse de la ministre du Développement économique régional, Lise Thériault, dans un courriel.


Finalement, seule la portion «subvention» de cette aide – 250 000 $ – a été versée, en provenance du Fonds de diversification économique du Centre-du-Québec et de la Mauricie. La Société a décidé de ne pas se prévaloir de la portion prêt.


«Nous jugions que les conditions financières étaient inacceptables», dit EJL Cooper dans un courriel à notre Bureau d’enquête.


Ni lui ni Québec n’ont voulu donner plus de détails sur la raison de cette mésentente.


Une toile offshore complexe


De 2005 à 2009, les frères Cooper ont utilisé un réseau de sociétés aux Seychelles pour un de leurs investissements les plus controversés: une centrale électrique au gaz à Malte, dans la mer Méditerranée.


Une entreprise d’Ethelbert (EJL) Cooper, Gasol PLC, avait une participation de 30 % dans le consortium ayant obtenu le contrat de construction et d’exploitation auprès du gouvernement. Pour réaliser cet investissement, Gasol a utilisé un réseau de filiales aux Seychelles, créées par les avocats de Mossack Fonseca, le cabinet au cœur des révélations des Panama Papers.


La centrale Delimara en question devait commencer à produire de l’électricité à partir de mars 2015.


Mais Gasol n’a jamais obtenu le financement nécessaire. Après quatre mois de retard sur l’échéance, l’entreprise d’EJL Cooper s’est retirée, écrasée par une dette de 96 M£ (177 M$ à l’époque).


Le démarrage de la centrale, toujours en construction, vient d’être repoussé à nouveau par le gouvernement maltais.











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Photo SPIPB





La Société internationale métallique des frères Cooper a une option pour acheter un terrain de 94 hectares dans le parc industriel et portuaire de Bécancour, propriété du gouvernement du Québec. 


Les frères Cooper comptent sur Québec


La Société internationale métallique compte sur les gouvernements pour investir dans son usine de fer d’un milliard de dollars.


C’est du moins ce qu’indique le président du conseil d’administration de la Société (SIM), Ethelbert (EJL) Cooper, dans une lettre à ses partenaires qu’a obtenue notre Bureau d’enquête. «La SIM négocie un investissement substantiel dans le capital du projet par Investissemen Québec et d’autres institutions québécoises», écrit-il.


Questionné à ce sujet, le ministère du Développement économique régional précise qu’«il n’y a actuellement aucune discussion en cours avec cette entreprise sur le financement de son projet d’investissement», écrit Guy Simard, porte-parole, dans un courriel.


Un rapport controversé au Libéria


Plusieurs organisations internationales ont souligné l’importance du rapport de la Commission vérité et réconciliation au Libéria pour rétablir la paix dans le pays. Mais la liste des 50 «leaders et financiers de différentes factions guerrières» contenue dans le rapport final, où apparaît Ethelbert (EJL) Cooper, a été sévèrement critiquée.


«Les individus accusés de crimes [...] n’ont reçu aucun préavis officiel [...] au sujet des allégations à leur sujet et n’ont pas non plus été invités à y répondre», écrit notamment Amnistie Internationale dans son rapport de 2008 sur la Commission vérité et réconciliation au Libéria (Truth and Reconciliation Commission, TRC).


EJL Cooper reprend ces critiques à son compte. «Ma présence sur la liste fut une surprise complète, puisque je n’ai jamais été accusé de quoi que ce soit et n’ai jamais livré de témoignage.»


Il juge que le rapport de la TRC a été «largement discrédité».


Parmi les personnalités figurant sur la liste des complices de la guerre civile se trouve la présidente du Libéria, Ellen Johnson Sirleaf. La Cour suprême du pays a toutefois renversé l’obligation pour le gouvernement de bannir de la vie publique tous les individus identifiés dans le rapport.


C’est aussi un autre aspect de la Commission que critiquent les spécialistes: l’impunité des différents acteurs de la guerre civile nommés dans son rapport.




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